Ma vie,
vol. III — 1850-1864 / Richard Wagner ; trad. de
l'allemand par Noémi Valentin et Albert Schenk. - Paris :
Plon, 1912. - 497 p. ; 23 cm.
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| — Acccoudé au pont, j'étais debout dans la nuit brune, De loin un chant venait jusqu'à moi …
☐ Friedrich Nietasche, Ecce homo, 1888 (trad. Henri Albert) |
Septembre 1858 - mars 1859. Durant son premier séjour à Venise, Wagner travaille à la composition de Tristan. Autour
de lui, le
monde qui s'offre aux yeux et aux oreilles est
éloigné de celui où se déroule
l'œuvre en gestation ; pourtant certaines
impressions reçues durant cette échappée de
plusieurs mois peuvent avoir infléchi la création en
cours.
“ Ma vie ” : dans ces mémoires Wagner lui-même relate les faits — le chant des gondoliers résonnant dans la nuit silencieuse —
et suggère l'impact qu'ils ont pu exercer sur le
travail en cours. Le récit qu'il donne est empreint d'une émotion
difficilement maîtrisée : à deux reprises il
avoue avoir été trop violemment impressionné pour établir un relevé précis de l'événement et, surtout, sa notation musicale.
Cette commotion est-elle directement à l'origine de la fascination exercée par la vieille mélodie (die alte Weise) qui résonne aux début du troisième acte de l'opéra ?
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Au
début de l'acte, Tristan gravement blessé est de
retour dans son château où il attend Isolde. Sur une
colline proche un berger surveille la mer ; on lui a demandé de jouer un air joyeux sur son chalumeau
à l'approche du navire espéré. Dans l'attente
insatisfaite, le ton reste grave ; en entendant cette vieille mélodie, Tristan
est submergé de sombre pensées où se confondent le
souvenir de la mort de son père, de la mort de sa mère,
sa propre naissance et la promesse d'un destin
inéluctable — aimer et mourir. |
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EXTRAIT |
Pendant
une nuit d'insomnie, étant allé sur mon balcon vers trois
heures du matin, j'entendis pour la première fois le
célèbre et ancien chant des gondoliers. Je crus
reconnaître que le premier appel, rauque et plaintif, qui
résonna dans la nuit silencieuse venait du Rialto, situé
à une distance d'un quart d'heure environ. Une
mélopée analogue lui répondit de plus loin encore.
Ce dialogue extraordinaire et mélancolique continua ainsi par
intervalles parfois assez longs et j'en fus si impressionné
qu'il me fut impossible de fixer dans ma mémoire les quelques
notes sans doute fort simples qui le modulaient. Un autre soir, je
compris d'expérience toute la poésie de ce chant
populaire. Je rentrais fort tard en gondole par les canaux
sombres ; tout à coup, la lune se leva éclairant et
les palais indescriptibles et mon gondolier qui maniait lentement son
énorme rame, debout à l'arrière de sa barque. Au
même instant, celui-ci poussa un cri qui ressemblait presque
à un hurlement d'animal : c'était un profond
gémissement qui montait en crescendo jusqu'à un
“ oh ! ” prolongé et finissait par la
simple exclamation : Venezia ! Il venait encore quelque
chose, mais j'avais reçu une commotion si violente de ce cri que
je ne pus me rappeler le reste. Les sensations que j'éprouvai
là furent caractéristiques et ne s'effacèrent
point de tout mon séjour à Venise ; elles sont
demeurées en moi jusqu'à l'achèvement du
deuxième acte de Tristan
et peut-être m'ont-elles suggéré les sons plaintifs
et traînants du chalumeau, au commencement du troisième
acte.
☐ pp. 210-211 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- Richard Wagner, « Mein Leben », München : F. Bruckmann, 1911
- Richard
Wagner, « Ma vie » trad. de Noémi Valentin
et Albert Schenk, révisée et annotée par Dorian
Astor, Paris : Perrin, 2012
|
- Richard Wagner, « Tristan et
Isolde = Tristan und Isolde » éd. et trad. par
André Miquel avec une préface de Pierre Boulez,
Paris : Gallimard (Folio théâtre, 31), 1996
|
- Jean-Jacques Nattiez, « Analyses et interprétations de la musique : la mélodie du berger dans le Tristan et Isolde de Richard Wagner », Paris : Vrin (MusicologiesS), 2013
- Alain Perroux (dir.), « Tristan et Isolde
à l'aube du XXIe siècle : trois visions pour une
œuvre mythique », Genève : Labor et Fides,
2005
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♫ LA MUSIQUE SUR LE SITE DES LITTÉRATURES
INSULAIRES ♫
La
musique est encore insuffisamment représentée sur
le site
des
littératures insulaires. Ne sont
rappelés ici que les
références d'ouvrages déjà
présentés (ou qui le seront prochainement).
|
- Mimi
Barthélémy, « Dis-moi des chansons
d'Haïti », Paris :
Kanjil, 2007, 2010
- François
Bensignor (dir.), « Kaneka, musique en
mouvement », Nouméa : Poemart,
ADCK, 2013
- Philippe
Blay, « L'opéra de Loti, L'île du rêve
de
Reynaldo Hahn », in Supplément au
Mariage de Loti,
Papeete : Sté
des Études Océaniennes
(Bulletin, 185-287), 2000
- Etienne
Bours, « La musique irlandaise »,
Paris : Fayard (Les Chemins de la musique), 2015
- Alejo
Carpentier, « Chasse
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Gallimard (La Croix du sud, 19), 1958
- Philippe-Jean
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DCL éditions,
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- Jean-Yves Clément, « Le retour de Majorque, Journal de Frédéric Chopin », Paris : Le Passeur, 2022
- Christophe
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- Jude
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- Laurent
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mise-à-jour : 6 octobre 2022 |
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