Prosper Mérimée

Colomba

Librio

Paris, 2003
bibliothèque insulaire
      
des femmes et des îles
Méditerranée
parutions 2003
Colomba / Prosper Mérimée. - Paris : EJL, 2003. - 153 p. ; 21 cm. - (Librio, 167).
ISBN 2-290-33526-6
L'intrigue de Colomba se noue au terme d'une longue introduction. Le récit s'ouvre sur le continent, en l'aimable compagnie d'un colonel irlandais et de miss Lydia, sa fille. Pour traverser la Méditerranée, il faut un prétexte sérieux, la chasse :

 On [voit en Corse] force de sangliers, disait le capitaine Ellis, et il faut apprendre à les distinguer des cochons domestiques, qui leur ressemblent d'une manière étonnante ; car, en tuant des cochons, l'on se fait une mauvaise affaire avec leurs gardiens. Ils sortent d'un taillis qu'ils nomment mâquis, armés jusqu'aux dents, se font payer leurs bêtes et se moquent de vous. Vous avez encore le moufflon, fort étrange animal qu'on ne trouve pas ailleurs, fameux gibier, mais difficile. Cerfs, daims, faisans, perdreaux, jamais on ne pourrait nombrer toutes les espèces de gibier qui fourmillent en Corse. Si vous aimez à tirer, allez en Corse, colonel ; là, comme disait un de mes hôtes, vous pourrez tirer sur tous les gibiers possibles, depuis la grive jusqu'à l'homme ”. (Ch. 1)

Une fois sur place, Mérimée, comme pour donner plus de crédit à l'aventure qu'il relate, ne manque pas de souligner l'étrangeté — l'exotisme ? — du pays :

“ Miss Lydia, deux jours après être débarquée en Corse, se sentit saisir d'une tristesse profonde, comme il doit arriver à tout étranger qui se trouve dans un pays dont les habitudes insociables semblent le condamner à un isolement complet ”. (Ch. 4)

Mérimée échoue à donner une représentation fidèle de la Corse au XIXe siècle ; mais il réussit parfaitement à caractériser le regard porté sur l'île par les Français (continentaux) de l'époque … Un regard qui, semble-t-il, a peu évolué depuis.

EMILE HENRIOT : […]

On sait que l'héroïne de [Colomba] a réellement existé : la Revue de Corse publie à ce sujet quelques notes rédigées par son regretté collaborateur François de Morati-Gentile, dont le grand-père, alors sous-préfet de Bastia, avait été l'hôte et le correspondant de l'écrivain. Morati-Gentile était lui-même, par sa mère, petit-neveu de Colomba Carabelli, épouse Bartoli de Fozzano. Voici ce qu'il tenait d'elle et de son aventure, par une tradition de famille :

“ Les Durazzo, ennemis des Bartoli-Carabelli, faisaient construire une tour crénelée devant la maison de leur adversaire. Colomba, sachant le but de cette construction, somma le maçon qui y travaillait de n'avoir pas à continuer. L'ouvrier passa outre. Colomba descendit alors dans son jardin attenant à la tour et se mit à allaiter son enfant après avoir caché un fusil sous une meule de foin. Elle répéta son injonction au maçon et finalement lui lâcha son coup. Elle replaça tranquillement l'arme sous le foin et continua à allaiter le bébé. On accourut au bruit de la détonation ; le maçon blessé fut chevaleresque et la gendarmerie intervenue ne comprit goutte à l'affaire. ”

M. de Morati nous apprend aussi que, vers 1854, la vieille Colomba eut connaissance du livre qui avait illustré son nom, et n'en fut aucunement choquée : nous savions d'ailleurs que Mérimée avait conservé les plus amicales relations avec elle […]. “ Colomba, dit Morati, racontait simplement et tranquillement les aventures tragiques de sa vie. Ma mère lui lut un jour le roman qui devait l'immortaliser. Elle traita de fable le récit de Mérimée, disant de ce dernier : Je m'en souviens, c'était un grand diable assez drôle, avec des bras et des jambes sans fin ; il aimait les femmes, mais ne m'en dit jamais rien … ” Le croquis est assez joli.

[…]

“ Mérimée en Corse ”, Le Temps, 17 novembre 1929

JÉRÔME FERRARI : […]

La nouvelle la plus connue sur la Corse est sans doute Colomba, de Prosper Mérimée. Il se trouve que […] mon village s'appelle Fozzano et que c'est dans ce village-là que Mérimée a rencontré Colomba Carabelli qui lui a servi de modèle. Elle avait 65 ans, mais il en a fait une jeune fille de 20 ans, plus conforme à la figure idéale de l'héroïne. Mérimée a écrit d'autres textes qui sont des histoires de crime d'honneur, de bandits d'honneur, etc., offrant une vision extrêmement romantique d'une réalité qui ne l'était pas du tout, il suffit d'aller consulter les archives pour s'en rendre compte. C'était déjà complètement fantaisiste au XIXe siècle et ça n'a donc a fortiori rien à voir avec la Corse contemporaine même si beaucoup de choses sont pourtant encore vues à travers ce prisme-là.

[…]

“ Les mondes possibles de Jérôme Ferrari ” entretiens sur l'écriture avec Pascaline David, Namur : Diagonale, Arles : Actes sud, 2020 — pp. 10-11
COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
  • Prosper Mérimée, « Colomba », La Revue des deux mondes, 1er juillet 1840
  • Prosper Mérimée, « Colomba », Paris : Magen et Comon, 1841
  • Prosper Mérimée, « Colomba » [précédé de] « La vraie Colomba » par Michel Lorenzi di Bradi, Romorantin : Marivole (Terroirs classiques), 2016
  • Prosper Mérimée, « Colomba, et dix autres nouvelles » éd. par Pierre Josserand, Paris : Gallimard (Folio classique, 819), 2010
  • Prosper Mérimée, « Colomba » éd. par Yann Le Lay et Mireille Morilhat, Paris : Larousse (Petits classiques Larousse, 52), 2008
  • Prosper Mérimée, « Colomba » éd. par Myriam Canolle-Cournarie et Stéphanie de Nanteuil-d'Espiès, Paris : Hatier (Classiques Hatier : Œuvres et thèmes, 118), 2007
  • Prosper Mérimée, « Nouvelles corses : Colomba, Mateo Falcone », Paris : Pocket (Pocket classiques, 6011), 1998
  • Prosper Mérimée, « Notes d'un voyage en Corse », Ajaccio : La Marge, 1997
  • Michel Lorenzi de Bradi, « La vraie Colomba », Paris : Flammarion, 1922 ; Ajaccio : La Marge, 1990
  • Jérôme Ferrari, « Variétés de la mort », Ajaccio : Albiana, 2001

mise-à-jour : 30 janvier 2020


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