Texaco / Patrick
Chamoiseau. - Paris : Gallimard, 1992. - 432 p. ;
21 cm.
ISBN 2-07-072750-5
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NOTE DE L'ÉDITEUR : « Une vieille femme câpresse,
très grande, très maigre avec un visage grave,
solennel, et des yeux immobiles. Je n'avais jamais perçu
autant d'autorité profonde irradier de quelqu'un …
Elle mélangeait le créole et le français,
le mot vulgaire, le mot précieux, le mot oublié,
le mot nouveau … » Et c'est ainsi que Marie-Sophie
Laborieux raconte à l'auteur plus de cent cinquante ans
d'histoire, d'épopée de la Martinique, depuis les
sombres plantations esclavagistes jusqu'au drame contemporain
de la conquête des villes.
D'abord, les amours d'Esternome,
« le nègre-chien » affranchi, avec
la volage Ninon qui périt grillée dans l'explosion
de la Montagne Pelée, puis avec Idoménée
l'aveugle aux larmes de lumière, qui sera la mère
de Marie-Sophie. Dans les temps modernes, Marie-Sophie erre d'un
maître à l'autre au gré de mille et un « djobs »
qui l'initient à l'implacable univers urbain. Ses amours
sont sans lendemain. Devenue l'âme du quartier Texaco,
elle mène la révolte contre les mulâtres
de la ville, contre les békès qui veulent s'approprier
les terres, contre les programmes de développement qui
font le temps-béton.
C'est cette femme de combat que
le Christ (un urbaniste chargé de raser le quartier Texaco)
affrontera lors d'une ultime bataille où les forces de
la Parole resteront la seule arme.
Patrick Chamoiseau a sans doute
écrit, avec Texaco, le grand livre de l'espérance
et de l'amertume du peuple antillais, depuis l'horreur des chaînes
jusqu'au mensonge de la politique de développement moderne.
Il brosse les scènes de la vie quotidienne, les moments
historiques, les fables créoles, les poèmes incantatoires,
les rêves, les récits satiriques. Monde en ébullition
où la souffrance et la joie semblent naître au même
instant.
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JACQUES COURSIL : […]
Sous les formes qui lui sont
propres, le roman Texaco est l'histoire de la muette qui
parle. Dans ce roman qui raconte le « squat »,
par des occupants opiniâtres, d'un dépôt de
carburant situé à la périphérie urbaine,
le créole, langue sans lecteurs (mais non sans auteurs),
fait son éloge dans l'autre langue. Dans la guerre et
le siège de ce lieu nommé par métonymie
« Texaco », lieu qui deviendra un quartier
de la ville de Fort-de-France, le lecteur de Chamoiseau découvre
une guerre et un siège des langues.
Sous la langue française
qui décrit chaque personnage, il y en a une autre qui
crie.
[…]
☐ « L'éloge
de la muette », Espaces Créoles, 9/1999, p. 32
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EXTRAIT |
Idoménée lui dit
Fort-de-France comme elle n'eut jamais le temps de me le dire.
Mon Esternome, malgré la ruine de sa mémoire, put
quand même me suggérer ses mots car la présence
d'Idoménée l'imprégna très profond.
Elle fut la mémoire de son âge sans mémoire.
Ce qu'il savait de Saint-Pierre complétait ce qu'elle
disait de Fort-de-France. Ce qu'elle en savait provenait des
paroles entendues par hasard tout au long de sa vie, paroles
nées des salons, échappées des promenades
sur l'Allée des Soupirs, paroles perçues lors des
attentes aux quais, paroles tombées des soldats-sentinelles
qui faisaient les cent pas sous les murailles du Fort. Dans la
chaleur qui les figeait, l'Idoménée songeuse allongée
dans ses bras, ils s'échangeaient ces morceaux de paroles,
à mi-voix-à-mi-mots afin de ne pas transpirer.
Mots déjà rabâchés mais qui de mois
en mois, s'enrichissaient d'une nuance. Mots qui les lovaient
en plein cœur de l'En-ville et les liaient comme une corde.
☐ p. 193
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COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE | - « Texaco »,
Paris : Gallimard (Folio, 2634), 1994
- « Texaco » traduzione di Sergio Atzeni, Torino : Einaudi, 1994 ; Nuoro : Il Maestrale, 2004
- « Texaco » traducción de Emma Calatayud, Barcelona : Anagrama, 1994
- « Texaco »
translated by Rose-Myriam Réjouis and Val Vinokurov, New
York : Pantheon books, 1997
| | - « Manman Dlo contre la fée Carabosse », Paris : Ed. Caribéennes, 1982
- « Chronique des sept
misères », Paris : Gallimard, 1986 ;
Gallimard (Folio, 1965), 1988
- « Solibo magnifique »,
Paris : Gallimard, 1988 ; Gallimard (Folio, 2277),
1991
- « Antan
d'enfance », Paris : Hatier, 1990 ;
Gallimard (Haute enfance), 1994 ; Gallimard (Folio, 2843),
1996
- « Chemin-d'école »,
Paris : Gallimard (Haute enfance), 1994 ;
Gallimard (Folio, 2844), 1996
- « Le
dernier coup de dent d'un voleur de banane » et
« Que faire de la parole ? Dans la tracée
mystérieuse de l'oral à l'écrit » in
Ralph Ludwig (éd.), Ecrire la « parole de nuit », Paris : Gallimard (Folio essais, 239), 1994
- « Ecrire en pays
dominé », Paris : Gallimard, 1997 ;
Gallimard (Folio, 3677), 2002
- « L'esclave vieil
homme et le molosse » avec un entre-dire d'Edouard
Glissant, Paris : Gallimard, 1997 ; Gallimard (Folio,
3184), 1999
- « Livret
des villes du deuxième monde », Paris : Ed. du
Patrimoine (La Ville entière), 2002
- « Bibliques
des derniers gestes », Paris : Gallimard,
2001 ; Gallimard (Folio, 3942), 2003
- « A bout d'enfance »,
Paris : Gallimard (Haute enfance), 2005 ; Gallimard (Folio, 4430), 2006
- « Un dimanche au cachot », Paris : Gallimard, 2007 ; Gallimard (Folio, 4899), 2009
- « Les neuf consciences du Malfini », Paris : Gallimard, 2009 ; Gallimard (Folio, 5160), 2010
- « Le papillon et la lumière », Paris : Philippe Rey, 2011
- « L'empreinte à Crusoé », Paris : Galliard, 2012 ; Gallimard (Folio, 5644), 2013
- « La matière de l'absence », Paris : Seuil, 2016
- « Frères migrants », Paris : Seuil, 2017
- « J'ai toujours aimé la nuit », Paris : Sonatine, 2017
- « Contes des sages créoles », Paris : Seuil, 2018
| - « Eloge de la créolité » avec Jean Bernabé et
Raphaël Confiant,
Paris : Gallimard, 1989
- « Guyane :
traces-mémoires du bagne » photographies de Rodolphe
Hammadi, Paris : CNMHS (Monuments en paroles), 1994
- « Elmire des sept
bonheurs : confidences d'un vieux travailleur de la distillerie
Saint-Etienne » photographies de Jean-Luc de Laguarigue,
Paris : Gallimard, 1998
- « Lettres créoles :
tracées antillaises et continentales de la littérature
1635-1975 » avec Raphaël Confiant, Paris : Hatier (Brèves,
Littérature), 1991 ; Paris : Gallimard (Folio-essais,
352), 1999
- « Cases
en Pays-mêlés » photographies de
Jean-Luc de Laguarigue, Gros-Morne (Martinique), 2000
- « Tracées
de mélancolie » photographies de Jean-Luc
de Laguarigue, Gros-Morne (Martinique) : Traces HSE, 1999 ;
Paris : Hazan, 2001
- « Trésors
cachés et patrimoine naturel de la Martinique vue du
ciel » photographies d'Anne Chopin, Paris : HC
éditions, 2007
| - Paola Ghinelli, « Entretien
avec Patrick Chamoiseau », in Archipels
littéraires, Montréal : Mémoire
d'encrier, 2005
- Dominique
Chancé, « Patrick Chamoiseau, écrivain
postcolonial et baroque », Paris : Honoré
Chamion (Bibliothèque de littérature
générale et comparée, 82), 2010
- Samia Kassab-Charfi, « Patrick Chamoiseau », Paris : Institut français, Gallimard, 2012
- Isabelle
Constant, « Le Robinson antillais : de Daniel Defoe
à Patrick Chamoiseau », Paris : L'Harmattan
(Espaces littéraires), 2015
| Sur le site « île en île » : dossier Patrick Chamoiseau |
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mise-à-jour : 25 septembre 2018 | Patrick
Chamoiseau, « Enrayer
la violence en Corse », Libération,
27-28 novembre 1999 |
Patrick Chamoiseau et Edouard Glissant, « Dean est passé, il faut renaître. Aprézan ! », Le Monde, 26-27 août 2007 | Patrick Chamoiseau, « J'ai vu un peuple s'ébrouer … », Le Monde, 14 mars 2009 | Patrick Chamoiseau, « Frantz Fanon, côté sève », Le Monde, 11-12 décembre 2011 | Patrick Chamoiseau, « Aucune excuse, aucune sanction, soutien total à M. Letchimy », 10 février 2012 | Patrick Chamoiseau, « Le devenir, c'est être ensemble, debout, face à l'impensable », Le Monde, 16 novembre 2013 | Patrick Chamoiseau, « Frères migrants … Les poètes déclarent », janvier 2017 |
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