Mémoires de Marau
Taaroa, dernière reine de Tahiti / traduits et
préfacés par sa fille, la princesse Takau
Ariimanihinihi Takau Pomare. - Paris :
Société des Océanistes, 1971. -
294 p. ; 25 cm. - (Publications, 27).
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Tout
juste débarqué à
Papeete, Gauguin est présent aux obsèques du roi
Pomare V ; dans « Noa
Noa », il raconte sans apprêt sa visite au
palais :
« Je
vis la reine — Marau, elle se
nommait — orner de fleurs et
d'étoffes le salon royal. Comme le directeur des travaux
publics me demandait un conseil pour arranger artistement la salle, je
lui fis signe de regarder la reine qui avec ce bel instinct de la race
maorie pare gracieusement et fait un objet d'art de tout ce qu'elle
touche.
— Laissez-les faire, lui répondis-je.
Depuis
peu de temps
arrivé, en quelque sorte désillusionné
par des choses si loin de ce que j'avais désiré
et surtout imaginé, écœuré
par toute cette trivialité européenne,
j'étais en quelque sorte aveugle. Aussi je vis en la reine
déjà d'un certain âge une
épaisse femme ordinaire qui a de beaux restes. Ce
jour-là le côté juif dans son sang
avait tout absorbé. Je me trompais
singulièrement. Quand je la revis plus tard, je compris son
charme maorie ; le sang tahitien reprenait le dessus ; le souvenir de
son aïeul, le grand chef Tati, lui donnait à elle,
à son frère, toute cette famille en
général un côté vraiment
imposant. Dans ses yeux, comme un vague pressentiment des passions qui
poussent en un instant. » 1
1. |
« Noa
Noa », Paris :
Jean Jacques Pauvert, 1988 (p. 33). |
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Autrefois, les femmes de
Tahiti étaient le plus souvent tenues dans l'ignorance des
récits mythologiques et généalogiques
; un tabu rigoureux leur interdisait l'approche des
marae, lieux sacrés par
excellence. Ce sont trois femmes pourtant qui ont transmis l'essentiel
de ce qui subsiste du patrimoine mythique des îles de la
Société et de leur organisation
sociale : Teuira Henry dans « Tahiti aux temps anciens »,
ainsi qu'Arii Taimai,
la mère de Marau, et Marau, qui ont toutes deux
laissé des Mémoires.
Descendante par sa
mère d'une des plus illustres familles de Tahiti, la reine
Marau occupait un rang qui la mettait en contact direct avec les
racines de la civilisation polynésienne ; mais par
son père, elle avait reçu le meilleur de
l'enseignement occidental, ce qui fait de ses Mémoires
une passerelle entre deux mondes que bien des
intérêts opposaient et continuent à
opposer.
Enfin le témoignage
de la reine Marau, née en 1860 et morte en 1935, couvre une
période capitale de l'histoire tahitienne : mariage
avec le prince Ariiaue (futur Pomare V) en 1875,
décès de la reine Pomare (1877), annexion de
Tahiti par la France (1880), mort de Pomare V (1891), bombardement de
Papeete par une escadre allemande (1914), etc.
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PIERRE V. LAGAYETTE :
L'ouvrage (…) attirera, à plus d'un titre, l'attention de
tous ceux qui s'intéressent aux traditions et à
l'histoire de Tahiti. Ces Mémoires de la Reine Marau,
qui nous parviennent dans une traduction de la Princesse Takau Pomare,
peuvent être considérés comme le troisième
volet d'un triptyque dont les deux premiers seraient l'œuvre de
l'historien américain Henry Adams, à savoir les Memoirs of Marau Taaroa, Last Queen of Tahiti, parues en 1893 (…), et les Memoirs of Arii Taimai
(…), révision substantielle de l'édition de 1893,
publiée à Paris en 1901. A l'origine de ces trois textes
on trouve la Reine Marau qui passe aujourd'hui du rôle
d'intermédiaire à celui d'auteur. Il n'est plus question
de laisser à quiconque venu de l'étranger le soin
d'écrire l'histoire de Tahiti et de faire revivre pour nous son
étrange passé. Les Mémoires
nous présentent le point de vue le plus purement tahitien ;
et l'ouvrage de Marau, descendante des arii nui de l'île,
s'oppose ainsi aux visions “ extérieures ”
d'un Moerenhout, d'un Ellis
et de bien d'autres qui ne purent jamais pénétrer
complètement les mystères de l'organisation sociale ou
culturelle de Tahiti dont la structure profonde leur échappait.
(…)
→ Journal de la Société des Océanistes | 34 | tome 28 | 1972 [en ligne]
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
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mise-à-jour : 20
août 2013 |
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