10ème édition du Prix du
Livre Insulaire (Ouessant 2008)
ouvrage
en compétition |
Francis Puara
Cowan, le maître de la pirogue polynésienne
— Tahua
va'a / Jean-Marc Tera'iuatini Pambrun ; préface
d'Olivier
de Kersauzon. - Papeete : Le Motu, 2007. -
143 p. :
ill. ; 23 cm.
ISBN
978-2-915105-45-2
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Qu'est-ce
que les dieux de la mer polynésiens ont murmuré
à l'oreille de Francis Cowan ?
☐
Olivier
de Kersauzon, Préface,
p. 10 |
Des Tuamotu aux Australes,
des îles Sous-le-Vent aux Cook et
à la Nouvelle-Zélande, Francis Cowan 1
trace un parcours rude, soumis aux caprices du vent et aux
humeurs des hommes, fertile en fortunes de mer. Mais l'errance
même contrariée est propice aux rencontres qui
enrichissent l'expérience et permettent la maturation d'un
projet — renouer avec
l'immémoriale
tradition des
navigations polynésiennes.
C'est
en second d'Eric de Bisschop que Francis Cowan participe au voyage de Tahiti Nui dont
l'objectif était de
“ démontrer qu'une embarcation primitive 2
pouvait, avec des navigateurs polynésiens, remonter
à
l'est ” pour atteindre l'Amérique du Sud
au
départ de Tahiti (6 novembre 1956). Une mer
déchaînée (creux de quinze
mètres) et des
rivalités au sein de l'équipage mettront terme
à
la tentative dans les parages des îles Juan Fernandez au
large de
Valparaiso (28 mai 1957). Sept mois passés en mer forgent
une
conviction : “ une pirogue double aurait pu
aller dans
cette direction beaucoup plus
rapidement ” ; un nouvel
horizon se dessine.
Dans les années qui
suivent, Francis
Cowan ne cesse
d'approfondir ses connaissances et son expérience en
recueillant
des Tuamotu aux îles Sous-le-Vent et aux Australes le
savoir-faire des constructeurs et des navigateurs :
près de
trente ans de formation en prélude à la
première
expédition dont il assume la maîtrise de bout en
bout, le
voyage de la pirogue Hawaiki
Nui, partie
de Mo'orea le 29 octobre 1985 à destination de Ra'iatea,
Rarotonga et la Nouvelle-Zélande — une
navigation
de
4 500 kilomètres effectuée en 71 jours
avec un
équipage de cinq membres (Francis Cowan, Alex Roper, Matahi
Brightwell, Rodo Parau et Graig Terepai Cuthers). L'embarcation et les
méthodes de navigation étaient absolument
identiques
à celles qu'utilisaient sur des itinéraires
comparables
les ancêtres de Francis Cowan et de ses compagnons sept
siècles avant l'arrivée des premiers
Européens
dans le Pacifique.
L'histoire pourrait
s'arrêter sur cet
exploit, alors que Francis
Cowan atteignait la soixantaine. Mais déjà se
précisait le projet Hawaiki
Nui II, une pirogue double aux dimensions
légèrement supérieures à
celles d'Hawaiki Nui destinée
à rendre hommage à Eric de Bisschop en reprenant
la route
de l'est. Dans son long entretien avec Jean-Marc Pambrun, Francis Cowan
octogénaire rend compte de l'avancement de la construction,
“ les coques sont partiellement
montées ”
et garde l'œil rivé sur l'objectif :
“ pour rallier Tahiti au Chili, Hawaiki Nui II couvrira
une distance d'environ 7 500 milles, et selon que les vents
seront
ou non favorables, le voyage devrait durer entre cinq et dix semaines.
Sans compter le retour vers Tahiti en passant par les Marquises. Et si
Dieu est avec nous, nous l'amènerons en
Nouvelle-Zélande ”.
1. |
Francis
Cowan est né le 6 mai 1926 à Pape'ete, d'un
père
moitié écossais moitié
polynésien,
né aux îles Cook, et d'une mère
originaire de
Huahine. |
2. |
Un radeau de bambou. |
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EXTRAIT |
Les
trois derniers jours de traversée [entre Ra'iatea et
Rarotonga],
nous étions dans la soupe : des gros grains, pas de
soleil,
pas d'étoiles, rien. Il fallait trouver coûte que
coûte l'île et je savais que de toute
façon, elle
n'était pas loin. Mais du fait de la pluie et du vent, il
s'était créé un
phénomène autour de
l'île. Dès qu'une masse d'eau touche
l'île, les
vagues se divisent, passent de chaque côté et
dégagent ainsi son centre. Il fallait donc essayer de
trouver le
milieu du faisceau de lames et, en le trouvant, je savais que nous
serions face au centre de l'île, d'autant que le vent
faiblissait, ce qui se sentait très bien. Pour moi,
c'était l'occasion de montrer à
l'équipage comment
on pouvait faire un
« atterrissage » sans voir
l'île. On arrivait tout doucement et à un moment
donné, j'appelle [Rodo Parau, qui avait les meilleurs yeux
de
l'équipage] pour essayer d'apercevoir la terre. Je savais
qu'on
était bien placé, mais impossible
d'évaluer la
distance. J'ai dit à Rodo :
« Ouvre l'œil,
c'est devant mais … » Et
là, comme il
n'avait pas vu la carte, il me demande si c'est une île
haute. Je
lui réponds : « Oui, c'est une
île haute.
Il y a deux pics qu'on devrait voir en premier ».
Une heure
plus tard, juste avant la tombée de la nuit, il me
crie :
« Hé, regarde en haut, on voit les deux
pics de
Rarotonga ». Peu après, on entrait dans
la rade. On
était tombé pile sur le port.
☐
Le voyage de Hawaiki
Nui, pp. 106, 113 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « L'Allégorie de la natte,
ou Le Tahu'a-parau-tumu-fenua dans son temps » bilingue :
Tahitien et Français, Papeete : éd. par
l'auteur, 1993
- « Le Sale Petit
Prince : Pamphlets blancs »,
Papeete : éd. par l'auteur, 1995
- « La
fondation du marae : La légende du scolopendre de
la mer sacrée »,
Papeete : éd. par l'auteur, 1998
- « La
nuit des bouches bleues »,
Moorea : Éd. de Tahiti, 2002
- « Triste
sauvage », in Riccardo Pineri (dir.), Paul Gauguin,
héritage et confrontations, Actes du
colloque international organisé les 6, 7 et 8 mars 2003 par
l'Université de la Polynésie
française, Papeete : Éd. Le Motu, 2003
- « Les Parfums du silence »
sous le pseudonyme d'Etienne Ahuroa, Papeete : Éd.
Le Motu, 2003
- « Huna, secrets de famille »,
Matoury (Guyane) : Ibis rouge, 2004
- « Le bambou noir »,
Papeete : Éd. Le Motu, 2005
- « La naissance de
Havai'i / Te ti-pu-ra'a 'o Havai'i »,
Papeete : Éd. Le Motu, 2006
- « Les
voies de la tradition », Paris :
Le Manuscrit, 2008
- « La lecture »,
Papeete : Le Motu, 2009
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Sur le site « île en
île » : dossier Jean-Marc Pambrun |
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mise-à-jour : 27
février 2011 |
Né à en 1953, Jean-Marc Tera'ituatini
Pambrun
est mort à Paris le 12 février 2011. |
Francis
Cowan
est mort le 4 janvier 2009 à Moorea.
Grande figure de la
navigation polynésienne, il rêvait encore,
à 82 ans, de reprendre la mer. |
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