Carnets
de voyage (1856-1857) / Herman Melville ; trad. et
présenté par Philippe Jaworski. -
Paris : Mercure de
France, 1993. - XLVIII-237 p. : carte ;
19 cm. -
(Bibliothèque américaine).
ISBN
2-7152-1791-9
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En 1856, Melville âgé de près
de quarante ans a derrière lui Typee (1846), Omoo (1847), Mardi (1849), Moby Dick
(1851) — entre autres. Mais il est touché
par
l'indifférence des lecteurs, endetté, affaibli
physiquement et nerveusement. Pour s'arracher à l'angoisse,
il entreprend un voyage aux confins de l'Europe, de
l'Asie et de l'Afrique, aux sources de la civilisation occidentale
— Grèce, Constantinople,
Jérusalem, Alexandrie.
Après un bref séjour en Angleterre
où il
renoue avec Hawthorne, il embarque à Liverpool le 18
novembre
1856, passe le détroit de Gibraltar, longe les
côtes
d'Afrique du Nord, fait escale à Malte, traverse la mer
Egée, gagne Constantinople, puis Smyrne et Alexandrie, se
rend
en Palestine et à Jérusalem ; le retour
s'effectue
par l'Italie, puis par voie terrestre de Suisse en Allemagne et aux
Pays-Bas. D'Amsterdam il regagne Londres et Liverpool où, le
5
mai 1857, il reprend la mer pour
la maison. Les notes éparses recueillies dans
ces Carnets
n'étaient pas destinées à la
publication ;
dans leur brièveté et souvent leur
sécheresse
elles poursuivent, accompagnent ou approfondissent une
réflexion
désabusée : “ le
paysage qui se
révèle sous ses yeux […] est un monde
ruiné, déchu, tragiquement stérile,
vide de
transcendance, … ” (Philippe
Jaworski, Introduction,
p. XXIX).
L'itinéraire est ponctué
d'îles. L'espoir se
lève à l'approche de certaines : “ nous
nous sommes retrouvés comme par enchantement parmi les
îles des Princes ” (p. 30). Plus
nombreuses sont
les îles où domine le sentiment d'absence, de
désertion (Délos, Patmos) ; le
parallèle avec
le temps des escales lumineuses dans l'archipel polynésien
est
cruel, jusqu'à cet aveu griffonné en note sur un
feuillet
du manuscrit que Philippe Jaworski transcrit dans son
introduction : “ J.C. [Jésus
Christ] aurait
dû apparaître à
Tahiti ” (p. XLI).
Semblable désenchantement s'exprime, relevé d'une
incisive ironie, dans les parages de Chypre : “ Dans
ces eaux, Vénus a surgi de l'écume.
Trouvé aussi
difficile d'imaginer pareille chose que d'imaginer le Christ
s'élevant du mont des Oliviers ”.
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EXTRAIT |
Vendredi
26 décembre. Hier
soir, le capitaine a modestement
célébré la
journée avec un verre de champagne. —
Contraste entre
les îles grecques & celles de l'archipel
polynésien.
Celles-là ont perdu leur virginité. Celles-ci
sont
fraîches comme à l'instant de leur
création.
Celles-là ont un air usé et
décharné comme
la vie après que l'enthousiasme est parti. Leur aspect
à
toutes est stérile & sec. Même
Délos, dont les
fleurs s'élevaient miraculeusement de la mer, est
à
présent une lande désertique, &
à regarder le
jaune terne de Patmos, qui pourrait croire qu'un dieu y a
vécu ? — Pas de hauts-fonds dans
l'archipel ; on peut s'aventurer tout près de
toutes les
îles, ce qui rend la navigation facile. Nombre
d'îles sont
faites de marbre d'un blanc très pur. Leurs habitants
conservent
les expressions des statues antiques. — Ce matin,
invité par le chef mécanicien à
visiter son
territoire. Les chaudières offrent un spectacle terrifiant.
Un
enfer dans la coque. Toute la journée vent debout &
mer
mauvaise. Les passagers pour la plupart dans leur lit. Les Grecs
invisibles. [Passé assez près de
Scarpanto —
accidentée &
stérile. — Rhodes en vue.]
☐ pp. 65-66 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Journals
(1856-1857) » in Journals, texts
revised with historical note and annotations by Howard C. Horsford and
Lynn Horth, Evanston (Ill.) : Northwestern university press (The Writings of Herman
Melville, 15),
1989
|
- « À bord »,
Bordeaux : Finitude, 2004
- « Les îles
enchantées », Paris :
Éd. Mille et une nuits, 1997
- « Les îles
enchantées » suivies
de L'archipel des
Galápagos de Charles Darwin,
Marseille : Le Mot et le reste, 2015
- « Mardi, et le voyage qui y mena
»,
Paris : Gallimard (Folio classique, 5278), 2011
- « Moby Dick »
éd. illustrée par Rockwell Kent, New
York : The Modern library, 2000
- « Moby Dick »
trad. et préfacé par Armel Guerne,
Paris : Phébus, 2005
- « Moby Dick
[suivi de] Pierre ou les
ambiguïtés » éd. publiée sous la
direction de Philippe Jaworski, Paris : Gallimard (La
Pléiade), 2006
- « Moi et ma
cheminée », Paris :
Allia, 2008
- « Omou
», Paris : Gallimard (L'Imaginaire, 629), 2012
- « Taïpi »,
Paris : Gallimard, 1952, 1997
- « Taïpi »
ill. de Jacques Boullaire, trad. d'Anne Belley-Rocca,
Papeete : Le Motu, 2009
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mise-à-jour : 10
mai 2012 |
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