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Dimanche 20 mai, à Saint-Malo, les écrivains, artistes et réalisateurs réunis pour le festival Etonnants Voyageurs ont
appelé la communauté internationale à
réagir face au désastre humanitaire qui accompagne les
migrations. Voici l'intégralité de la déclaration
rédigée par Mireille Delmas-Marty, Patrick Chamoiseau,
Michel Le Bris, et approuvée par de nombreux invités du
Festival — au nombre desquels Christiane Taubira ou
Jean-Marie Le Clézio.
Face au désastre humanitaire qui accompagne des migrations d’une ampleur sans précédent, les surenchères répressives qui tiennent lieu de politique des migrations sont un déni de réalité. Les écrivains, artistes et réalisateurs réunis à Saint-Malo appellent la Communauté internationale à mettre en place une gouvernance mondiale nourrie de nos traditions multiséculaires et de nos imaginaires.
L’urgence est à la construction d’un principe d’hospitalité qui deviendrait opposable aux États. Le point de départ est le constat d’interdépendance. Comme l’a reconnu l’Assemblée Générale des Nations Unies en 2016 aucun Etat ne peut à lui seul « gérer des déplacements massifs de réfugiés et de migrants ». Les conséquences, qu’elles soient « politiques, économiques, sociales, développementales ou humanitaires » atteignent non seulement les personnes concernées et les pays d’origine mais les pays voisins et ceux de transit, ainsi que les pays d’accueil.
Comme
pour le climat, l’interdépendance appelle un devoir de
solidarité qui mobilise de multiples acteurs bien au-delà
du dialogue interétatique. Des scientifiques (les climatologues
sont remplacés par démographes et anthropologues)
deviennent lanceurs d’alerte et veilleurs. Des
collectivités territoriales (Etats
fédéréset grandes villes) s’engagent. Des
partenariats s’organisent avec les migrants et les diasporas et
plus largement avec la société civile dans sa
diversité : ONG et syndicats, citoyens spontanément
solidaires malgré les risques de poursuite pénale. Il
reste à mettre en œuvre les responsabilités
« communes et différenciées » des
États. Communes parce que les objectifs sont les
mêmes : des migrations « sûres,
ordonnées et régulières ».
Différenciées parce qu’elles varient
nécessairement d’un pays à l’autre selon des
critères à définir : quantitatifs, comme la
population, le PIB, le nombre moyen de demandes, ou le taux de
chômage ; qualitatifs comme le passé historique ou la
situation socioéconomique.
La force et la faiblesse de ce modèle de gouvernance mondiale est qu’il repose essentiellement sur la bonne volonté des acteurs. Pour être efficace, il doit être pleinement reconnu en termes de légitimité. La célébration des 70 ans de la Déclaration universelle des droits de l’homme, en décembre 2018, est l’occasion de cette reconnaissance. À l’image du développement durable qui a permis de pondérer innovation et conservation, le principe d’hospitalité, régulateur des mobilités humaines, permettrait de pondérer exclusion et intégration et d’équilibrer les droits et devoirs respectifs des habitants humains de la Maison commune. |