Quelque chose me
dit que ... Entretiens avec Andrea Camilleri / Marcello
Sorgi ; trad. de l'italien par Alain Sarrabayrouse. - Paris :
Fayard, 2002. - 158 p. ; 22 cm.
ISBN 2-213-61159-9
|
CAMILLERI
FANS CLUB : Dans
ce recueil d'entretiens avec le journaliste Marcello Sorgi, Camilleri
évoque son parcours, la « sicilitude »,
ses débuts d'écrivain, sa manière de travailler,
ses personnages Il livre aussi cinq chapitres intitulés
« une certaine idée de … »
consacrés à la femme, l'État, le langage,
la famille et la politique. Avec ce dernier chapitre, c'est une
certaine histoire de l'Italie et particulièrement de la
Sicile du vingtième siècle que l'on redécouvre.
Evoquant sa jeunesse, Camilleri ne cache rien : Si vous
voulez savoir comment j'étais, ce que je pensais, je n'hésite
pas à vous dire que j'étais fasciste. En outre,
mon grand-père et mon oncle étaient fascistes ;
mon père avait même été squadrista
— membre des groupes de combats fascistes — et secrétaire
politique du PNF. J'étais né en plein fascisme :
que pouvais-je être d'autre ? Je ne puis qu'ajouter
qu'à cette époque, en Sicile, autant qu'on puisse
en juger, le fascisme avait une étrange inclination de
gauche, vaguement libertaire, et même anarchique, si je
m'en tiens à mon père. Pourtant, le jeune Andrea
ne tarde pas à se détacher des uniformes, des parades
et du décorum fascistes. Il crée un journal avec
des amis, mêlant littérature, recensions culturelles
et articles politiques de fond. J'étais sûrement
fasciste, mais je me sentais intimement de gauche explique-t-il
évoquant sa découverte de l'U.R.S.S. à travers
certains articles de l'époque. En 1943, quand les Américains
débarquent en Sicile, le jeune Camilleri a viré
sa cuti depuis longtemps. Il est devenu … communiste.
Sans le savoir. Suite à un de ses articles, l'évêque,
Monseigneur Ruffino, l'avait convoqué : Il fut
aimable, m'invita à déjeuner. Il parla de choses
et d'autres, puis à un moment donné il alla droit
au but : « J'ai lu ce que tu as écrit.
Je voudrais savoir qui te met certaines idées en tête ».
Ce sont des choses que je lis, répondis-je. Son excellence
objecta : « Impossible. Ce sont des idées
communistes ». Cela me glaça, je vous le jure.
Le mot « communisme » était chez
mes parents un mot à ne pas prononcer. Les communistes
étaient les adversaires de mon père, comment se
pouvait-il qu'une personne aussi sage que l'évêque
puisse me dire, me faire découvrir, que j'étais
devenu communiste. On en apprend ainsi énormément
sur l'Italie et son cheminement politique dans cet ouvrage où
deux hommes (tous deux Siciliens) échangent leur point
de vue avec grande franchise. Et bien sûr, on en apprend
beaucoup aussi sur la manière de travailler de Camilleri,
son inspiration et cette langue si particulière qu'il
a développée au fil des ouvrages, utilisant l'Italien,
le Sicilien mais aussi d'autres dialectes et quelque fois une
langue mêlant le tout, inventée par ses soins. Ce
qui, au départ, pouvait apparaître comme un handicap
— comment le lecteur allait-il accueillir cette utilisation
de langages qu'il ne connaît pas ? — est
devenu la marque de fabrique et l'une des raisons du succès
de Camilleri qui explique : Pour moi, le dialecte —
il vaudrait mieux dire les dialectes — est l'essence véritable
des personnages. (…) Dans le roman historique, un certain travail
de recherche est indispensable : si je dois parler d'un
paysan sicilien du XVIIIe siècle, j'ai besoin de savoir
comment il parlait de son temps. Et, tandis que je cherche à
le comprendre, le personnage prend forme : il naît,
en quelque sorte, des mots qu'il doit prononcer (…) C'est exactement
cela : sa langue est sa pensée.
|
COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE | - Marcello Sorgi, « La testa ci fa dire, dialogo con Andrea Camilleri », Palermo : Sellerio, 2000
| - Andrea Camilleri, « La forme de l'eau »,
Paris : Fleuve noir, 1998
- Andrea Camilleri, « Chien de faïence », Paris : Fleuve noir, 1999
- Andrea Camilleri, « Un mois avec Montalbano »,
Paris : Fleuve noir , 1999
- Andrea Camilleri, « L'opéra de Vigàta »,
Paris : Métailié, 1999
- Andrea Camilleri, « Le coup du cavalier »,
Paris : Métailié, 2000
- Andrea Camilleri, « La disparition de Judas »,
Paris : Métailié, 2002
- Andrea Camilleri, « Un filet de fumée »,
Paris : Fayard, 2002
- Andrea Camilleri, « La peur de Montalbano »,
Paris : Fleuve noir, 2004
- Andrea Camilleri, « La pension Eva », Paris : Fayard, 2007
- Andrea Camilleri, « Privé de titre », Paris : Fayard, 2007
- Andrea Camilleri, « Petits récits au jour le jour », Paris : Fayard, 2008
- Andrea Camilleri, «
Noli me tangere - Ne me touche pas », Paris :
Métailié, 2018
| - Marcello
Sorgi, « Le amanti del Vulcano : Bergman, Magnani,
Rossellini : un triangolo di passioni nell'Italia del
dopoguerra », Milano : Rizzoli, 2010
|
|
|
mise-à-jour : 17 juillet 2019 |
| | |
|