Dany Laferrière

Je suis un écrivain japonais

Grasset

Paris, 2008

bibliothèque insulaire

   
Haïti
parutions 2008
Je suis un écrivain japonais / Dany Laferrière. - Paris : Grasset, 2008. - 262 p. ; 21 cm.
ISBN 978-2-246-71801-7
Dany Laferrière a participé au 6e Salon du Livre Insulaire (Ouessant, 19-22 août 2004)
— Ecoutez, je n'écris pas sur le Japon, monsieur … J'écris sur moi … C'est moi le Japon.

p. 161

Un homme aime passer du temps dans sa baignoire, lire, errer dans les rues de Montréal, courtiser de jeunes Japonaises, jouer avec les nerfs de son concierge grec. En réponse à un appel pressant de son éditeur cet homme, le narrateur, s'invente le projet d'un nouveau roman intitulé “ Je suis un écrivain japonais ”. L'histoire que raconte Dany Laferrière peut se lire comme celle d'un temps où l'on peut facilement, à Montréal, acheter un recueil du poète japonais Basho, se nourrir de souvlakis, écouter une chanteuse islandaise — face aimable de la mondialisation.

Mais celui qui croyait avoir à bon compte esquivé l'injonction au travail de son éditeur se trouve soudain au cœur d'une attention pesante : diplomates, médias, police, des touristes même, s'intéressent à l'homme noir de peau qui prétend être un écrivain japonais. L'air libre qui souffle à Montréal et pourrait faire tomber les vieilles cloisons suscite puis avive les résistances ; on devine alors, derrière le narrateur, la silhouette de l'auteur lassé des étiquettes réductrices.

Dany Laferrière n'est pourtant pas dupe de ce jeu. Comme l'écrivain qu'il met en scène, il souhaite vivre et s'exprimer dans un monde aux horizons larges, affranchi des vieux parapets. Mais la tension du fil qui le relie à son enfance haïtienne n'est pas relâchée pour autant ; la voix qui se lève alors évoque le pays perdu avec la ferveur de Basho chantant les étapes de son périple japonais : fragments de cet ailleurs où il arrive que se retrouvent les lecteurs.
EXTRAIT D'où vient que je préfère lire à écrire. Je me vois remonter la rue ensoleillée de mon enfance en tenant la main de ma grand-mère. Un dimanche en province. Un homme tranquillement assis sur sa galerie devant une large table couverte de livres, tous ouverts. Il était penché vers eux comme devant un buffet riche et varié. Ce gourmand passait d'un livre à un autre avec la même excitation. Rien ne semblait exister autour de lui, à part ces mets appétissants. Il semblait si loin de nous, si hors de notre portée — nous pouvions le voir mais il était visiblement ailleurs. Ma grand-mère m'a alors glissé à l'oreille : « C'est un lecteur ! » Et j'ai tout de suite pensé : c'est ce que je ferai plus tard. Je serai un lecteur. Sur mes rares photos d'adolescence, j'ai toujours un livre en main. Même celles où je suis en train de bavarder avec mes camarades de classe. Ceux que je croise sur mon chemin aujourd'hui me le rappellent. Il n'y avait, semble-t-il, pas moyen de communiquer avec moi. J'étais toujours plongé dans un livre. J'ai une photo où je suis en train de lire couché sur le plancher avec ma mère, à l'arrière, repassant mon uniforme d'école. Ça devait être un dimanche après-midi. Ma mère me poussait sûrement à sortir, à aller sur la place ou au cinéma avec les copains, mais je ne voulais que lire. Ni le soleil, ni la lune, ni les filles, ne m'intéressaient alors. Seul le voyage que permet la lecture. Je n'étais jamais rassasié. Je rêvais qu'un jour, j'entrerais dans un livre pour ne plus jamais revenir. C'est ce qui m'est enfin arrivé avec Basho.

pp. 82-83
COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
  • « I am a Japanese writer » translated from French by David Homel, Vancouver : Douglas & McIntyre, 2010
Sur le site « île en île » : dossier Dany Laferrière

mise-à-jour : 2 juin 2015
28 mai 2015
Dany Laferrière
est reçu à l'Académie française
12 décembre 2013
Dany Laferrière
est élu à l'Académie française

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