La grande drive des esprits /
Gisèle Pineau. - Paris : Le Serpent à
plumes, 1999. - 230 p. ; 17 cm. - (Motifs,
86).
ISBN 2-84261-130-6
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Gisèle Pineau a participé
(1999-2005) au jury du « Prix du Livre Insulaire »
d'Ouessant ; elle en a présidé la
première édition. |
Gisèle Pineau a
vécu sa jeunesse loin de la Guadeloupe, sauf pour de rares
et brèves incursions. Ces années d'exil sont
longues, exacerbées autant qu'adoucies par les
récits de sa famille.
Son premier grand
succès littéraire s'inscrit dans le mouvement du
renouveau caraïbe francophone — Chamoiseau,
Confiant, Glissant,
Pépin, … —
auprès desquels elle fait entendre une voix
originale et singulièrement déterminée.
La biographie de
Gisèle Pineau laisse penser que la Guadeloupe, telle qu'on
la découvre dans ses livres, est autant
rêvée que vécue. La terre, les gens, la
langue, tout porte la charge du rêve, les élans et
les désillusions de la vie. Au pied des mornes, tournant le
dos aux plages plus que jamais colonisées, femmes et hommes
naissent, vivent et meurent, se heurtent et se rejoignent. Violence et
tendresse sont indissociables, autant qu'ombre et lumière.
La vie à la
Guadeloupe est souvent tragique, mais on ne manque jamais une occasion
de rire : “ il faut rire de ses
propres malheurs pour donner une force au chemin qui s'en va sous des
bois inconnus ”.
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CATHERINE BÉDARIDA : Gisèle Pineau s'appuie
sur son expérience d'infirmière psychiatrique
dans un hôpital antillais : elle y frôle les
délires des esprits hantés par les croyances d'un
monde rural traditionnel.
[…]
Léonce, le paysan
de La Grande Drive des Esprits
[…], naît sous le double signe d'un
handicap, un pied bot, et d'un don surnaturel : il peut “ commercer
avec les défunts, écouter les paroles venues de
l'autre monde, et voir au-delà du
visible ”.
☐ Le Monde des poches, 4 juin 1999
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EXTRAIT |
Un matin, je décidai d'entrer au plus
profond des campagnes. Et je découvris là,
ô délice de photographe en herbe ! une
case plus que centenaire, agrippée comme un gligli
fiévreux au flanc d'un morne vert. Fulgurant
contraste ! Puissance du symbolisme ! La vie et la
mort rassemblées dans un dernier combat. J'ajustai mon
Rolex, réglai l'ouverture. Clic ! Clac !
je m'appropriai la vision exaltante et morbide. Au même
instant, derrière mon dos, une voix de colère
s'éleva soudain.
“ Qui es-tu toi ? Tu
as demandé la permission à quelle personne,
hein ? Tu as dans l'idée d'imiter les blancs qui
viennent ici pour photographier les chutes
là-haut ! Tu n'as pas de famille !
D'où viens-tu ? Qui est ta
manman ? ”
Effrayée, manquant de
trébucher, je me retournai aussitôt.
C'était une vieille femme rouge aux hanches
épaisses. Ses gencives portaient de noirs chicots. Sur sa
tête, qui ne connaissait pas la couleur d'une peigne, des
choux antiques dressaient des épingles comme des
épées. Elle arborait une robe laide et toute
déchirée, tachée par le lait de la
banane. Elle tenait un petit coutelas et ses yeux me hachaient menu.
Subitement, je ne sus pourquoi, sa colère disparut. Sa main
s'ouvrit. Le coutelas atterrit à ses pieds
maculés de boue. Et son visage luisant de sueur baigna dans
une eau sans ride.
☐ pp. 41-42
(éd. 1993)
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Une
antique malédiction » chapitre
de La grande drive des esprits (alors
inédit) in Le Grand cri caraïbe,
Le Serpent à plumes, n° 15, 1992
- « La
grande drive des esprits », Paris : Le
Serpent à plumes, 1993
- « La
grande drive des esprits », Paris :
Philippe Rey (Fugues), 2017
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- « Die lange Irrfahrt der
Geister » aus dem karibischen Franz. von Gunhild Niggestich,
Wuppertal : Peter Hammer, 1995
- « The drifting of spirits » translated by Michae Dash, London : Quartet books, 1999
- « Una
antigua maldición » traducción de Manuel
Serrat Crespo, Barcelona : Ediciones del Bronce, 1999
|
- « L'exil selon Julia »,
Paris : Stock, 1996 ; Librairie
générale de France (Livre de poche, 14799),
2000 ; HC éditions, 2006
- « L'âme
prêtée aux oiseaux »,
Paris : Stock, 1998 ; Librairie
générale de France (Livre de poche), 2001 ; Philippe Rey (Fugues), 2016
- « Chair piment »,
Paris : Mercure de France, 2002 ; Gallimard (Folio,
4033), 2004
- « Fleur de Barbarie »,
Paris : Mercure de France, 2005 ; Gallimard (Folio, 4569), 2007
- « Mes quatre femmes
», Paris : Philippe Rey, 2007
- « Morne Câpresse », Paris : Mercure de France,
2008 ; Gallimard
(Folio,
5008), 2010
- « Ady, soleil noir », Paris : Philippe Rey, 2021
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- Paola
Ghinelli, « Entretien avec Gisèle
Pineau », in Archipels
littéraires, Montréal :
Mémoire d'encrier, 2005
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Sur le site « île en
île » : dossier Gisèle
Pineau |
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mise-à-jour : 9 février 2021 |
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