Le cri des oiseaux fous / Dany Laferrière. - Paris : Zulma, 2015. - 315 p. ; 18 cm. - (Z/A, 23). ISBN 978-2-84304-751-0
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Dany
Laferrière
a participé au 6ème Salon du Livre Insulaire (Ouessant, 19-22 août 2004)
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NOTE DE L'ÉDITEUR : Vieux Os a vingt-trois ans. Son ami Gasner,
journaliste comme lui, vient d’être assassiné par
les tontons macoutes. Dès lors s’enclenche la
mécanique de l’exil, pressante, radicale : Vieux Os
doit passer sa dernière nuit hors de chez lui.
De
taps-taps bondés en déambulations hasardeuses, Vieux Os
parcourt son monde en accéléré : les belles
de nuit du Brise-de-Mer, bordel miniature où l’on parle
d’amour et de grammaire, les amis de toujours, Lisa et Sandra
— « l’une pour le corps, l’autre pour
le cœur » —, les souvenirs d’enfance
à Petit-Goâve dans le giron de Da, les tueurs qui
rôdent, les anges gardiens aux allures de dieux vaudou, et toutes
les bribes de vie saisies au vol dans les rues de
Port-au-Prince …
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| La plus longue nuit de ma vie.
p. 159 |
L'après-midi
commence quand Dany Laferrière reçoit la nouvelle :
« Gasner est mort » (p. 20) ;
journaliste, Gasner Raymond
« voulait que les gens soient bien informés de ce qui
se passe dans leur pays, et il y a un prix à payer pour
cela … » (p. 26). Dany comprend vite qu'il
est le suivant sur la liste noir des tontons macoutes du dictateur.
Comme son père autrefois il doit fuir le pays, accepter le
passeport et le billet d'avion que sa mère a réussi
à se procurer. Le départ est prévu le lendemain
à l'aube.
Dans la nuit qui vient s'engage une ronde
éperdue — à la rencontre des visages de
l'amitié et de l'amour. Chaque carrefour impose un choix, ravive
des espoirs à peine éclos, des hantises
péniblement surmontées, des questions restées sans
réponses. Le film d'une vie s'emballe comme, dit-on, dans les
secondes qui précèdent la mort.
Quelques figures
immémoriales pourtant affirment hautement dans la tourmente
l'impératif de vie : la voix d'une mère, la révolte
d'Antigone, la complicité de Legba. Précieux viatiques.
Au terme du vol salvateur, « Montréal ne m'attend
pas » (p. 313).
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EXTRAIT |
Devant
moi se tient la fière Antigone. La sœur de Gasner, comme
l'Antigone de Sophocle et de Morisseau-Leroy, pleure la mort de son
frère et se révolte contre Duvalier-Créon qui
s'oppose à ce qu'on l'enterre selon les rites funéraires
de la foi de sa famille. Combien de temps Duvalier-Créon va-t-il
le garder encore ? Que veut-il du cadavre ? Craint-il que ce
cadavre et ces deux frêles femmes fassent basculer le pouvoir
hérité de son père ? La mère et la
sœur réclament inlassablement le corps de Gasner. Ces deux
femmes représentent l'honneur de cette ville. Elles parlent avec
une autorité morale qui dépasse les intérêts
personnels. — Tu devrais partir, me dit tout
à coup la mère, sinon on te tuera toi aussi. Ici, on
n'aime pas les esprits libres. Quand ils sentent que tu n'es pas comme
eux, ils te tuent comme des bêtes. Elle tourne vers moi un visage baigné de larmes.
— Promets-moi, mon fils, de partir le plus vite possible.
J'ai déjà perdu un fils dans la bataille, je ne tiens pas
à en perdre un autre, tu m'entends ? Son regard empreint de douceur et de fermeté. Sa détermination inébranlable. — Promets-le-moi, insiste-t-elle.
La sœur garde les lèvres serrées pour ne pas
émettre son opinion mais je sens son désaccord. — Je vous le promets. Finalement, la sœur n'a pas pu contenir sa désapprobation. — Si vous partez tous, crie-t-elle, que va devenir ce pays ! — Tais-toi, dit la mère, ce ne sera pas mieux s'ils meurent tous.
La cloche de Sainte-Anne nous fait sursauter par sa
gaieté, un appel à la vie. Les deux femmes se
lèvent tranquillement.
— N'oublie pas ce que je t'ai dit, mon fils …
Tu reviendras un jour. Va te mettre à l'abri de ces
démons. Tu seras plus utile à ton pays vivant que mort.
☐ pp. 258-259 |
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COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE | - « Le
cri des oiseaux fous », Outremont : Lanctôt,
2000 ; Paris : Le Serpent à plumes (Motifs, 100), 2000
| - « Comment
faire l'amour avec un nègre sans se fatiguer »,
Montréal : VLB, 1985 ; Paris : Belfond,
1989 ; Paris : J'ai lu, 1990 ; in Mythologies américaines, Paris : Grasset, 2016
- « L'odeur
du café », Montréal : VLB,
1991 ; Paris : Le Serpent à plumes, 2001 ; Paris : Zulma (Z/A), 2016
- « Cette
grenade dans la main du jeune Nègre est-elle une arme
ou un fruit ? », Montréal : VLB,
1993 ; Paris : Le Serpent à plumes, 2002 ; in Mythologies américaines, Paris : Grasset, 2016
- « Chronique de la
dérive douce », Montréal : VLB,
1994 ; Paris : Grasset, 2012
- « Pays
sans chapeau », Outremont : Lanctôt,
1996 ; Paris : Le Serpent à plumes, 1999 ; Paris : Zulma (Z/A), 2018
- « Le
charme des après-midi sans fin », Outremont :
Lanctôt, 1997 ; Paris : Le Serpent à plumes,
1999, 2005 ; Paris : Zulma (Z/A), 2016
- « Les
années 80 dans ma vieille Ford », Montréal :
Mémoire d'encrier, 2005
- « Vers
le sud », Paris : Grasset, 2006
- « Je suis un écrivain japonais », Paris : Grasset, 2008
- « L'énigme du retour »,
Paris : Grasset, 2009 ; Paris : Librairie
générale française (Le Livre de poche, 32035), 2010
- « Une forêt de gens remarquables », in Haïti parmi les vivants, Arles : Actes Sud, Paris : Le Point, 2010
- « Tout bouge autour de moi », Montréal :
Mémoire d'encrier (Chronique), 2010
- « Tout bouge autour de moi », Paris : Grasset, 2011
| Sur le site « île en île » : dossier Dany Laferrière |
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mise-à-jour : 31 mars 2016 | |
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