L'aviateur
/ Evgueni Vodolazkine ; traduit du russe par Joëlle
Dublanchet. - Paris : Éd. des Syrtes, 2019. -
367 p. ; 23 cm.
ISBN
978-2-940628-07-0
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Avec
quelle Atlantide avons-nous sombré dans le fond ?
☐ p. 140 |
NOTE DE L'ÉDITEUR :
Innokenti Platonov se réveille amnésique dans une
chambre
d'hôpital. A la demande de son médecin, et pour
l'aider
à reconstituer son histoire personnelle, il consigne dans un
journal des fragments chaotiques de souvenirs : visages,
images,
histoires, odeurs. Peu à peu sa mémoire fait
émerger la ville de Saint-Pétersbourg dans les
premières années du XXe siècle,
l'enfance et ses
bonheurs, sa première jeunesse, les études,
l'amour, la
révolution dont il a subi d'emblée les
contrecoups, et,
enfin, le camp des Solovki. Et Platonov devine, petit à
petit,
atterré, qu'il est né en 1900 et s'est
réveillé en 1999 …
A sa sortie de
l'hôpital, une nouvelle vie l'attend. Tel un Robinson
Crusoé, le héros favori de son enfance, Platonov
doit
s'adapter à un monde dont il ne connait pas les codes. A
travers
lui, le présent tente d'assimiler les leçons du
passé, de distinguer la faute du pardon et se diriger vers
l'avenir.
L'Aviateur est
un roman porteur de réflexions philosophiques profondes
— le repentir, la responsabilité, la
justice,
l'histoire — dans lequel l'écriture
fonctionne comme
un liant dans un va-et-vient entre passé et
présent.
Une
histoire bouleversante, empreinte de nostalgie, sur la
mémoire
et la culpabilité, sur un amour si puissant qu'il parvient
à vaincre le chaos, et même la
mort … ❙ | Evgueni
Vodolazkine, né à Kiev en 1964, est chercheur à
l'Académie des sciences de Russie, spécialiste du Moye
Âge. |
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EXTRAIT |
La solitude, ce n'est pas toujours
forcément mal. Lorsque je me trouvais sur l'île,
je ne rêvais que de solitude. Après l'extinction
des feux, je m'endormais très vite, dès que je
tombais sur mon châlit, mais avant de sombrer
définitivement, il s'écoulait quelques minutes
à la frontière du sommeil, et c'était
le moment où je rêvais.
Je m'imaginais en Robinson Crusoé, errant le long
de la ligne du ressac, je me transportais de mon île sur la
sienne (pourquoi serait-il venu sur mon île ?), je
le remplaçais quelques instants sur cette terre
inhabitée et bénie. De mes pieds nus, je sentais
le tapis de feuilles, dans cette forêt tropicale
où il fait frais même quand la
température est élevée, et
où, en hiver, tout est couleur d'émeraude, parce
que là-bas il n'y a pas d'hiver. Le tapis plein de
sève craquait sous les pas. Je tournais vers moi les
énormes feuilles qui ressemblaient à des
puisoirs, je buvais avec jouissance l'eau de pluie qui s'y
était accumulée pendant la nuit. Elle coulait
irrégulièrement, en formant une tresse
étroite, étincelante, et me tombait dans le nez,
dans les yeux.
Je ne parlais avec personne, hormis les perroquets, et
ceux-là ne me disaient que ce que j'avais envie d'entendre.
Il n'y avait pas là-bas de travaux forcés, ni de
gardes, ni même de camarades de détention,
humiliés, ensauvagés, il n'y avait rien de ce qui
dépouillait les hommes de leur mode de vie humain, et que je
ne voulais pas voir. Ceux qui avaient créé
l'enfer solovkien avaient privé les hommes de leur
humanité, tandis que Robinson, lui, avait fait le contraire,
il avait humanisé toute la nature qui l'entourait, il en
avait fait le prolongement de lui-même. Ceux-là
avaient détruit toute trace de mémoire de la
civilisation, Robinson, à partir de rien, avait
créé une civilisation. De mémoire.
☐ p. 175 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
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bibliographie
des îles Solovki (en russe) |
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mise-à-jour : 27
juillet 2020 |
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