L'Avventura (Michelangelo Antonioni, 1960) / Pierre Sorlin. -
Lyon : Aléas, 2010. - 133 p. :
ill. ; 18 cm. - (Le Vif du sujet, 2).
ISBN
978-2-84301-295-2
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« Comme
elle est belle cette île ! » |
Au
cœur des îles Eoliennes, Lisca Bianca est
à peine
plus qu'un rocher émergé, tout ce qui subsiste du
cratère d'un volcan. C'est là que fait escale un
yacht de
plaisance — les passagers vont se promener et se
baigner. Le
film d'Antonioni s'attache particulièrement à
trois
d'entre eux : Anna (interprétée par Lea
Massari) qui
capte tous les regards (ceux du réalisateur et du cameraman,
ceux des autres protagonistes, ceux des spectateurs du film), Sandro
son amant, architecte aussi aisé que médiocre, et
Claudia
(interprétée par Monica Vitti) une amie
discrète,
effacée.
Anna disparaît, les
vacanciers la
cherchent en vain ; trois d'entre eux passent la nuit sur
l'îlot puis, le lendemain, se rendent en Sicile
où
le film les suit à Troina, à Noto, à
Messine,
à Taormina.
Anna ne
réapparaît pas ;
Claudia occupe naturellement le vide laissé par sa
disparition.
Sandro tente de la séduire et Antonioni constate
le glissement amoureux, mais il éclaire
prioritairement
l'émancipation de Claudia, son épanouissement,
voire sa
métamorphose. « Pourquoi Antonioni
accorde-t-il
autant de place aux cheveux blonds de Monica Vitti et aux
manifestations les plus personnelles de l'actrice ? Je
ne vois que des images. Très souvent ces images n'ont aucune
explication, aucune raison d'être au-delà d'elles
mêmes, admettait le
cinéaste » 1.
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EXTRAIT |
Lisca
Bianca, telle que la voient les passagers du yacht, semble
être
un caillou aride et inhospitalier où l'on peut, en tournant
autour d'un gros rocher, soit monter sur une plateforme naturelle du
haut de laquelle apparaît la mer, soit se glisser au ras du
flot
et se tremper les pieds. L'île, cependant, échappe
à ces voyageurs pressés. Seule la
caméra
découvre au spectateur des gouffres, des
échancrures
où viennent battre les vagues, des stries rocheuses que les
touristes ne songent pas à regarder. À la
différence du spectateur, les personnages ne se rendent pas
compte que plusieurs espaces se superposent au travers des
mêmes
images, qu'il existe, comme le dira plus tard Antonioni,
« des réalités qui pullulaient
à la
périphérie du film. » Il y a
dans un premier
temps, ce cercle étroit où les compagnons d'Anna
se
déplacent au hasard, sans se donner la moindre consigne,
comme
si seul importait le fait de chercher. (…) Lisca Bianca est
double (…) : on y rencontre contradictoirement, un
désert de fragments volcaniques rongés par la
pluie ou le
vent, et une plaine doucement inclinée vers la mer, un
territoire vivant, parsemé de buissons, d'herbes,
d'arbustes,
riche dans doute dans l'Antiquité puisqu'on y croise des
colonnes cannelées, des chapiteaux, et qu'on y
découvre
des poteries. Des pans de mur suggèrent une occupation plus
récente dont il reste un refuge troglodyte. Sandro, Claudia
et
le compagnon de Giulia, restés sur place pour la nuit,
forcent
la porte de cette cabane ; l'occupant, un vieux
pêcheur,
aimerait évoquer pour eux des souvenirs de ses
années de
travail en Australie (…). Les trois touristes italiens,
égarés à Lisca Bianca, opposent une
parfaite
indifférence à ce que cet homme leur raconte.
Ainsi
l'épisode de l'île est-il profondément
ironique par
son objet même (une exploration qui tourne en rond puisqu'on
recoupe sans cesse, inutilement, les pistes déjà
parcourues), mais aussi par l'étrangeté d'un lieu
à la fois vide et habité, stérile et
fleuri, et
enfin par l'absence des personnages à l'endroit
où ils se
trouvent.
☐
pp. 70-71 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- Tommasso
Chiaretti, « Michelangelo Antonioni, l'aventure de
L'Avventura » — l'histoire du
film, les dialogues
et le scénario, les 100 plus belles
photos —,
Paris : Buchet Chastel, 1961
- Seymour
Chatman and Guido Fink, « L' Avventura :
Michelangelo
Antonioni, director », New Brunswick
(N.J.) :
Rutgers university press (Rutgers films in print, 12), 1989
- Federico
Vitella, « Michelangelo Antonioni : L'
Avventura », Torino: Lindau, 2010
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LE CINÉMA SUR LE
SITE DES LITTÉRATURES
INSULAIRES
En
l'absence d'une sélection suffisamment
développée, la liste qui suit regroupe quelques
unes des
références dispersées sur l'ensemble
du
site. |
- Anne Akrich,
« Il
faut se méfier des hommes nus »,
Paris : Julliard, 2017
- Martin
Barnier et Pierre Beylot, « Analyse d'une
œuvre : Conte
d'été, Eric Rohmer, 1996 »,
Paris : Librairie Vrin (Philosophie et cinéma), 2011
- Alain Bergala, « Monika de Ingmar
Bergman », Crisnée
(Belgique) : Yellow now (Côté films, 1),
2005
- Ingmar Bergman, « Monika »,
Paris : L'Avant-scène Cinéma (567,
décembre 2007), 2007
- Ingmar Bergman, « Cris et
chuchotement [suivi de] Persona
[et de] Le lien », Paris : Gallimard
(Folio, 2620), 1994
- Pierre
Butin, Gilles Janin et Vincent Guigueno, « Un film
entouré d'eau : histoire et mémoire de L'or des mers de
Jean Epstein à Hoedic (1932-2005) », in
Pierre Frustier (dir.), Les identités
insulaires face au tourisme, La
Roche-sur-Yon : Siloé, 2007
- Nicolas
Chaudun, « L'île
des enfants perdus », Arles :
Actes sud, 2019
- Nicolas Chemla, « Murnau des ténèbres », Paris : Le Cherche midi (Cobra), 2021
- Jean Epstein, « L'or des mers »,
Baye : La Digitale, 1995
- Jean-Luc Godard, « Les années
Cahiers, 1950 à 1959 »,
Paris : Flammarion (Champs arts, 740), 2007
- Jean-Luc Godard, « Les années Karina, 1960 à 1967 »,
Paris : Flammarion (Champs arts, 741), 2007
- Vincent Guigueno, « Jean Epstein,
cinéaste des îles : Ouessant, Sein,
Hoëdic, Belle-Ile »,
Paris : Jean-Michel Place, 2003
- Bernard
Judge, « Waltzing with Brando : planning a
paradise in
Tahiti », Novato (California) : Oro
editions, 2011
- Andrea de Lauris et Pat Mullen,
« Man of Aran (le film) » in
Dominique Beugras (éd.), Les îles d'Aran, le
voyage vers l'ouest, Paris : La
Bibliothèque (L'Écrivain voyageur), 2000
- Isabelle
Le Corff, « Le
cinéma breizh-îlien :
îles bretonnes et cinéma »
illustrations de
Nono, Morlaix : Skol Vreizh, 2016
- Patrick
Louguet, « Le voyage vagabond au cœur de
l’œuvre cinématographique de Jacques
Rozier (Les
Naufragés de l’île de la tortue, Maine
Océan
et Adieu Philippine) », in Francis Marcoin
(éd.), Encore Robinson, Arras :
Université d'Artois, Centre Robinson, 2017
- Marc-Emmanuel
Louvat, « Petite histoire du cinéma en
Polynésie française,
Cinematamua », Paris : L'Harmattan, 2016
- Delos W. Lovelace, « King Kong »
d'après une histoire de Edgar Wallace et Merian C. Cooper,
Paris : Librio (Librio, 746), 2005
- Pat Mullen, « Man of Aran »,
Cambridge (Mass.) : The M.I.T. press, 1970
- Friedrich Wilhelm Murnau, « Südseebilder : Texte, Fotos und der Film Tabu »
ausgewählt, bearbeitet und kommentiert von Enno Patalas,
herausgegeben von der Friedrich-Wilhelm-Murnau-Stiftung, Berlin :
Bertz+Fisher, 2005
- Marie-France Pisier, « Le bal du
gouverneur », Paris : Librairie
générale française (Le Livre de poche,
6096), 1985
- Alyssa Goldstein Sepinwall,
« Slave revolt on screen : the Haitian Revolution in film and video
games », Jackson : University press of Mississippi, 2021
- Liv Ullmann, « Devenir »,
Paris : Stock, 1977
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mise-à-jour : 16 septembre 2022 |
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Entre
deux vues très larges d'une mer sans limites,
apparaît une
chevelure blonde, immobile, couvrant une tête
penchée.
Puis un mouvement du cou découvre le visage de Monica Vitti,
à demi masqué par les cheveux.
— pp. 32-33
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