La panse du chacal
/ Raphaël Confiant. - Paris : Mercure de France, 2004.
- 363 p. ; 21 cm.
ISBN 2-7152-2411-7
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Raphaël
Confiant a présidé
le jury du 5e Prix
du Livre Insulaire (Ouessant 2003)
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NOTE DE L'ÉDITEUR : Au XVe siècle, Christophe Colomb
avait baptisé les Antilles « Indes occidentales ».
Cet archipel vit déferler une multitude de peuples :
Amérindiens caraïbes remontant depuis les Guyanes,
Européens ayant bravé la Mer des Ténèbres,
Africains déportés dans les cales des bateaux négriers.
Un monde nouveau s'édifia autour d'un nouveau dieu, la
canne à sucre. Une fois l'esclavage aboli, il fallut faire
appel à des travailleurs sous contrat de la Chine, du
Congo, et surtout, les plus nombreux, de l'Inde : c'était
la rencontre des Indes orientales et des Indes occidentales.
Raphaël Confiant retrace
l'épopée de ces dizaines de milliers de « Coolees »
ayant fui leur pays de misère avec l'espoir d'une terre
promise. A travers deux générations de Dorassamy,
transplantés à la Martinique pour y couper la canne.
Ces Indiens, bien que voués aux gémonies par les
Nègres et les Mulâtres, surent résister,
inventant un art de la survie. A l'image d'Adhiyamân Virassamy,
enfui du Madurai où ses parents furent dévorés
par des chacals au cours d'une grande famine ; de Devi,
sa jeune épouse avec laquelle il affronta les pires tempêtes
pendant la traversée de l'Inde aux Antilles ; de
Vinesh, leur fils aîné, fils de la plantation, partagé
entre les valeurs indiennes et la frénésie du monde
créole. Autres figures marquantes : celle de l'Ancêtre,
gardien des textes sacrés, celle d'Anthénor, le
syndicaliste nègre ou de Théophile, l'instituteur
européen ! Un univers baroque admirablement servi
par la langue métisse de Raphaël Confiant, nourrie
de la poétique du créole et des mystérieuses
sonorités du tamoul.
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EXTRAIT |
La canne ne lâche jamais
le Nègre d'une semelle. Elle fait corps avec sa douleur
séculaire. La canne ne lâche jamais l'Indien. Elle
s'insinue au plus profond de ses songes, territoire de la nostalgie.
Alors, parfois, pris d'une rage incontrôlable, le premier
y allume des feux qui montent en flammes bleues jusqu'au firmament
et les yeux des Blancs se transforment en éclats de terreur.
Ils courent en tous sens, sonnent le tocsin, décrochent
leurs fusils, libèrent leurs chiens féroces, importés,
aux temps de l'antan, de l'île de Cuba, pressent leurs
femmes et leurs filles de s'enfuir en carriole avant de s'arc-bouter
aux derniers murs encore debout de leurs demeures. À Basse-Pointe,
fut ainsi décapité Patrice de Fabrique, un Blanc
même pas méchant que les vieilles Négresses
du temps de l'antan pleurèrent à larmes déployées.
Parmi les auteurs de cet acte inouï furent désignés
des Indiens, ô stupeur ! Une race si docile, si serviable,
et leurs femmes toujours prêtes à entrouvrir les
cuisses pour recevoir la semence des maîtres. Impensable,
n'est-ce pas ? Ils avaient marronné etcetera de jours
dans les bois épais de Morne Balai et Hauteurs Courbaril,
bouches cousues et gestes fatalistes. Jusqu'à ce soir
de maudition où, sans doute victimes d'une trahison, ils
furent cernés et ramenés dans l'En-Ville, ligotés
comme des bœufs-Porto-Rique. Un procès retentissant,
dont on n'eut ici que de vagues échos, y fut organisé.
Furent condamnés à mort : Hector Velaidomestry,
Fulbert Allamelou, Jean-Yves Mondésir, Patrice Latchoumia,
Raphaël Bonaventure. Indiens et Nègres placés,
pour une fois, sur le même plan. Dans les cases de Basse-Pointe
et de Macouba, on se mit à vanter les exploits oratoires
d'avocats mulâtres qui réussirent par miracle à
obtenir que l'affaire soit rejugée en la ville de Bordeaux
où les accusés furent blanchis. Ils revinrent ici
en héros mais furent aussitôt interdits d'embauche
dans les plantations. C'est que la canne est rancunière,
oui ! Elle se souvient des chapardeurs, des incendiaires,
de tous ceux qui ont versé le sang et se sont livrés
à elle, croyant y trouver un sûr refuge. La canne
a toujours été du côté du Blanc et
quand il arrive au Nègre et à l'Indien de l'oublier,
eh ben la peau de leurs fesses se trouve soudain mise à
l'air libre, foutre !
☐ pp. 92-93
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COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE | - « La panse du chacal », Paris : Gallimard (Folio, 4210), 2005
| - « Aimé Césaire, une traversée paradoxale du siècle », Paris : Stock, 1993 ; Paris : Écriture, 2006
- « La
Vierge du Grand Retour », Paris : Grasset,
1996
- « Dictionnaire des
Titim et Sirandanes », Petit-Bourg (Guadeloupe) :
Ibis Rouge, 1998
- « Régisseur
du rhum », Paris : Écriture, 1999
- « Jik
dèyè do Bondyé », Petit-Bourg
(Guadeloupe) : Ibis rouge, 2000
- « Le
Galion » photographies de David Damoison, Petit-Bourg
(Guadeloupe) : Ibis Rouge, 2000 — Prix du Livre Insulaire,
Ouessant 2000 (catégorie beaux-livres)
- « Nuée
ardente », Paris : Mercure de France, 2002
- « Le
Barbare enchanté », Paris : Écriture,
2003
- « Adèle
et la pacotilleuse », Paris : Mercure de
France, 2005
- « Dictionnaire créole martiniquais - français », Matoury (Guyane) : Ibis Rouge, 2007
- « Rue des Syriens », Paris : Mercure de France,
2012
- « L'enlèvement du mardi gras », Paris : Écriture, 2019
| Sur le site « île en île » : dossier Raphaël Confiant |
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mise-à-jour : 19 mars 2019 |
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