Moi
et ma cheminée / Herman Melville ; traduit de
l'anglais par
Jean-Yves Lacroix. - Paris : Allia, 2008. -
142 p. ; 19
cm.
ISBN 978-2-84485-271-7
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Il
apporte (…) dans son travail une certaine humeur vagabonde
qui lui est propre et qu'il a acquise en courant les mers.
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John Marr,
p. 125 |
1839-1844 :
cinq ans en mer enrichissent d'images et d'expérience
l'œuvre de Melville dont l'audience — passé
le bref engouement consécutif à la parution de Typee —
ne cessera de croître après sa mort. Mais, de
retour sur
la terre ferme en 1844, l'écrivain a encore devant
lui
presqu'un demi siècle. Entre octobre 1856 et mai 1857, un
voyage
en Europe et au Moyen-Orient ouvre à nouveau son horizon,
mais
c'est la retraite, campagnarde dans le Massachusetts puis urbaine
à New York, qui marque pour l'essentiel ces longues
années.
Les textes ici réunis autour de la
nouvelle intitulée
« Moi et ma cheminée »
expriment une
intense nostalgie qui, en radicale symétrie, fait pendant
à celle d'Ulysse — ou la
prolonge ? De retour
sur la terre natale, le marin est la proie des souvenirs
accumulés sur des mers lointaines au cours de ses
années
de jeunesse et d'errance, de découvertes et de camaraderie.
L'extrait de John
Marr et Daniel
Orme qui
ferment le recueil donnent toute la mesure de cet exil
paradoxal ;
dans le premier texte, qui sert d'introduction à un recueil
de
poèmes qui n'a à ce jour pas
été
intégralement traduit 1,
un marin ayant
posé sac à terre éprouve
l'indifférence de
son entourage envers ce qui a fait vibrer son existence :
« Ami, à ces choses-là, nous
n'entendons rien
par ici » ; la nature seule avive la flamme
en
réveillant les sensations d'autrefois, à l'image
de la
prairie qui lui semble « le lit d'une mer
asséchée ». Daniel Orme 2
accentue cette tonalité crépusculaire ;
Melville
évoque fraternellement un matelot septuagénaire
que
l'usure et la fatigue ont éloigné du
service :
« il amarre sa dernière drisse et vient
mouiller sur
la terre obscure ».
1. | Cf. “ Poèmes divers 1876-1891 ” éd. et trad. par Pierre Leyris, Paris : Gallimard, 1991 | 2. | Texte resté inédit du vivant de l'auteur. |
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EXTRAIT |
Par
un beau jour de Pâques, à la suite d'une
période
rhumatismale, on découvrit Orme seul et mort sur une hauteur
qui
dominait le chemin du large de ce grand port au rivage duquel, dans
son adieu à la mer, il avait mouillé.
C'était une
terrasse aplanie, destinée à être
utilisée
en cas de guerre, mais négligée en temps de
paix ;
elle offrait de ce fait un sanctuaire à qui le voulait. Une
batterie désuète de canons rouillés la
surmontait.
C'est adossé à l'un de ces canons que l'on trouva
notre
homme, jambes allongées ; sa pipe d'argile
cassée en
deux, le fourneau vide, sans résidus par terre, attestant
qu'elle avait été fumée
jusqu'à
épuisement du contenu. Il faisait face à
l'embouchure sur
l'Océan. Les yeux étaient ouverts et continuaient
à nourrir dans la mort le regard du vivant sur les eaux
brumeuses, sur les voiles confuses qui s'éloignaient,
s'approchaient ou restaient ancrées plus près du
rivage.
Quelles avaient été ses dernières
pensées ?
[…]
Gageons
[…] qu'il s'endormit dans le souvenir surgi des brumes
de la mémoire, des scènes lointaines et
innombrables de
la beauté d'un monde sans limite, portées en
rêve
par les eaux brumeuses qui s'étendaient devant lui.
☐
Daniel Orme, pp. 141-142 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « John
Marr and other sailors, with other sea pieces », New
York : The De Vinne press, 1888
- « John
Marr and other
sailors, with other sea pieces » edited and introduced by
Douglas
Robillard, Kent (Ohio) : Kent state university press, 2006
- « Daniel
Orme » in Billy
Budd and other prose pieces, ed. by Raymond W. Weaver,
London : Constable, 1924 ;
« Daniel Orme » in Billy Budd, ed. by
F. Barron Freeman, Cambridge (Mass.) : Harvard university
press, 1948
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- Poèmes
tirés de « John Marr et autres
marins » in Poèmes
divers 1876-1891, éd. et trad. par Pierre
Leyris, Paris : Gallimard, 1991
- « Billy
Budd, marin
[suivi de] Daniel Orme » trad. et
préfacé par
Pierre Leyris, Paris : Gallimard, 1980 ; Gallimard
(L'Imaginaire, 184), 1994
|
- « À bord »,
Bordeaux : Finitude, 2004
- « Carnets de voyage (1856-1857) »,
Paris : Mercure de France, 1993
- « Les îles
enchantées », Paris :
Éd. Mille et une nuits, 1997
- « Les îles
enchantées » suivies
de L'archipel des
Galápagos de Charles Darwin, trad. par Michel
L.-N. Imbert, Marseille : Le Mot et le reste, 2015
- « Mardi, et le voyage qui y mena »,
Paris : Gallimard (Folio classique, 5278), 2011
- « Moby Dick »
éd. illustrée par Rockwell Kent, New
York : The Modern library, 2000
- « Moby Dick »
trad. et préfacé par Armel Guerne,
Paris : Phébus, 2005
- « Moby Dick
[suivi de] Pierre ou les
ambiguïtés » éd. publiée sous la
direction de Philippe Jaworski, Paris : Gallimard (La
Pléiade), 2006
- « Omou », Paris : Gallimard (L'Imaginaire, 629),
2012
- « Taïpi »,
Paris : Gallimard, 1952, 1997
- « Taïpi »
ill. de Jacques Boullaire, trad. d'Anne Belley-Rocca,
Papeete : Le Motu, 2009
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mise-à-jour : 10 mai 2012 |
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