Trois
fées des mers [Alphonse Karr : Les fées de la
mer ; Emile Souvestre : La
groac'h de l'île du Lok ; Paul
Sébillot : La
seraine de la
Fresnaye] / éd. établie et
postfacée par Françoise Morvan ; ill.
d'Odilon
Redon. - Paris : José Corti, 1998. -
176 p. :
ill. ; 17 cm. - (Merveilleux, 3).
ISBN
2-7143-0657-8
|
FRANÇOISE
MORVAN :
[…]
Trop dense, trop riche, trop complexe, trop
breton, trop beau pour
être vrai, le conte de Souvestre est un conte en
trompe-l'œil. Il s'agit, en somme, d'une condensation de
motifs
stylistiques comme de motifs narratifs, une sorte de broderie
très serrée, emprisonnant la trame mobile du
conte dans
un jeu de motifs hiératiques — et l'on
est en droit
de penser que c'est aussi ce qui fait son intérêt.
Le Braz 1
blâme particulièrement l'usage de la transposition
métaphorique […].
Mais c'est ignorer l'utilisation par Souvestre de
procédés qu'il a certainement vu employer par les
conteurs et qui rapprochent la gwerz
(ou récit chanté) et le
conte. De même, ajoute Le Braz, le choix de l'île du
Lok, comme demeure de la Groac'h,
paraîtrait étrange de la part d'un conteur du
peuple.
Aussi Souvestre s'en est-il franchement expliqué, selon son
habitude. « Nous avons dit-il, entendu
répéter
plusieurs fois, avec des variantes, le contes que nous
donnons ;
chaque conteur plaçant la scène dans un lieu
différent et souvent imaginaire, nous avons cru pouvoir
choisir
l'étang de l'île du Lok. » Rien
n'est plus
aisé que de déduire à quelles
préoccupations il a obéi. L'île du Lok
fait partie
du groupe des Glénans, de cet archipel sauvage
égaré dans l'Océan, au large des
côtes
finistériennes. Quelques rochers âpres, un phare
solitaire, une misérable ferme battue des vents, un
étang
sinistre, tout à l'entour l'infini des flots :
où
trouver un paysage plus romantiquement approprié pour situer
une Groac'h, une
sirène, une fée mauvaise de la mer ? Il
était
en quelque sorte fatal que Souvestre en fît le cadre de sa
légende. […]
Pris comme conte populaire authentique, le conte
de Souvestre
laisserait un sentiment de scepticisme. Pris comme une
création
complexe, visant à revenir par la création
littéraire à un objet premier, à tout
jamais perdu
(puisque l'entreprise, telle que Souvestre la présente, est
une
sorte d'inventaire avant décès,
destiné, dans
ce naufrage du passé, comme l'indique la
dernière phrase de l'introduction du Foyer breton, à
en préserver au moins la poésie), il trouve une
sorte de grandeur […].
La
groac'h,
c'est la sorcière, mais c'est aussi la fée,
puisqu'il y a
deux sortes de fées en Bretagne, une fée aux
dents de
morse, vieille et laide, et une fée belle comme le jour,
éternellement jeune, la
groac'h si
séduisante faisant une sorte de synthèse entre
les
deux : l'île du Lok, c'est l'île du lac,
et la
fée du lac est une fée des eaux douces, mais qui
ouvrent
sur la mer, au milieu d'une île. Tout est double, tout est
faux,
tout se répond et trouve sa vérité
dans ce jeu de
miroirs […].
☐ Postface, pp. 141-145
1. |
L'article d'Anatole Le Braz a
été publié en 1892 dans la Revue des traditions populaires,
tome VII — pp. 433-444 |
|
EXTRAIT |
Comme
il était
assis à l'auberge, il entendit deux saulniers qui causaient
en chargeant leurs mules et parlaient de la Groac'h de
l'île du Lok. Houarn
demanda ce que
c'était ; ils lui répondirent que l'on donnait ce
nom à une fée qui habitait le lac de
la plus grande des Glénans et que l'on disait
aussi riche, à elle seule, que tous les rois
réunis. Bien des gens étaient allés
déjà dans l'île pour s'emparer de ses
trésors, mais aucun n'était revenu.
☐
p. 91 |
|
COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- Emile Souvestre,
« Le foyer breton, traditions populaires », Paris :
Coquebert, 1844
- Emile Souvestre,
« Le foyer breton »,
Rennes : Terre de brume, 2002
|
|
|
|
|
mise-à-jour : 14
avril 2008 |
|
|
|