Mes quatre femmes /
Gisèle Pineau. - Paris : Philippe Rey, 2007. -
184 p. ; 19 cm.
ISBN
2-84876-079-7
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Gisèle Pineau a participé
(1999-2005) au jury du « Prix du Livre Insulaire »
d'Ouessant ; elle en a présidé la
première édition. |
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La
mémoire est une geôle.
Là,
les temps sont abolis.
Là,
les morts et les vivants sont ensemble.
Là,
les existences se réinventent à l'infini.
☐ p.
7 |
“ Angélique,
Gisèle, Julia, Daisy ” … “ C'est
sûr, une parenté les lie ”, et
les lie
à Gisèle Pineau, d'un lien primordial, essentiel,
exigeant. Requise par une mémoire qui refuse le silence,
Gisèle Pineau explore donc, ici, les blessures de ses quatre femmes :
l'esclavage puis la violence conjuguale pour Angélique,
l'amour
meurtri pour Gisèle, l'exil et le désamour pour
Julia et
Daisy. Blessures qui tuent (Gisèle) ou qui,
surmontées,
font vivre (Angélique, Julia, Daisy) — Julia : “ j'ai
peut-être vécu trois jours de paradis pour vingt
mille
jours d'enfer et cent de purgatoire. Eh bien, j'ai pas l'once d'un
ressentiment. J'ai pas envie de troquer mon existence pour une autre.
Le pays Guadeloupe est devenu mien ”.
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NOTE
DE L'ÉDITEUR
: Qui parle en vous ? Qui vous raconte les histoires
qu'à votre
tour vous transmettrez ? Pour répondre à
ces
interrogations, Gisèle Pineau a choisi de remonter le cours
des
vies de quatre femmes. Celles qui l'on construite.
Angélique,
l'ancêtre esclave, qui connut les temps
perturbés de l'abolition puis du rétablissement
de
l'esclavage, gagna sa liberté et finit par
épouser le
Sieur Pineau. Julia, la grand-mère, profondément
attachée à son pays Guadeloupe, mais contrainte
à
l'exil pour fuir un mari trop violent. Gisèle, la
grand-tante
qui se laissa mourir de chagrin à vingt-sept ans,
après
avoir perdu son jeune époux. Et puis, Daisy, la
mère, qui
au plus gris de l'exil et de ses malheurs, se tint toujours debout pour
ses enfants et rêva sa vie dans les romans d'amour.
Avec son
livre le plus personnel — et peut-être le plus
émouvant —, Gisèle Pineau fait revivre
ses quatre
femmes dans la « geôle
noire » de la
mémoire. Quatre femmes, quatre époques de
l'histoire
antillaise, quatre inoubliables destins.
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EXTRAIT |
Un
éclair traverse la geôle.
Un
brouillard épais s'installe, coton blanc.
Les femmes
se hèlent, se cherchent à tâtons. Elles
pataugent dans le brouillard, se cognent les unes aux autres et
finissent par se rassembler dans un coin, apeurées.
Un jour
entier passe ainsi.
La nuit
vient et elles s'endorment, toutes ensembles, ne formant plus
qu'une seule créature femelle parée de huit
tétés, de quatre têtes, de bras et
jambes
emmêlés.
Au matin,
le brouillard s'en est allé, laissant dans l'air une
moiteur lourde et sur les murs des écrits du
passé. Des
affiches d'un autre temps, vitement collées aux murs, un peu
jaunies et brûlées sur le pourtour tels des
parchemins.
Daisy et Gisèle sont les premières à
ouvrir les
yeux. De quelle manière reconnaître les membres de
son
propre corps dans cet imbroglio de bras et jambes ? Avec mille
précautions, comme dans un jeu de jonchet, elles
soulèvent une main, extirpent un pied, retirent un bras,
ramènent une jambe et puis dégagent leur corps
tout
entier. Angélique n'a pas bronché, Julia a juste
un peu
grogné et enlacé plus serré
Angélique.
☐
pp. 167-170 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « La grande drive des esprits
», Paris : Le Serpent à plumes, 1993,
1999 ; Philippe
Rey (Fugues), 2017
- « L'exil selon Julia »,
Paris : Stock, 1996 ; Librairie
générale de France (Livre de poche, 14799), 2000 ; HC éditions, 2006
- « L'âme
prêtée aux oiseaux »,
Paris : Stock, 1998 ; Librairie
générale de France (Livre de poche),
2001 ; Philippe Rey (Fugues), 2016
- « Chair piment »,
Paris : Mercure de France, 2002 ; Gallimard (Folio,
4033), 2004
- « Fleur de Barbarie »,
Paris : Mercure de France, 2005 ; Gallimard (Folio, 4569), 2007
- « Morne Câpresse », Paris : Mercure de France,
2008 ; Gallimard
(Folio,
5008), 2010
- « Ady, soleil noir », Paris : Philippe Rey, 2021
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- Paola
Ghinelli, « Entretien avec Gisèle
Pineau », in Archipels
littéraires, Montréal :
Mémoire d'encrier, 2005
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Sur le site « île en
île » : dossier Gisèle
Pineau |
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mise-à-jour : 9 février 2021 |
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