Il faut se méfier
des hommes nus / Anne Akrich. - Paris : Julliard, 2017. -
307 p. ; 21 cm.
ISBN
978-2-260-02945-8
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Comment …
dire que je déteste cette
île ? … Que
c'est trop beau, justement ? Que ce n'est pas un paysage, mais
une
musique, un tableau, un poème, un monde qui enveloppe et
qu'on
ne peut plus quitter ?
☐
L'île
du docteur Brando, p. 85 |
Une
très jeune femme revient dans sa famille à
Tahiti ;
elle doit écrire le scénario d'un film sur la vie
et les
tribulations familiales d'un acteur fameux : Brando au paradis !
Vain effort, tant il apparaît dès les
premières pages du roman que le but est inatteignable.
Cependant, en acceptant le projet et le retour à Tahiti
qu'il
implique, la jeune femme sait qu'elle va devoir aller au-devant
d'elle-même.
Les premières ébauches du scénario 1,
sans cesse retravaillées sous la pression des producteurs,
rapprochent ou éloignent, précisent ou
escamotent, une
image de l'acteur, ébloui par de fulgurantes illuminations
qui
lui laissent croire que l'utopie heureuse est à
portée de
main 2
— jusqu'au désenchantement au contact des
rugosités de la vie.
Tahiti
exacerbe ce conflit entre rêve et
réalité : au
décor imposé de la vie quotidienne des
îliens se
mêle comme un parfum tenace le mythe inventé par
les
découvreurs, déformé hier par les
philosophes et
aujourd'hui par les agences de tourisme.
1. |
« En deux mots, mon synopsis
donne à peu près ceci : Hollywood VS
Tahiti. » — Un dernier tango
à Paris, p. 47. |
2. |
« Marlon poursuit le rêve
d'une vie différente. » — L'île du
docteur Brando, p. 120 |
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EXTRAIT |
On
passe devant des églises, une adventiste, puis une
pentecôtiste, des temples, des témoins de
Jéhovah.
Il y en a pour tous les goûts. Jamais on n'aura vu pires
affamés de nourritures divines. Est-ce un résidu
de leur
passé polythéiste ? Les Tahitiens
adorent croire,
quel que soit le visage que le créateur puisse
prendre ;
l'idée qu'il existe des forces régissant
l'univers et
d'avoir à les honorer les réjouit. Ils sont
prêts
à s'investir dans n'importe quelle croyance avec le
zèle
du converti. Comment cette île, qui avait
résisté
aux grandes religions jusqu'au XIXe
siècle, avait-elle pu se vautrer autant dans la fange
monothéiste ? Et avec quelle ferveur !
Bien sûr,
la première chose que les Européens firent en la
découvrant, ce fut d'y envoyer des missions successives
jusqu'à ce que les notions de faute, de honte se soient
incrustées durablement, remplaçant les chants et
les
danses, les offrandes aux
tiki,
les légendes locales. Les dieux sont morts et, pour ne pas
mourir de leur mort, Tahiti en a trouvé d'autres
à
vénérer. L'île est trouée
d'églises
et de lieux de culte. Le dimanche, les mamas s'habillent en blanc,
mettent des chapeaux et y vont de leurs chants et de leur gospel
tahitien, petite rétribution à la liesse mondiale
des
adeptes de Dieu. La voix du prêtre s'est alliée
à
la voix du vent, et à la voix du récif, pour
former une
nouvelle Trinité. Les Tahitiens ont tout oublié,
les
temps d'autrefois, les parlers anciens, qui racontaient la naissance
des mondes et l'éclosion des étoiles. Les
Tahitiens sont
sans mémoire. La colonisation ne les a pas
exterminés,
elle s'est contentée de les priver de leurs
récits et
d'en substituer d'autres. Les légendes meurent en
entraînant ceux qui les ont créées.
☐
pp. 83-84 |
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→
Mélanie Thomas, « Anne
Akrich, l'écrivaine polynésienne qui
monte »,
Tahiti
Infos, 12 janvier 2017 [en
ligne]
|
- Bernard
Judge, « Waltzing with Brando : planning a
paradise in
Tahiti », Novato (California) : Oro
editions, 2011
- Bruno
Léandri, « L'île de Marlon
Brando »,
Paris : Ed. du Trésor (Insulaires, 1), 2020
— téléchargement
|
LE CINÉMA SUR LE SITE DES LITTÉRATURES
INSULAIRES
En l'absence d'une sélection suffisamment
développée, la liste qui suit regroupe quelques
unes des
références dispersées sur l'ensemble
du
site. |
- Martin
Barnier et Pierre Beylot, « Analyse d'une
œuvre : Conte
d'été, Eric Rohmer, 1996 »,
Paris : Librairie Vrin (Philosophie et cinéma), 2011
- Alain Bergala, « Monika de Ingmar
Bergman », Crisnée
(Belgique) : Yellow now (Côté films, 1),
2005
- Ingmar Bergman, « Monika »,
Paris : L'Avant-scène Cinéma (567,
décembre 2007), 2007
- Ingmar Bergman, « Cris et
chuchotement [suivi de] Persona
[et de] Le lien », Paris : Gallimard
(Folio, 2620), 1994
- Pierre
Butin, Gilles Janin et Vincent Guigueno, « Un film
entouré d'eau : histoire et mémoire de L'or des mers de
Jean Epstein à Hoedic (1932-2005) », in
Pierre Frustier (dir.), Les identités
insulaires face au tourisme, La
Roche-sur-Yon : Siloé, 2007
- Nicolas Chaudun, « L'île des
enfants perdus », Arles : Actes
sud, 2019
- Nicolas Chemla, « Murnau des ténèbres », Paris : Le Cherche midi (Cobra), 2021
- Jean Epstein, « L'or des mers »,
Baye : La Digitale, 1995
- Jean-Luc Godard, « Les années
Cahiers, 1950 à 1959 »,
Paris : Flammarion (Champs arts, 740), 2007
- Jean-Luc Godard, « Les années Karina, 1960 à 1967 »,
Paris : Flammarion (Champs arts, 741), 2007
- Vincent Guigueno, « Jean Epstein,
cinéaste des îles : Ouessant, Sein,
Hoëdic, Belle-Ile »,
Paris : Jean-Michel Place, 2003
- Andrea de Lauris et Pat Mullen,
« Man of Aran (le film) » in
Dominique Beugras (éd.), Les îles d'Aran, le
voyage vers l'ouest, Paris : La
Bibliothèque (L'Écrivain voyageur), 2000
- Isabelle Le
Corff, « Le
cinéma breizh-îlien : îles
bretonnes et cinéma »
illustrations de Nono, Morlaix : Skol Vreizh, 2016
- Patrick Louguet, « Le
voyage vagabond au cœur de l’œuvre
cinématographique de Jacques Rozier
(Les Naufragés de l’île de la tortue,
Maine Océan et Adieu
Philippine) », in Francis Marcoin (éd.), Encore Robinson,
Arras :
Université d'Artois, Centre Robinson, 2017
- Marc-Emmanuel
Louvat, « Petite
histoire du cinéma en
Polynésie française,
Cinematamua »,
Paris : L'Harmattan, 2016
- Delos W. Lovelace, « King Kong »
d'après une histoire de Edgar Wallace et Merian C. Cooper,
Paris : Librio (Librio, 746), 2005
- Pat Mullen, « Man of Aran »,
Cambridge (Mass.) : The M.I.T. press, 1970
- Friedrich Wilhelm Murnau, « Südseebilder : Texte, Fotos und der Film Tabu »
ausgewählt, bearbeitet und kommentiert von Enno Patalas,
herausgegeben von der Friedrich-Wilhelm-Murnau-Stiftung, Berlin :
Bertz+Fisher, 2005
- Marie-France Pisier, « Le bal du
gouverneur », Paris : Librairie
générale française (Le Livre de poche,
6096), 1985
- Alyssa Goldstein Sepinwall,
« Slave revolt on screen : the Haitian Revolution in film and video
games », Jackson : University press of Mississippi, 2021
- Pierre Sorlin, « L'Avventura
(Michelangelo Antonioni, 1960) »,
Lyon : Aléas (Le Vif du sujet, 2), 2010
- Liv Ullmann, « Devenir »,
Paris : Stock, 1977
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mise-à-jour : 16 septembrer 2022 |
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