La pension Eva
/ Andrea Camilleri ; trad. de l'italien (Sicile) par Serge
Quadruppani. - Paris : Métailié, 2007. -
132 p. ; 22 cm. - (Bibliothèque
italienne).
ISBN
978-2-86424-622-0
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À
la pension Eva se joue chaque soir l'un des temps forts de la vie
sociale de Vigata, la bourgade sicilienne née de
l'imagination
de Camilleri. Sous la férule d'une bienveillante Signura, y
professent d'aimables et accortes jeunes femmes aussi promptes
à
rire qu'à pleurer. Juste sortis de l'enfance
Nenè, Ciccio
et Jacolino doivent à un hasard bienveillant de pouvoir
fréquenter l'établissement sous certaines
conditions ; le bordel devient alors, autant voire plus que
l'école, une scène
privilégiée d'ouverture
sur le monde.
Dehors la vie suit un cours
rendu plus pesant par l'emprise du fascisme
et la guerre. L'écho des événements se
répercute dans les salons feutrés du bordel
où ils
entrent en résonnance avec des bribes d'histoire familiale
mêlés aux souvenirs de lecture —
où l'on
reconnaît les prédilections de l'auteur : Conrad,
Melville, Simenon, L'Arioste, … Soir
après soir, les
scènes vécues ou relatées à
la pension Eva
ne sont pas moins romanesques aux yeux de Nenè et de ses
amis
que les péripéties du Roland furieux.
Une note en fin de volume
précise que ce texte inqualifiable
— ce n'est ni un récit historique, ni
un récit
policier, ni un récit autobiographique —
a été écrit
en guise de vacances
narratives au seuil des quatre-vingts ans de l'auteur. Il
est également précisé que la Pension Eva a vraiment
existé, mais que les noms des habitués
et les événements décrits sont
inventés.
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EXTRAIT |
— Mon gentilhomme veut se battre ici et maintenant.
L'arme
sera la lance. Le duel se déroulera à cheval.
Messieurs,
il vous revient de choisir le cheval, conclut-elle en montrant d'un
geste les cinq filles.
Comme il était logique, Nenè choisit la
petite qui d'après lui avait les plus beaux seins. Ciccio
fit de
même avec sa préférée.
— Les duellistes et les chevaux doivent combattre
nus, ordonna Giusi. Le public s'assiéra en laissant libre le
centre de la chambre.
— Le public aussi doit assister nu au
combat ! ordonna Jacolino, en donnant l'exemple.
Il fut obéi au milieu d'une mer de rires et de
cris. Giusi, elle, ne se déshabilla pas, elle sortit de la
pièce, revint avec deux manches à balai, en donna
un
à Ciccio et un à Nenè :
— Voici vos lances.
Les deux petites qui devaient faire les chevaux, une fois
déshabillées, se firent un chignon sur la
tête avec
leurs peignes à cheveux.
— Non, dit Nenè, les chevaux ont une
crinière. C'est quoi, cette nouveauté ?
Giusi intervint :
— Les cheveux défaits, elles pourraient
se faire mal.
— Quelles sont les modalité du
combat ?
demanda Nenè tandis qu'il se mettait à cheval sur
les
épaules de la fille.
Laquelle, pour le maintenir en selle, lui agrippa les cuisses
à deux mains.
Nenè, un peu inquiet, demanda au cheval :
— Bayard, tu supportes mon poids ?
— Mais tu ne pèses rien ! le
rassura le cheval Bayard.
Et il poussa un hennissement auquel répondit celui
du cheval sur lequel s'était hissé Ciccio,
à
l'autre bout de la pièce.
— Si ton cheval s'appelle Bayard, sache que le mien
est Rabican, lança Ciccio.
— À mon signal, commencez le combat, dit
Giusi. Quand je dis halte, vous vous arrêtez. Le premier qui
tombe de cheval a perdu. Prêts ?
À ce point, Nenè leva sa lance et
déclama, d'une voix de marionnette 1 :
— Allons, cours vite, mon brave Bayard,
allons d'Astolphe rentrer dans le lard !
Ciccio ne laissa pas échapper la
réplique :
— Allons vite ô mon brave, mon
véloce hippogriffe,
de Renaud et Bayard allons bourrer le pif !
Les cavaliers pointèrent leur lance.
☐
pp. 79-81
1. |
Allusion
à l'opera dei
puppi, marionnettes traditionnelles siciliennes qui
mettent en scène les exploits des héros des
chansons de geste et du Roland
furieux. (NdT) |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE
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Andrea Camilleri est un auteur
prolifique : le catalogue de la Bibliothèque nationale
de France compte sous son nom plus de 250 notices (ouvrages
imprimés ou numériques) et le catalogue de la Biblioteca
nazionale centrale di Firenze
en compte plus de 500. Ne sont donc mentionnés
ici que les ouvrages
déjà présentés sur le site,
ou qui le seront prochainement.
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- « La
pensione Eva », Milano : Mondadori, 2006
- « La
pension Eva », Paris : Points (P2048), 2008
- « La
pension Eva », Paris :
Métailié (Suites), 2018
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- « La forme de l'eau »,
Paris : Fleuve noir, 1998 ; Paris : Fleuve noir, 2000 ;
Paris : Pocket, 2001
- « Chien de faïence »,
Paris : Fleuve noir , 1999 ; Paris : Pocket,
2001
- « Un mois
avec Montalbano »,
Paris : Fleuve noir , 1999 ; Paris : Pocket,
2013
- « L'opéra de
Vigàta »,
Paris : Métailié, 1999, 2018 ;
Paris : Seuil
(Points, 874), 2001 ; Paris : Points (Points, P874),
2006
- « Le coup du cavalier »,
Paris : Métailié, 2000, 2006
- « Le
voleur de goûter », Paris :
Fleuve noir, 2000 ; Paris : Pocket, 2002
- « La disparition de Judas »,
Paris : Métailié, 2002, 2005
- « Un filet de fumée »,
Paris : Fayard, 2002 ; Paris : Librairie
générale française (Le Livre de poche,
15511), 2003
- « La peur de Montalbano »,
Paris : Fleuve noir, 2004 ; Paris : Pocket,
2008
- « Privé de titre »,
Paris : Fayard, 2007 ; Paris : Librairie
générale française (Le Livre de poche,
31330), 2009
- « Petits
récits au jour le jour »,
Paris : Fayard, 2008
- « Un été
ardent », Paris : Fleuve noir,
2009 ; Paris : Pocket, 2010
- « Le ciel volé,
Dossier Renoir », Paris : Fayard, 2010
- « Intermittence »,
Paris : Métailié, 2011 ;
Paris : Points (P2923), 2012
- « La chasse au
trésor », Paris : Fleuve noir,
2015 ; Paris : Pocket, 2016
- «
Noli
me tangere - Ne me touche pas »,
Paris :
Métailié (Bibliothèque italienne), 2018
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mise-à-jour
: 20 mai 2022 |
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