Il
faudrait demander à l'Organisation des Etats
américains,
aux Nations unies et au reste de la communauté
internationale
pourquoi ils n'ont pas écouté les voix
haïtiennes.
Comment peut-on prétendre, même avec les meilleurs
intentions, reconstruire le pays sans être à
l'écoute de ses pulsations ? |
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Contre l'élitisme,
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Haïti, nous n'avons pas la maîtrise de notre pays,
Libération, 23-24 janvier 2016 |
Trump
réduit l'autre à un présent sans
passé,
Le Monde, 17 janvier 2018 |
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Lyonel Trouillot, « Les fous de
Saint-Antoine : traversée rythmique »,
Port-au-Prince, 1989 |
Lyonel Trouillot, « Rue des pas perdus »,
Port-au-Prince, 1996 |
Lyonel Trouillot, « Les dits du fou de
l'île », Port-au-Prince, 1997 |
Lyonel Trouillot, « Thérèse
en mille morceaux », Arles, 2000 |
Lyonel Trouillot, « Histoires simples »,
Port-au-Prince, 2001 |
Lyonel Trouillot, « Les enfants des
héros », Arles, 2002 |
Lyonel Trouillot, « Yanvalou pour Charlie »,
Arles, 2009 |
Lyonel Trouillot, « Eloge de la contemplation »,
Paris, 2009 |
Louis-Philippe Dalembert et Lyonel Trouillot,
« Haïti,
une traversée littéraire »,
Paris et Port-au-Prince, 2010 |
Lyonel Trouillot, « La belle amour humaine »,
Arles, 2011 |
Lyonnel Trouillot, « Parabole du failli »,
Arles, 2013 |
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Les Haïtiens ne sont
pas écoutés
Un an après le
séisme, peut-on dire que la reconstruction a
commencé ?
La
reconstruction ? De quoi ? Par qui ? Avec
quoi ? En
fonction de quelle vision globale des besoins de la
société ? Il n'y a qu'à voir
le Palais
national, encore dans l'état où l'a
laissé le
séisme. Non, on ne peut pas parler de reconstruction. Ni sur
le
plan symbolique. Ni sur le plan matériel. Promesses non
tenues
des uns (du côté de la communauté
internationale),
incompétence et insouciance des autres (du
côté des
responsables politiques haïtiens).
Ajoutez
à cela le manque de coordination et l'incapacité
ou le
refus de faire appel aux capacités haïtiennes,
d'impliquer
les Haïtiens en tant que sujets dans les projets de
reconstruction
de leur pays, il y a très peu de fait.
Pensez-vous
que l'épidémie de choléra et la
polémique
sur son origine ont ruiné la confiance de la population dans
les
Nations unies ?
L'épidémie
de choléra a contribué à exacerber le
sentiment
— majoritaire en Haïti —
de la
présence d'une mission des Nations unies qui ne sert pas
à grand-chose. Il n'est pas rare d'entendre dire que quand
la
mission sera (enfin) partie, elle nous aura laissé le
choléra pour preuve de son passage. Quel autre souvenir
laissera-t-elle dans les mémoires ?
Au-delà du
ressenti des Haïtiens, il faudra que l'on ose
évaluer les
moyens mis en œuvre par rapport aux résultats.
Mais la crise n'est pas le
résultat d'un manque de confiance. Ce n'est pas un « manque de
confiance »
qui est à l'origine des politiques qui ont conduit
à
cette situation catastrophique, ce sont des décideurs
nationaux
et internationaux. C'est la gestion catastrophique des multiples crises
et leur aggravation qui explique le manque de confiance.
Haïti
était, avant le séisme, un pays
profondément
inégalitaire. La reconstruction peut-elle s'attaquer
à
cet enjeu ?
La
reconstruction ne peut se concevoir sans la transformation des
structures sociales haïtiennes. C'est ce que nombre de
citoyens
haïtiens clament depuis un an : un système
scolaire
républicain ; des services publics pour l'ensemble
des
citoyens ; le respect des différentes composantes
culturelles de l'haïtianité (non pas prise comme
enfermement mais comme enrichissement permanent) et le respect de la
culture populaire ; des institutions démocratiques
non
inféodées à l'exécutif.
Ce
n'est pas une affaire pour des affairistes en mal de contrats,
technocrates de seconde zone et autres prédateurs
à
l'affût d'un marché. Avec le pouvoir politique
actuel, qui
n'a ni le sens de l'urgence ni une vision à long terme, on
voit
mal s'accomplir une telle tâche.
Considérez-vous
que les Haïtiens ne sont pas suffisamment associés
à la reconstruction ?
Que
les Haïtiens ne soient pas écoutés,
c'est une
évidence. Les organisations non gouvernementales, pour ne
nommer
qu'elles, fonctionnent pour la plupart, selon leurs propres
évaluations des besoins, développent seules leurs
stratégies, leurs agendas …
Sur
le plan politique, l'ensemble de la société
haïtienne avait prédit que l'élection
présidentielle du 28 novembre 2010 tournerait à
la
catastrophe, avec un Conseil électoral
inféodé
à l'exécutif, la machine de l'Etat mise au
service de la
plate-forme dirigée par le président sortant.
Il
faudrait demander à l'Organisation des Etats
américains,
aux Nations unies et au reste de la communauté
internationale
pourquoi ils n'ont pas écouté ces voix
haïtiennes.
Comment peut-on prétendre, même avec les meilleurs
intentions, reconstruire le pays sans être à
l'écoute de ses pulsations ?
Vous
avez dénoncé, fin décembre, une
dérive
autoritaire du pouvoir. Craignez-vous que la crise politique
débouche sur une guerre civile ?
Il
n'y a pas de risque de guerre civile, à mon avis. Mais il
est
bête de la part du président Préval de
s'engager
dans un bras de fer avec un pays qui a choisi la rupture. Le
président Préval a cru qu'il pouvait choisir son
successeur et l'imposer. Ce n'est pas chose possible.
La
rupture est le choix national parce que les gens sont
fatigués
de ne pas sentir que leur parole et leurs besoins sont
portés
par les représentants politiques haïtiens, parce
que les
gens sont fatigués de voir que rien ne change ni sur le plan
structurel ni dans leur quotidien, à part les services de
santé d'urgence. Parce que les gens sont fatigués
de
vivre dans un pays qui n'est pas dirigé. Ils demandent une
direction politique digne et efficace. La tendance est donc de mettre
dans un même panier le gouvernement haïtien et la
communauté internationale comme coauteurs d'un grand
désordre qui n'amène rien de bien.
Lyonel Trouillot
propos recueillis par Grégoire Allix
© Le
Monde
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