Philosophie
de la relation : poésie en étendue /
Edouard
Glissant. - Paris : Gallimard, 2009. -
157 p. ;
21 cm.
ISBN 978-2-07-012542-5
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Comme
les littératures, la philosophie de la Relation est
ressassement et déplacement, tout ensemble.
☐ p. 94 |
Edouard Glissant
réunit dans cet essai quelques notions qui ont
structuré son regard sur
le monde — la
pensée archipélique, la pensée du
tremblement, la pensée
nouvelle des frontières, la pensée de l'errance,
la pensée des
créolisations, la pensée de
l'imprévisible, la pensée de l'opacité
du
monde …
Ce
n'est pourtant pas un catalogue récapitulatif, un
glossaire
ou un aide-mémoire ; les retours qu'impose
l'exercice sont
autant d'occasion de questionner des formules largement reprises par
d'autres pour les soumettre sans complaisance aux
exigences qu'elles portent — qui parle de frontières
par
exemple ou d'errance doit accepter les
biais, glissements ou doutes qu'imposent le tremblement ou l'opacité. Qui parle de créolisations
doit
négliger les simples
hybrides et
prendre en mesure les inattendus,
qui introduisent aux incertains de la Relation. La pensée
des frontières se renouvelle sous le signe
d'une ambivalence sans faux-fuyants : les
frontières qui refoulent les immigrations sont les plus
iniques.
Ces retours sur une
pensée en mouvement sont inscrits dans le cycle de la vie,
de la source — la case de
naissance —, à la solitude et
à la
mort.
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EXTRAITS |
Les populations qui habitent depuis longtemps sur une
frontière balancent entre deux attitudes dont l'une est
extrême, qui est de renchérir sur les
nationalismes du
Centre dont elles dépendent : les marches de
l'empire sont
les moins accueillantes, et les marquis sont les pires trublions de
l'intolérance. Ou alors, ces populations participent de deux
(ou
plusieurs) réalités qui recouvrent leurs
étendues
frontières et elles n'hésitent pas à
s'en faire
les passeurs, à tout coup clandestins. Bienheureusement.
À cause de ces ambiguïtés, les peuples
de
frontière (de ces frontières conçues
comme
naturellement indépassables) paraissent peut-être
raides,
et rapides, incertains d'eux-mêmes, mais ils prennent
toujours
parti. Pour en revenir à une frontière qui
couperait
à travers un archipel, elle a peu de chance de se maintenir
sérieusement. Les frontières les plus tenaces
séparent frères et cousins et vantent des
traditions
minuscules et insurpassables : les frontières entre
villages voisins deviennent vite fameuses. Les frontières
les
plus injustes furent tracées par des envahisseurs et coupent
à travers les maisons et les jardins, rejetant les
parentés des deux côtés d'un
impossible. Les
frontières qui refoulent les immigrations sont les plus
iniques.
☐ pp.
58-59 |
Le
bruit d'eau qui étincelle d'en bas le morne et monte, c'est
une
poétique du lieu, quand même le
dessèchement aura
tari son écho. La case de la naissance est une des
poétiques du lieu, même si vous la cherchez encore
sous
les éboulements où elle a disparu. La
poésie
révèle, dans l'apparence du réel, ce
qui s'est
enfoui, ce qui a disparu, ce qui s'est tari. Loin d'être un
accident, ou un avatar, la différence perceptible
(réelle) ou non, est avant tout la conductrice de cette
quête par quoi l'écho égaré
de la
rivière ou la ruine enfouie de la case renaissent au
chant : une composante, et plus avant, un relais, une liaison
de
ce qui persiste.
☐ pp. 102-103 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Un
champ d'îles », Paris : Instance,
1953
- « La
terre inquiète » avec un frontispice de
Wifredo Lam, Paris : Éd. du Dragon, 1955
- « Les
Indes », Paris : Falaize, 1956 ;
Paris : Seuil, 1965, 1985
- « Soleil
de la conscience », Paris : Seuil, 1956
- « La Lézarde »,
Paris : Seuil, 1958
- « Le
sel noir », Paris : Seuil, 1960
- « Monsieur
Toussaint », Paris : Seuil, 1961, 1986
- « Le
sang rivé », Paris :
Présence africaine, 1961
- « Le
quatrième siècle »,
Paris : Seuil, 1964 ; Gallimard (L'Imaginaire, 233),
1990
- « Un
champ d'îles (suivi de) La terre inquiète (et de)
Les Indes », Paris : Seuil, 1965
- « L'intention
poétique », Paris : Seuil, 1969
- « Malemort »,
Paris : Seuil, 1975 ; Gallimard, 1997
- « Boises :
histoire naturelle d'une aridité »,
[Fort-de-France] : Acoma, 1979
- « Le
discours antillais », Paris : Seuil,
1981 ; Gallimard (Folio essais, 313), 1997
- « La
case du commandeur », Paris : Seuil,
1981 ; Gallimard, 1997
- «
Le sel noir (suivi de) Le sang rivé (et de)
Boises », Paris : Gallimard
(Poésie, 175), 1983
- « Pays
rêvé, pays réel »,
Paris : Seuil, 1985
- « Mahagony »,
Paris : Seuil, 1987 ; Gallimard, 1997
- « Poétique
de la relation (Poétique, III), Paris : Gallimard,
1990
- « Fastes »,
Toronto : Ed. du GREF, 1991
- « Tout-monde »,
Paris : Gallimard, 1993 ; Gallimard (Folio, 2744),
1995
- « Poèmes
complets (Le sang rivé ; Un champ d'îles ; La
terre inquiète ; Les Indes ; Le sel noir ; Boises ; Pays
rêvé, pays réel ; Fastes ; Les grands
chaos) », Paris : Gallimard, 1994
- « Faulkner,
Mississipi », Paris : Stock,
1996 ; Gallimard (Folio essais, 326), 1998
- « Introduction
à une poétique du divers »,
Paris : Gallimard, 1996
- « Soleil
de la conscience (Poétique, I), Paris : Gallimard,
1997
- « L'intention
poétique (Poétique, II) »,
Paris : Gallimard, 1997
- « Traité
du tout-monde (Poétique, IV), Paris : Gallimard,
1997
- « Monsieur
Toussaint (version scénique), Paris : Gallimard,
1998
- « Sartorius, le roman des
Batoutos », Paris : Gallimard,
1999
- « Le
monde incréé :
poétrie », Paris : Gallimard,
2000
- « Pays
rêvé, pays réel (suivi de) Fastes (et
de) Les Grands chaos », Paris : Gallimard
(Poésie, 347), 2000
- « Iguanes,
busards, totems fous : l'art primordial de Wifredo
Lam » in Christiane Falgayrettes-Leveau (et al.) Lam métis,
Paris : Dapper, 2001
- « Ormerod »,
Paris : Gallimard, 2003
- « La
cohée du lamentin (Poétique, V), Paris :
Gallimard, 2005
- « Les Indes, Lézenn »
éd. bilingue, texte créole de Rodolf Etienne,
Paris : Le Serpent à plumes, 2005
- « Une
nouvelle région du monde (Esthétique,
I) », Paris : Gallimard, 2006
- « Mémoires
des esclavages », Paris : Gallimard, 2007
- « Quand
les murs tombent : l'identité nationale
hors-la-loi ? » avec Patrick Chamoiseau,
Paris :
Galaade, Institut du Tout-Monde, 2007
- « La
terre magnétique : les errances de Rapa Nui,
l'île de
Pâques » en collaboration avec
Sylvie Séma,
Paris : Seuil (Peuples de l'eau), 2007
- « L'intraitable
beauté du monde : adresse à Barack
Obama » avec Patrick Chamoiseau, Paris :
Galaade,
Institut du Tout-Monde, 2009
- « 10
mai : mémoires de la traite
négrière, de
l'esclavage et de leurs abolitions »,
Paris : Galaade,
Institut du Tout-Monde, 2010
- « La
terre, le feu, l'eau et les vents : une anthologie de la
poésie du tout-monde », Paris :
Galaade,
Institut du Tout-Monde, 2010
- « L'entretien du monde »
entretiens avec François Noudelmann, Saint-Denis :
Presses universitaires de Vincennes, 2018
- « Manifestes » avec Patrick Chamoiseau, Paris : La Découverte, Institut du Tout-Monde, 2021
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- Romuald
Fonkoua, « Essai
sur une mesure du monde au XXe siècle :
Édouard Glissant »,
Paris : Honoré Champion, 2002
- Juliette
Éloi-Blézès (éd.), « La Lézarde
d'Edouard Glissant », Fort-de-France : SCEREN-CNDP,
CRDP Martinique (Lectures
d'outre-mer),
2011
- François
Noudelmann, Françoise Simasotchi-Bronès (et al.),
« Édouard
Glissant, la pensée du détour »,
Paris : Larousse, Armand Colin (Littérature, 174),
2014
- François
Noudelmann, « Edouard
Glissant, l'identité
généreuse », Paris :
Flammarion (Grandes
biographies), 2018
- Aliocha Wald Lasowski, « Edouard Glissant : déchiffrer le monde », Montrouge : Bayard, 2021
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Sur le site « île en
île » : dossier Edouard Glissant
Centre
international d'études Edouard Glissant |
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mise-à-jour : 12 juillet 2021 |
Né à Sainte-Marie
(Martinique) en 1928,
Edouard
Glissant est décédé
à
Paris le 3 février 2011. |
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