Pays sans chapeau / Dany
Laferrière. - Paris : Zulma, 2018. -
288 p. ; 18 cm. - (Poche Z/A).
ISBN 978-2-84304-829-6
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Dany
Laferrière a participé au 6ème
Salon du Livre
Insulaire
(Ouessant, 19-22 août 2004)
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NOTE
DE L'ÉDITEUR : « La
nuit existe dans ce pays. Une nuit mystérieuse. Moi qui
viens de
passer près de vingt ans dans le Nord, j’avais
presque
oublié cet aspect de la nuit. La nuit noire. Nuit mystique.
Et
il n’y a que le jour qu’on puisse parler de la
nuit … On dirait que deux pays cheminent
côte
à côte, sans jamais se
rencontrer. »
Après
vingt ans d’absence, l’écrivain rentre
chez lui,
à Port-au-Prince. Le pays, en apparence, est le
même. Mais
au fil des silences, des mots chuchotés, et de quelques
rencontres improbabales, le voilà lancé, lui,
l’écrivain qui se dit primitif 1,
dans une étrange
enquête au Pays sans chapeau
— c’est ainsi
qu’on appelle l’au-delà en
Haïti. Et
c’est le pays rêvé qui prend le pas sur
le pays
réel …
Pays sans
chapeau est
l’extraordinaire chronique de ce reportage habité
par
l’émotion du retour et la magie des dieux
cachés. « Ils
sont là, je le sais, ils sont tous là
à me
regarder travailler à ce livre. Je sais qu’ils
m’observent. Je le sens. »
1. |
« Tiens,
un oiseau traverse mon champ de vision.
J’écris :
oiseau. Une mangue tombe. J’écris :
mangue. Les
enfants jouent au ballon dans la rue parmi les voitures.
J’écris : enfants, ballon, voitures. On
dirait un
peintre primitif. Voilà, c’est ça,
j’ai
trouvé. Je suis un écrivain
primitif. »
— Pays sans
chapeau, p. 13 |
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CATHERINE
BÉDARIDA : C'est un Dany
Laferrière apaisé qui émerge avec ce
récit d'un retour à Haïti,
deuxième volet d'un parcours autobiographique
commencé par des souvenirs d'enfance (Le charme
des après-midi sans fin, éd.
Le serpent à plumes, 1998).
[…]
Pays sans chapeau relate son retour,
après vingt années passées
à Montréal. Il retrouve la tendresse de sa
mère et de sa tante qui n'ont jamais quitté le
pays, même aux pires heures de la dictature.
Installant sa table de travail sous un manguier, il
note : « J'écris tout
ce que je vois, tout ce que j'entends, tout ce que je
sens ». Par petites touches, il conte
Haïti, ses mendiants, ses professeurs, ses
infirmières.
La
mort — jamais naturelle pour la croyance
populaire — est omniprésente,
tout comme l'au-delà, appelé le « pays
sans chapeau ».
[…]
Dans ce roman où
alternent les pages consacrées au « pays
réel » et au « pays
rêvé », c'est ce
dernier qui domine.
☐ Le Monde des livres,
19 mars 1999 — note de lecture publiée lors de la
première parution en France.
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EXTRAIT |
DU
SPAGHETTI
Je savais que cette question allait arriver, tôt ou tard.
—
Qu’est-ce que tu as mangé pendant ces vingt
ans ? me
demande à brûle-pourpoint ma mère.
—
Marie, je ne peux pas entendre quand tu dis « vingt
ans », ça me fend le cœur.
—
Mais, Renée, il a passé vingt ans
là-bas.
—
Je sais.
—
Qu’est-ce que j’ai mangé ?
Pour comprendre l’importance
de cette
question, il faut savoir que la nourriture est capitale dans ma
famille. Nourrir quelqu’un, c’est une
façon de lui
dire qu’on l’aime. Pour ma mère,
c’est presque
l’unique mode de communication.
—
Oui, comment t’es-tu
débrouillé ?
—
Du spaghetti.
Ah !
l’éclat de rire joyeux ! On aime beaucoup
le
spaghetti chez moi, mais ma mère pense que ce
n’est pas un
plat du pays. D’abord, pas de repas qui se respecte sans riz.
—
Est-ce qu’il y a du riz, là-bas ?
—
Oui …
Léger
étonnement.
—
Il y a même du porc.
—
Oui, mais, disent-elles en chœur, il n’a
sûrement pas
le même goût que le
nôtre … Ça
goûte quoi ? demande ma mère comme si la
réponse ne l’intéressait plus.
—
Rien.
—
C’est ce que je me disais, tranche ma mère.
—
Mais qui te faisait à manger ? risque tante
Renée.
—
Personne.
—
Comment personne ? hurle presque tante Renée.
—
C’est moi qui me faisais à manger.
—
Mon pauvre enfant ! lance tante Renée.
Ma
mère se passe la main lentement dans les cheveux.
—
Ça n’a pas été si terrible
que ça, je finis par murmurer.
☐ pp. 25-26
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Pays sans chapeau »,
Outremont : Lanctôt, 1996
- «
Pays sans chapeau », Paris : Le Serpent à plumes
(Motifs, 72), 1999 ; Le Rocher (Motifs, 72), 2010
|
- « Comment faire l'amour avec un
nègre sans se fatiguer »,
Montréal : VLB, 1985 ; Paris :
Belfond, 1989 ; Paris : J'ai lu, 1990 ; in Mythologies
américaines, Paris : Grasset,
2016
- « L'odeur du café »,
Montréal : VLB, 1991 ; Paris : Le
Serpent à plumes, 2001 ; Paris : Zulma
(Z/A), 2016
- « Cette grenade dans la main du jeune
Nègre est-elle une arme ou un fruit ? »,
Montréal : VLB, 1993 ; Paris : Le
Serpent à plumes, 2002 ;
in Mythologies
américaines, Paris : Grasset, 2016
- « Chronique de la
dérive douce »,
Montréal : VLB, 1994 ;
Paris : Grasset, 2012
- « Le charme des
après-midi sans fin »,
Outremont : Lanctôt, 1997 ;
Paris : Le Serpent à plumes, 1999, 2005 ; Paris : Zulma (Z/A), 2016
- « Le cri des oiseaux fous »,
Outremont : Lanctôt, 2000 ;
Paris : Le Serpent à plumes, 2000 ;
Paris : Zulma (Z/A), 2015
- « Les années 80
dans ma vieille Ford »,
Montréal : Mémoire d'encrier, 2005
- « Vers le sud »,
Paris : Grasset, 2006
- « Je suis un
écrivain japonais »,
Paris : Grasset, 2008
- « L'énigme du
retour »,
Paris : Grasset, 2009 ; Paris : Librairie
générale française (Le Livre de poche,
32035), 2010
- « Une
forêt de gens remarquables », in Haïti
parmi les vivants, Arles : Actes Sud,
Paris : Le Point, 2010
- « Tout bouge autour de moi »,
Montréal : Mémoire d'encrier
(Chronique), 2010
- « Tout bouge autour de moi »,
Paris : Grasset, 2011
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Sur
le site « île
en île » :
dossier Dany
Laferrière |
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mise-à-jour : 29 août 2018 |
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