L'homme qui jardine devant la maison de
l'administrateur a une bonne tête d'enfant grandi trop vite.
Il s'approche de moi et me serre longuement les deux mains.
“ Je suis le
bandit ”, me dit-il.
Il est très fier d'être le
seul bandit de Tubuaï. Relégué par les
tribunaux de Papeete, il se plaît beaucoup dans cette
île lointaine où il cultive des fleurs, fait
pousser des fraises et bricole pour l'administration dans une
liberté presque complète.
“ Viens voir mon faré … ”
Cette maison est la seule ombre à son
bonheur. Puisqu'il est prisonnier, on le loge dans l'unique prison,
dont il occupe l'une des six cellules, toujours vides. L'homme
s'exprime en un français bâtard et
imagé.
“ Il ne ferrmait pas, mon faré !
Les gens d'ici ne sont pas honnêtes : on m'a
volé mes affaires pendant mon sommeil. Alors, j'ai
demandé au Tavana-administrateur
l'autorisation de m'enfermer la nuit. Hier, j'ai posé un
gros verrou … Les vahinés du voisinage, elles
venaient m'ennuyer tous les
soirs … ”
Le “ bandit ” est adventiste et a
fait (ou presque) vœu de chasteté. Maintenant, il
va pouvoir dormir en paix dans sa tour d'ivoire …
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