Tahiti aux
temps anciens / documents et notes réunis par le
Révérend J. M. Orsmond,
complétés et
édités par Teuira Henry ; trad. de l'anglais par
Bertrand
Jaunez ; préfaces de W.D. Alexander, E.D. Ahnne et J. Frank
Stimson ; index par Valérie Samouel et Alain Berga.
- Paris
: Société des Océanistes, 2004. - 722
p. ; 25 cm.
- (Publications, 1).
|
Au milieu du XIXe
siècle, le Révérend John M. Orsmond
(1784-1856) a
recueilli tout ce qui lui avait été
confié des « antiques
traditions de la race Tahitienne, les recueillant mot pour mot telles
qu'elles ont été transmises de
générations
en générations par les prêtres et les
conteurs » 1.
Ce document d'une
valeur inestimable a malheureusement disparu après avoir
été confié à
l'administration coloniale
française.
Teuira Henry (1847-1915),
petite-fille du pasteur, a consacré une longue part de son
existence à reconstituer ce travail en mobilisant ses
souvenirs
et les notes et documents prépatoires réunis par
son
grand-père. Le résultat a
été publié
en 1928 par le Bishop Museum d'Honolulu ; il constitue, avec
les
« Mémoires » d'Arii
Taimai et de Marau
Taaroa, l'une des sources les plus précieuses sur
la civilisation et l'histoire des îles de la
Société.
Mais Teuira Henry n'est pas un
témoin neutre ; élevée dans le respect
des valeurs missionnaires, elle pratique à l'occasion la
censure, coupant ou édulcorant, et se risque parfois
à des interprétations hasardeuses. On peut ainsi
déchiffrer, superposée au témoignage
sur l'âme de la Polynésie d'autrefois, une
histoire des interrogations voire des errements de l'occident au
contact d'une civilisation inconnue.
1. |
W. D. Alexander, Préface,
p. 8 |
|
ALAIN
BABADZAN :
Pour les Tahitiens d'aujourd'hui, le livre de
Teuira Henry fait autorité. Il est la source majeure, la
référence obligée d'une
quête des racines parfois militante, toujours nostalgique. De
ce point de vue, l'ouvrage n'a encore qu'un seul rival,
profondément constitutif de l'identité
polynésienne : la Bible. Et ce n'est pas un hasard
s'il arrive que les deux livres voisinent sur les rayonnages des
intellectuels polynésiens. Tous deux leur parlent de ce que
fut l'Origine.
[…]
☐
« Teuira
Henry et Tahiti », in Mythes tahitiens,
textes choisis et préfacés par Alain Babadzan
(Paris : Gallimard, 1993), p. 7.
|
EXTRAIT |
LE
BEAU REQUIN DE TA'AROA
(récité
en 1803 par Tamera, grand-prêtre tahitien et Pati'i, grand
prêtre de Mo'orea.)
L'homme
vécut sur la terre et les poissons vécurent dans
l'océan pendant longtemps au cours de la période
de
ténèbres, sans se faire de mal l'un à
l'autre. Il
existait alors un très beau requin bleu adoré de
Ta'aroa,
qui nageait près de la plage à marée
haute pour
s'y nourrir d'algues et jouait avec les enfants qui
s'ébattaient
dans l'eau. Le nom du requin était Irê (Gagnant de
prix) ;
il fut un jour transporté dans le Vai-ora-a-Ta'aroa (Eau
vivante
de Ta'aroa) qui est la voie lactée du ciel et son nom devint
alors Fa'a-rava-i-te-ra'i (Ombre du ciel). Voici comment
l'évènement se produisit :
Les Dieux
de la mer conseillèrent aux Dieux de la terre de se
méfier, car le requin allait manger les humains, et leur
firent
connaître que ce requin autrefois apprivoisé,
allait
dorénavant manger les enfants qui jouaient avec lui. La
jeunesse
du pays évitait donc de s'approcher du requin lorsque deux
frères connus pour leur bravoure, nommés
Tahi-a-ra'i
(Premier du soleil) et Tahi-a-nu'u (Premier des multitudes), se
renseignèrent auprès de leurs
aînés pour
savoir quand et où le requin s'approcherait du rivage. Ces
derniers leur répondirent :
« Lorsque la
marée sera haute il s'approchera de cette pointe ;
actuellement il attend dans le fond le moment de
venir. »
Sans s'effrayer, les deux frères
déclarèrent : « Eh
bien, nous
l'attendrons », et, après
s'être taillé
des lances de bois dur, ils se dirigèrent vers la pointe de
sable pour y rencontrer leur adversaire. La marée
étant
haute le requin s'approcha et se retournant sur la crête
d'une
vague, il ouvrit la gueule pour avaler le frère
aîné ; à ce moment Tahi-a-nu'u
lui
enfonça sa lance dans la gorge. Le requin brisa la lance en
refermant sa gueule et le frère aîné
essaya de le
transpercer à hauteur du cœur mais manqua son coup.
Le requin
donnait l'impression d'être mort et les jeunes gens
triomphants s'apprêtaient à le mettre en
pièces
avec leurs hachettes, lorsque tout à coup le requin fut
soulevé hors de leur atteinte et emmené au
Vai-roa-a-Ta'aroa, par Ta'aroa et Tu qui étaient fort
mécontents du traitement infligé à
leur requin
favori. Là, ils le ressuscitèrent et le
guérirent
de ses blessures.
☐
pp. 416-417 |
|
COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Ancient
Tahiti », Honolulu : Bernice P. Bishop
Museum (Bulletin, 48), 1928
- « Tahiti
aux temps
anciens », Paris : Sté des
études
océaniennes (Documents, 1), 1951
|
|
|
|
|
mise-à-jour : 9
juillet 2012 |
|
|
|