Papa, et chez nous, comment le Monde a-t-il été créé ?

Pour répondre à la question que lui posait sa fille de quatorze ans, Jean-Marc Pambrun a du réunir et tresser les fragments épars d'un récit menacé par l'oubli — quelques éléments en subsistaient fort heureusement dans les Mémoires de la reine Marau ¹, chez Teuira Henry ², Jacques-Antoine Moerenhout ³ et, pour la tradition propre aux îles Tuamotu, Charles Manutahi ⁴.

De ces « entrelacs récitatifs », surgit un récit qui privilégie la cohérence et l'accessibilité ; soucieux de répondre fidèlement à l'attente de sa fille, Jean-Marc Pambrun souhaitait en effet que le texte puisse toucher directement les jeunes Polynésiens d'aujourd'hui et « les familiariser à leur propre histoire … à travers le parler et la flexibilité de la langue qu'ils ont l'habitude d'employer » ⁵ ; la traduction en tahitien, due à Winston Pukoki, sert efficacement ce dessein.

« La naissance de Havai'i » ⁶, pourtant, peut retenir l'attention et toucher les lecteurs les plus éloignés du monde polynésien ; l'histoire qui s'y joue est universelle — l'écriture de Jean-Marc Pambrun porte avec élégance, simplicité et rigueur cette voix immémoriale.

1.	« Mémoires de Marau Taaroa, dernière reine de Tahiti » traduits et préfacés par sa fille, la princesse Takau Ariimanihinihi Takau Pomare, Paris : Société des Océanistes, 1971
2.	Teuira Henry, « Tahiti aux temps anciens », Paris : Sté des Océanistes, (1951) 1968
3.	Jacques-Antoine Moerenhout, « Voyages aux îles du grand océan », Paris : Adrien Maisonneuve, 1959
4.	Charles Teriiteanuanua Manu-Tahi, « Te Parau Huna O Te Ao Maohi = Le mystère de l'univers maohi », Papeete : Veia Rai, 1992
5.	Vahi Sylvia Tuheiava-Richaud, Préface, pp. 11-12
6.	Jean-Marc Pambrun a scindé en trois volets le récit de la genèse polynésienne : « La naissance de Havai'i » sera suivie d'une seconde partie consacrée à la naissance des dieux, des astres et des oiseaux et d'une troisième partie qui décrira l'apparition du premier être humain et de la lumière.

INCIPIT

Il y a des millions et des millions d'années, L'univers était plongé dans l'obscurité. L'obscurité noire, épaisse et perpétuelle. C'était le Pô, la grande nuit originelle. Il n'y avait ni terre, ni plantes, ni eau. Ni rochers, ni êtres humains, ni animaux Il n'y avait ni ciel, ni lune, ni soleil Rien n'était formé, le monde était en sommeil. Seule une sphère tournait dans l'immensité, Comme un œuf d'oiseau que le Pô aurait couvé Œuf unique et primordial, c'est Rumia, La coquille du premier dieu, Ta'aroa. Mai te pô 'a 'iu'iu mai E pô ana'e. E pô tinitini, e pô ta'ota'o 'O te pô ia. 'Aore e fenua, 'aore e râ'au, 'aore e vai 'Aore e 'ôfa'i, 'aore e ta'ata, 'aore e pua'a 'Aore e ra'i, 'aore e marama, 'aore e râ 'Aore e peu i tupu. E pa'a ana'e e ta'aminomino noa ra i roto i te 'âere Mai te hô'ê huero manu tâ te pô i 'ôfa'a mai 'O Rumia te i'oa o taua huero ra Te pa'a o te atua mâtâmua ra 'o Ta'aroa.