Vivienne de Watteville

Une île sans pareille : souvenirs de Port-Cros (1929-1930)

Claire Paulhan

Paris, 2019
bibliothèque insulaire
   
Méditerranée
des femmes et des îles

parutions 2019

Une île sans pareille : souvenirs de Port-Cros (1929-1930) / Vivienne de Watteville ; trad. de l'anglais par Constance Lacroix ; notes de Constance Lacroix et Claire Paulhan. - Paris : Claire Paulhan, 2019. - 317 p. : ill. ; 17 cm. - (Tiré-à-part).
ISBN 978-2-912222-66-4
NOTE DE L'ÉDITEUR : Après deux éprouvants voyages scientifiques en Afrique de l'Est, en 1923-1924, puis en 1928-1929, la naturaliste Vivienne de Watteville revient en Europe. Elle est belle, jeune (28 ans) et, à la suite d'un héritage, riche : elle séjourne alors avec sa grand-mère dans le Sud de la France, cherchant un lieu à l'écart pour s'y reposer de sa vie aventureuse, écrire ses souvenirs (Speak to the Earth, 1935) et recevoir ses amis. Edith Wharton l'invite à Hyères et lui signale les “ Îles d'Or ”, que l'on voit à l’horizon …

Débarquant par hasard à Port-Cros en juin 1929, elle croit avoir trouvé un havre de paix avec la maison de Port-Man, qu'elle va louer à l'année à un trio qui règne sur l'île et la sauvegarde jalousement : Marcel Henry, notaire et entomologiste, Marceline, ex-femme du précédent, et Claude Balyne, ancien sous-préfet devenu poète et compagnon de Marceline … Après avoir remis en état cette maison isolée, Vivienne de Watteville s'installe confortablement, avec son ânesse Modestine, son perroquet Coco, ses livres, son gramophone et ses disques.

En fait, ses ennuis commencent : elle est poursuivie par un jeune ouvrier napolitain fou d'amour, Joseph Baresi ; elle se sent épiée par un couple de gardes, les Ballonet ; elle provoque l'ire de Marcel Henry, en plantant et coupant des arbres … Heureusement, des amis viennent la voir, rendant au lieu toute sa beauté et sa sérénité. En particulier, un Anglais mélomane, George G. Goschen, se montrera suffisamment original et délicat pour oser demander sa main, l'épouser en juillet 1930 et l'emmener loin de Port-Cros …
       
Vivienne de Watteville (1900-1957) est la fille d'un peintre spécialisé dans les paysages et les animaux sauvages. Sa mère meurt quand elle a neuf ans. Dès lors, elle a “ vagabondé à travers le vaste monde aux côtés de Brovie [son père], sans véritable foyer, et en ne disposant que de très peu d'argent. Nous avions constamment économisé pour financer notre expédition africaine ”.
Au terme de cette première expédition scientifique au Kenya, en Ouganda et au Congo belge commanditée par le Muséum de Berne entre le printemps 1923 et l'automne 1924, son père est tué sous ses yeux par un lion ; elle achève leur mission et, une fois rentrée en Europe, elle racontera cette terrible expérience dans Out in the blue (1927).
Au printemps 1928, Vivienne de Watteville retourne au Kenya, non plus pour traquer des animaux, mais pour les photographier et les filmer. Elle passe seule deux mois dans une cabane sur les pentes du Mont Kenya, lisant Walden ou la vie dans les bois de H. D. Thoreau, dessinant, herborisant, allant à la rencontre de la nature … ce qu'elle décrira dans son deuxième livre de souvenirs, Speak to the Earth, traduit par Georges Jean-Aubry pour Payot sous le titre L'Appel de l'Afrique en 1936.
Seeds that the Wind May Bring a été écrit à la toute fin de la vie de Vivienne de Watteville et publié posthume chez Methuen & Co à Londres en 1965.
Après avoir parlé de Brahms, nous en vînmes, de fil en aiguille, aux îles.

p. 222

Vivienne de Watteville croit avoir découvert un paradis sur l'île de Port-Cros ; dans son imagination se mêlent les échos de l'Arcadie, des îles Bienheureuses et autres utopies promises à l'épanouissement sous le soleil méditerranéen. La maison de Port-Man, dont elle acquiert la jouissance temporaire (et précaire) à défaut de la propriété, pourrait devenir le siège d'une colonie artistique où réunir ses amis.

Très vite le séjour insulaire se nuance de couleurs rudes. Les voisins sont peu nombreux mais inamicaux (ou perçus comme tels) ; le vent d'Est, en hiver, peut lasser voire effrayer. De brefs séjours sur le continent sont nécessaires pour échapper à l'influence lugubre de l'île.

Vivienne de Watteville doit surtout lutter contre elle-même — l'aventurière rompue à la vie errante dans les savanes africaines ou dans les contrées nordiques les plus retirées a découvert, avec l'aisance financière, les douceurs de la civilisation, de la compagnie et des convenances bourgeoises.

Le rêve insulaire tournera court, avec un mariage en perspective. Mais auparavant, l'harmonie espérée entre l'auteur et Port-Cros aura connu plusieurs temps forts — à l'écoute fervente de Beethoven, Bach et surtout Brahms ; et dans la découverte inopinée, au cœur d'un bois, d'un sanctuaire naturel inviolé, “ un havre où respirer en paix ” …
EXTRAIT Je suivais un jour le sentier qui rejoignait la lisière du bois à travers la combe. Cent fois déjà, je l'avais emprunté ; mais je n'avais jamais encore tenté de me frayer un chemin parmi les fourrés. Égratignée jusqu'au sang, j'étais sur le point d'y renoncer quand je vis filtrer un peu de ciel à travers la futaie qui s'éclaircissait. Forçant le passage, je franchis le taillis.

Je me trouvais face aux vestiges d'un antique aqueduc de pierre. Ils se dressaient devant moi comme une poterne sur l'inconnu. Je me faufilai sous une des arcades, sans oser respirer, et pénétrai dans une petite clairière parfaitement dégagée, et pourtant dérobée à tous les regards. On y était aussi à l'abri qu'à l'intérieur d'une pièce. Le vent d'Est avait beau balayer les cimes de ses ailes impatientes : là où j'étais, la flamme d'une chandelle serait restée allumée. Levant les yeux, je découvris que je me tenais au pied d'un gigantesque cyprès dont la flèche soyeuse oscillait doucement sur fonds de nues.

(…) Nul n'avait jamais foulé le sol de cette clairière. Il n'y avait aucune raison pour que quiconque s'y aventurât un jour. C'était un sanctuaire (…). J'avais enfin un havre où respirer en paix et m'abandonner à l'étreinte du silence bienveillant …

Je le baptisai le “ Paradis ” et m'y réfugiais de temps en temps (…).

pp. 203-204
COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
  • « Seeds that the wind may bring », London : Methuen, 1965
  • Pierre Buffet, « L'esprit de l'île : mémoires de Port-Cros » propos recueillis par Claire Paulhan, Paris : Claire Paulhan, 2014

mise-à-jour : 19 novembre 2019
Vivienne de Watteville : Une île sans pareille - Souvenirs de Port-Cros
Vivienne de Watteville, Joseph Baresi, Coco, Modestine
Vivienne de Watteville, Joseph Baresi, le perroquet Coco et l'ânesse Modestine
(ill. p. 91)
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