Œuvres
[vol. III] Moby Dick, Pierre ou les ambiguïtés /
Herman
Melville ; éd. publiée sous la dir. de
Philippe
Jaworski avec la collab. de Marc Amfreville, Dominique
Marçais,
Mark Niemeyer et Hershel Parker ; trad. de l'anglais par
Philippe
Jaworski et Pierre Leyris. - Paris : Gallimard, 2006. -
XL-1407 p. : cartes ;
18 cm. -
(Bibliothèque de la Pléiade, 525).
ISBN
2-07-011845-2
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L'écriture
de Moby-Dick brasse
les modes d'expression — directement inspirés de
l'anglais de la Bible (King
James Version de
1611),
de celui de Spenser, de Shakespeare ou de Milton, de la langue
parlée à bord des navires baleiniers de Nantucket
au
cœur du XIXe
siècle. Cette chatoyante
diversité sert un projet aux multiples
visées :
descriptive, didactique, encyclopédique,
métaphysique,
… alors même que Melville ne renonce en
aucune
occasion à imprimer la marque de sa propre
personnalité.
Le
défi pour un traducteur est à la mesure de cette
ambition ; il est relevé, aux yeux des lecteurs
français, par l'existence de deux traductions
antérieures
de qualité, celles de Jean Giono et d'Armel Guerne.
Dans son approche, Philippe Jaworski se démarque de ses
prédécesseurs par une rigoureuse prise en compte
de la
polyphonie orchestrée par Melville : le traducteur
respecte
autant la « syntaxe
rocailleuse » de
l'auteur que le hiératisme des échos bibliques ou
élisabéthains et les particularismes du langage
des
officiers et de l'équipage du
« Pequod ».
Ainsi est préservé l'équilibre interne
de
l'œuvre, comme sont mis clairement en évidence ses
divers
et complémentaires registres.
La lecture
rafraîchie que propose Philippe Jawroski souligne une
évidente continuité d'inspiration avec Taïpi,
Omou
et, plus encore sans doute, Mardi —
œuvres déjà bercées par la
grande houle du Pacifique : «
pour un voyageur errant et contemplatif comme l'étaient les
anciens mages, ce calme Pacifique, une fois aperçu, ne peut
pas
ne pas devenir à jamais son océan d'adoption
(…)
les mêmes vagues baignent les môles des villes
nouvelles de
la Californie (…) et mouillent les bords
défraîchis
mais encore somptueux des terres asiatiques, plus vieilles qu'Abraham,
tandis que dans l'entre-deux flottent des voies lactées
d'îles de corail, des archipels plats inconnus, sans nombre,
et
d'impénétrables Japons »
(ch. CXI,
pp. 525-526). C'est là
précisément, au plus
près de l'espoir si souvent affirmé, que prend
fin la
longue et véhémente quête du capitaine
Achab.
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SOMMAIRE
(partiel) |
Préface,
p. IX
Chronologie
(1850-1853), p. XXXIII
Note
sur la présente édition, p. XLI
Moby-Dick
ou
le cachalot,
pp. 1-624
Appendices
[1], Aux
sources de Moby-Dick
- Owen
Chase : Récit
du naufrage du navire baleinier
« Essex » de Nantucket
(extraits), pp. 1061-1076
- Notes
manuscrites de Hermann Melville sur le « Récit
» d'Owen Chase, pp. 1077-1082
- Jeremiah
N. Reynolds : Mocha
Dick ou le Cachalot blanc du Pacifique (extraits),
pp. 1083-1090
Appendices
[2], Melville et Hawthorne
- Hermann
Melville : Hawthorne et
ses « Mousses », pp. 1093-1111
- Lettres de
Hermann Melville à Nathaniel Hawthorne et à
divers autres correspondants, pp. 1112-1138
Notices et notes : Moby-Dick,
pp. 1141-1277 ; Appendices, pp. 1324-1368
Carte
de la croisière du
« Pequod », pp. 1374-1375
Compléments
bibliographiques, pp. 1377-1396 |
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EXTRAIT |
[…]
nul Chaldéen, nul Grec à l'agonie n'eut jamais de
plus
nobles et de plus saintes pensées que celles dont on voyait
glisser les ombres mystérieuses sur le visage du pauvre
Quiqueg,
tandis qu'il gisait paisiblement dans son hamac agité d'une
oscillation régulière, que la houle marine
semblait, par
son doux bercement, le mener à son dernier sommeil, et que
le
flux invisible de l'océan le soulevait toujours plus haut
vers
le ciel qui lui était promis.
Il n'était pas un homme de l'équipage qui ne le
considérât comme perdu ; quant à lui,
ce qu'il pensait
de son état s'exprima clairement par une curieuse faveur
qu'il
sollicita. Il en appela un dans la grisaille du premier quart,
à
la pointe du jour, et, lui prenant la main, expliqua que, pendant son
séjour à Nantucket, il avait vu par hasard
certains
petits canoës fait d'un bois sombre tout pareil au riche bois
de
guerre de son île natale, et, s'étant
renseigné, il
avait appris que tous les marins baleiniers qui mourraient à
Nantucket étaient couchés dans ces
canoës sombres,
et l'idée de se voir semblablement allongé lui
avait
beaucoup plu, en raison de la ressemblance de cet usage avec une
coutume de sa race, qui veut que, après avoir
embaumé un
guerrier, on l'étende dans son canoë et laisse les
flots
l'emporter jusqu'aux archipels des étoiles, car non
seulement
ces gens croient que les étoiles sont des îles,
mais que,
bien au-delà de tous les horizons visibles, leurs mers
douces,
pures de tout rivage, se mêlent à l'azur des cieux
et
forment ainsi les neigeux brisants de la Voie lactée. Il
ajouta
qu'il frémissait à l'idée
d'être enseveli
dans son hamac selon l'usage marin et jeté comme un vil
déchet aux requins dévoreurs de charogne. Non, il
désirait un canoë comme ceux de Nantucket,
embarcation qui
lui convenait d'autant mieux, à lui baleinier, que,
à
l'instar des canots, ces pirogues-cercueils étaient
dépourvues de quille — même si ce choix
impliquait
une navigation incertaine et une longue dérive dans la
pénombre des siècles.
☐
Ch. CX, pp. 520-521 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « The
whale » [éd. expurgée],
Londres : Richard Bentley, [octobre] 1851
- « Moby Dick, or The
whale », New York : Harper &
brothers, [novembre] 1851
- « Moby Dick »
éd. illustrée par Rockwell Kent, New
York : The Modern library, 2000
- « Moby
Dick » trad. de l'anglais par Jean Giono, Lucien
Jacques et Joan Smith, Paris : Gallimard, 1941
- « Moby
Dick » trad. et préfacé par
Armel Guerne, Paris : Le Sagittaire, 1954
- « Moby
Dick » trad. et préfacé par
Armel Guerne, Paris : Le club français du livre,
1955, 1964
- « Moby Dick »
trad. et préfacé par Armel Guerne,
Paris : Phébus, 2005
|
- Herman
Melville, « À
bord », Bordeaux : Finitude, 2004
- Herman
Melville, « Carnets de voyage (1856-1857) »,
Paris : Mercure de France, 1993
- Herman
Melville, « Mardi, et le voyage qui y mena »,
Paris : Gallimard (Folio classique, 5278), 2011
- Herman
Melville, « Les îles
enchantées », Paris :
Éd. Mille et une nuits, 1997
- Herman
Melville, « Les îles
enchantées » suivies
de L'archipel des
Galápagos de Charles Darwin,
Marseille : Le Mot et le reste, 2015
- Herman
Melville, « Moi et ma
cheminée », Paris :
Allia, 2008
- Herman
Melville, « Omou »,
Paris : Gallimard (L'Imaginaire, 629), 2012
- Herman
Melville, « Taïpi »,
Paris : Gallimard, 1952, 1997
- Herman
Melville, « Taïpi »
ill. de Jacques Boullaire, trad. d'Anne Belley-Rocca,
Papeete : Le Motu, 2009
|
- Owen
Chase, « Récit de
l'extraordinaire et affligeant
naufrage du baleinier Essex »,
Paris : Robert Laffont,
2015
- C.L.R.
James, « Marins, renégats et autres
parias : l'histoire d'Herman Melville et le monde dans lequel
nous
vivons », Paris : Ypsilon, 2016
- Lewis
Mumford, « Herman Melville »,
Arles : Sulliver, 2006
- Nathaniel
Philbrick, « La
véritable histoire de Moby
Dick : le naufrage de l'Essex qui a
inspiré Herman Melville »,
Paris : Librairie générale
française (Le Livre de poche, 15583), 2003
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mise-à-jour : 7 juillet 2017 |
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