Comment
devenir propriétaire d'un supermarché sur une
île
déserte / Dimitris Sotakis ; traduit du grec par
Françoise Bienfait. - Paris : Intervalles, 2017. -
158 p. ; 19 cm.
ISBN 978-2-916355-76-4
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Robert
Lhomme a fait naufrage en plein Pacifique, quelque part pense-t-il
entre la Nouvelle-Zélande et la
Nouvelle-Guinée ;
l'île où il s'est échoué est
déserte
mais se révèle accueillante, amicale presque
— « il n'y avait rien
d'effrayant, tout respirait
la paix et la sérénité sous mes
yeux »
(p. 13).
De
fait, à la différence de Robinson Crusoé,
Robert
Lhomme s'apprête à vivre sereinement dans son
nouvel
environnement : les ressources alimentaires sont spartiates
mais
suffisent autant à ses besoins qu'à ses
goûts ; les rares animaux sauvages
(chèvres et
sangliers) sont discrets, presque timides ; le climat est
tempéré ; la mer chaude. En outre, ce
Robinson postmoderne
croit n'avoir rien à regretter de sa vie
antérieure
à Hamilton petite ville de
Nouvelle-Zélande : « un homme
doté d'une
bonne santé mentale ne devrait éprouver aucune
nostalgie
de la vie à Hamilton » (p. 27).
Pourtant
la robinsonnade heureuse n'aura pas lieu. Robert Lhomme semblait
s'être détaché de tout ce qui
l'attachait à
sa vie antérieure ; de tout, sinon
peut-être du
conformisme social le plus tenace, une forme
sévère
d'aliénation qu'il tient pour de l'ambition
— bâtir à la sueur de son
front un projet économiquement viable qui lui
apporte la
reconnaissance sociale :
« J'allais ouvrir un supermaché. Oui,
c'était
un projet honorable, grandiose et ambitieux »
(p. 32).
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EXTRAIT |
Voilà
ce que j'étais : un grand poisson que le hasard
avait
tiré de ses eaux en l'enfermant dans les limites
géographiques artificielles d'un monde visible et qui
maintenant
s'en était échappé et
s'était
faufilé dans la mer de ses rêves. Ma vie
antérieure
n'avait donc aucune importance, j'avais tort de m'efforcer d'en
déceler le sens, de l'expliquer, puisque ce que j'avais
vécu était une initiation austère
à tout ce
qui suivrait, en l'occurrence le supermarché.
Je
ne comprenais pas très bien où me menaient au
juste
toutes ces cogitations, mais dans ces moments-là, la
beauté du paysage, mon bâtiment tout neuf et la
luminosité étincelante de la mer constituaient la
seule
vérité éclatante. Entendre le bruit de
mes pas
dans le sable me procurait une sensation incroyable de
supériorité
— j'était mon propre
maître, l'île était mon foyer, la
matrice de
laquelle j'étais sorti, mon sang vert émeraude au
goût de sel. Je me sentais en paix et devais le rester,
même si derrière la joie que me procurait ma vaste
entreprise se dissimulaient aussi des obstacles que je surmonterais
habilement.
☐ p. 69 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « H
ιστορία
ενός
σούπερ
μάρκετ »,
Athènes :
Kedros, 2015
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mise-à-jour : 5
juillet 2017 |
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