L'archipel du Chien / Philippe
Claudel. - Paris : Stock, 2018. - 282 p. ;
22 cm. - (La Bleue).
ISBN 978-2-234-08595-4
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Seuls
les hommes détruisent les choses, et détruisent
les hommes,
et
détruisent le monde des hommes.
☐
pp.
275-276 |
Une voix
solennelle, aux premières pages, affirme
la sincérité du récit et condamne par
avance les
lecteurs : la
haine est votre
nourriture … vos émois sont
éphémères … votre
égoïsme vous engraisse … vous
tournez le dos
à vos frères et vous perdez votre âme (p. 9).
Mais l'auteur ne néglige pas les obligations du romancier
— dont
l'œuvre “ doit emporter et divertir celui
qui le lit,
avant même de lui délivrer un
message ” 1.
Dans
ce roman de suspens et
de péripétie qui est aussi
une parabole 1,
les insulaires de Philippe Claudel
— NOUS —
s'accrochent au vain
espoir que leurs frontières puissent les protéger
indéfiniment du monde
et d'eux-mêmes. L'échouage de trois cadavres
—
“ trois corps d'hommes noirs et
jeunes ”
(p. 19) — sur la grève, puis le
débarquement d'un inquiétant enquêteur,
“ lointain cousin littéraire du
Revizor
de Gogol ” 2,
les détrompent brutalement.
Face
à l'inacceptable, bêtise et
lâcheté
s'expriment sans frein, laissant libre cours aux pulsions de mort.
Enfin, un soir de mars, le volcan qui surplombe l'île
s'épanche jusqu'à “ napper de
noir l'île
et en chasser les derniers vivants ” (p. 276).
1. |
Philippe Claudel — propos
rapportés dans Criminocorpus,
13 mars 2018 [en ligne] |
2. |
Jean-Claude Raspiengeas — La Croix, 5 avril
2018 [en
ligne] |
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EXTRAIT |
L'histoire
qu'on va lire est aussi réelle que vous pouvez
l'être.
Elle se passe ici, comme elle aurait pu se dérouler
là.
Il serait trop aisé de penser qu'elle a eu lieu ailleurs.
Les
noms des êtres que la peuplent ont peu d'importance. On
pourrait
les changer. Mettre à leur place les vôtres. Vous
vous
ressemblez tant, sortis du même inaltérable moule.
Je
suis certain que vous vous poserez tôt ou tard une question
légitime : a-t-il été le
témoin de ce
qu'il nous raconte ? Je vous réponds :
oui, j'en ai
été le témoin. Comme vous l'avez
été
mais vous n'avez pas voulu voir. Vous ne voulez pas voir. Je suis celui
qui vous le rappelle. Je suis le gêneur. Je suis celui
à
qui rien n'échappe. Je vois tout. Je sais tout. Mais je ne
suis
rien et j'entends bien le rester. Ni homme ni femme. Je suis la voix,
simplement. C'est de l'ombre que je vous dirai l'histoire.
Les
faits que je vais raconter ont eu lieu hier. Il y a quelques jours. Il
y a un an ou deux. Pas davantage. J'écris
“ hier ” mais il me semble que je
devrais dire
“ aujourd'hui ”. Les hommes
n'aiment pas l'hier.
Les hommes vivent au présent er rêvent de
lendemains.
L'histoire
se passe sur une île. Une île quelconque. Ni grande
ni
belle. Guère éloignée du pays dont
elle
dépend mais qui en est oubliée, et proche d'un
autre
continent que celui auquel elle appartient, mais qu'elle ignore.
Une île de l'Archipel
du Chien.
☐ pp. 10-11
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“ FRÈRES MIGRANTS ” |
- Pietro
Bartolo et Lidia Tilotta, « Les larmes de sel », Paris :
JC Lattès, 2017
- Tahar Bekri,
« Lampedusa »
in Murier triste dans
le printemps arabe, Neuilly-sur-Seine :
Al Manar, 2016
- Patrick
Chamoiseau, « Frères
migrants », Paris : Seuil, 2017
- Louis-Philippe
Dalembert, « Mur
Méditerranée »,
Paris : Sabine Wespieser, 2019
- Ananda Devi,
« Ceux du large », Paris : Bruno Doucey, 2017
- Davide Enia,
« La loi de la mer », Paris : Albin Michel, 2018
- Fabrizio
Gatti, « Bilal : sur la route des
clandestins », Paris : Liana
Levi, 2008
- Fabienne
Kanor, « Faire
l'aventure », Paris : JC Lattès, 2014
- Maylis de
Kerangal, « A ce stade de la nuit », Paris : Gallimard, 2015
- Emma-Jane
Kirby, « L'opticien
de Lampedusa », Ste Marguerite-sur-Mer : Les
Équateurs, 2016
- Antonin
Richard, « Ce matin la mer est calme, journal d'un marin
sauveteur en Méditerranée », Ronchin :
Les Etaques, 2020
- José
Saramago, « Le
Cahier : textes écrits pour le blog, septembre
2008-mars 2009 », Paris : Le Cherche midi, 2010
- Mohamed
Mbougar Sarr, « Silence du chœur », Paris : Présence africaine,
2017
- Eric Valmir,
« Pêcheurs d'hommes », Paris : Robert Laffont, 2018
- Jean
Ziegler, « Lesbos,
la honte de l'Europe », Paris :
Seuil, 2020
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- Le Monde, 6-7
octobre 2019, Cécile Duflot : A Lesbos, un mort de trop et une
honte pour l'Europe
- ActuaLitté, 9
juillet 2018, Andrea Camilleri : Autour de Salvini, des relents
fascistes façon Mussolini
- Festival Etonnants Voyageurs,
20 mai 2018 : Construire un principe
d'hospitalité opposable aux états
- Le Monde, 13
octobre 2016, Leoluca
Orlando maire de Palerme : “ J'ai honte
d'être européen ”
- Le Monde, 23
janvier 2016, Maryline Baumard : Giusi Nicolini, Antigone moderne
- Le Monde, 9
octobre 2013, Fabrizio Gatti : Lampedusa doit être
candidate au prix Nobel de la paix 2014
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mise-à-jour : 4
mars 2020 |
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