Voyages aux îles du Grand
Océan, Contenant des documents nouveaux sur la
géographie physique et politique, la langue, la
littérature, la religion, les mœurs, les usages et
les coutumes de leurs habitans ; et des considérations sur
leur commerce, leur histoire et leur gouvernement, depuis les temps les
plus reculés jusqu'à nos jours — Le programme
annoncé par le titre développé de ce
volumineux ouvrages (plus de 1000 pages) est scrupuleusement
respecté. S'agissant d'un point de vue extérieur
— regard porté par un
étranger — sur le monde
polynésien, cette somme constitue aujourd'hui encore une
source de toute première importance.
C'est, en partie au moins, que le
travail de Moerenhout n'est pas celui d'une compilateur, ni
même celui d'un simple observateur, aussi vigilant soit il.
Moerenhout en effet a pris une part active à la vie des
îles, dans tous les domaines : politique, affaires
religieuses, commerce, activités culturelles. Il a connu
personnellement tous les acteurs de cette histoire. Il a beaucoup vu
donc et, pour la perspective historique, il a su
écouter.
Il disposait enfin d'une
sensibilité ouverte qui s'exprime, en bien des passages,
avec une vigueur rare dans ce type d'ouvrages. Son
témoignage sur les îles est
précieux : c'est celui d'un homme qui a
personnellement beaucoup navigué de l'une à
l'autre (Pâques, Pitcairn, Gambier, Tuamotu, Australes,
îles-du-Vent, îles-sous-le-Vent) à bord
de ces fameuses goélettes dont le souvenir est
resté vivace.
Tous ceux qui, par la suite, ont
écrit sur la Polynésie ont largement
emprunté à Moerenhout ; Gauguin
et Segalen entre
autres.
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JACQUES-ANTOINE
MOERENHOUT
: […]
J'avais fondé aux îles de la
Société un établissement de commerce
beaucoup plus étendu qu'aucun des établissemens
de ce genre qu'on eût vu, jusqu'alors, en ces lieux. Les
intérêts de ce commerce m'ont donné
occasion de visiter, en personne, dans quatre voyages
consécutifs, un grand nombre de ces
îles ; d'établir et d'entretenir des
relations continuelles sur presque tous les points de
l'Océanie, depuis Pitcaïrn et Gambier jusqu'aux
Fidji, et depuis la Nouvelle-Zélande jusqu'aux Sandwich.
Ayant eu, pendant plusieurs années, dans tous ces parages,
soit comme propriétaire, soit comme
intéressé, plusieurs navires, dont je dirigeais
les opérations d'O-taïti, ma résidence
habituelle, je me suis, nécessairement, trouvé au
courant de tout ce qui concerne ces îles même et
les peuples qui les habitent. J'ajoute que, dans mes
différentes visites à plusieurs de ces
localités, et pendant un séjour de
près de six années à O-taïti,
j'ai constamment fréquenté leurs
habitans ; et, souvent, tantôt par
nécessité, tantôt pour leur
être agréable, j'ai vécu absolument
à leur guise, mangeant à leur table, buvant
à leur coupe et dormant sous leur toit. Je me suis donc vu,
en quelque sorte, de force ou volontairement, initié aux
secrets de leur vie. N'ayant plus à se cacher de moi, ils se
montrèrent à mes yeux tels qu'ils
étaient. Leurs coutumes, leurs vertus et leurs vices me
devinrent également familiers ; et, non seulement
j'ai pu, mieux que personne, saisir toutes les nuances de leur
caractère et de leurs mœurs, mais encore des
liaisons intimes avec plusieurs de leurs principaux chefs, m'ont mis
à portée de recueillir les notions les plus
précises et les plus intéressantes sur leur
religion, leur gouvernement, leur histoire. Enfin, ayant
rencontré, dans mon voisinage à O-taïti,
un vieillard jadis grand-prêtre et harepo,
promeneur de la nuit, j'obtins de la bouche même de cet homme
extraordinaire, l'un des dépositaires officiels de leurs
anciennes traditions, l'explication fidèle et naïve
de quelques-uns de ces monumens précieux d'une
antiquité à laquelle on voudrait en vain remonter
par d'autres voies ; monumens qui jettent plus ou moins de
jour sur ce que furent jadis ces peuples, et qui développent
un systèmes religieux des plus piquans par son
ancienneté, sans le céder à aucun
autre par l'élévation des idées.
[…]
L'ouvrage se divise en trois parties.
Dans la première, sous le titre de Géographie,
je présente l'ensemble de mes observations les plus
importantes, faites sur les lieux, dans le cours des voyages successifs
dont il a été question plus haut.
La seconde présentera, sous le titre d'Ethnographie,
toutes les remarques que mon long séjour dans ces
contrées, et mes relations avec les habitans m'ont mis
à portée de recueillir, relativement à
leur langue, à leur religion et à leurs
mœurs.
La troisième, enfin,
résumera, sous le titre d'Histoire, les
faits les plus intéressans qui s'y sont passés,
dans l'ordre et avec les développemens plus ou moins
étendus que j'ai pu leur donner, en raison des renseignemens
rassemblés sur ce sujet, soit d'après des
ouvrages déjà publiés, soit de la
bouche des chefs et autres personnes du pays, les plus dignes de foi
sur cette matière.
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Préface, tome
premier, pp. VII-IX et XIV-XV
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