NOTE DE L'ÉDITEUR : Les phares ont toujours fasciné. Dressés entre ciel et mer, affrontant les tempêtes, ces sentinelles de mer, ont un pouvoir évocateur à nul autre pareil. L'imaginaire qui les entoure est fait de coups de tabac, de nuits de veille, de cornes de brumes, de solitude et de vagues déchaînées. Ultimes bastions de pierre dans l'univers liquide, imperturbables pinceaux de lumière tournoyants, ils veillent sur les flots et rassurent le marin, pour qui le danger vient toujours de la terre

Mais les phares n'ont pas toujours été les veilleurs bienveillants que l'on connaît. Autrefois, il n'était pas rare que la lanterne du phare s'éteigne opportunément au passage d'un navire aux cales chargées de promesses  Et les paysans des îles n'hésitaient pas à se faire naufrageurs lorsque la disette menaçait 

D'Alexandrie aux rivages de Marseille, des côtes écossaises aux parages d'Ouessant, Charles Paolini nous raconte onze récits de phares qui nous transportent, à travers vingt siècles d'histoire, dans cet univers sauvage et solitaire. À l'heure où les derniers feux s'automatisent et où les gardiens ont regagné la terre, Charles Paolini nous replonge dans les grandes heures de cette épopée humaine formidable que fut l'aventure des phares.

Corse fasciné par la mer, Charles Paolini a tourné ses premiers films avec l'équipe Cousteau. Il a navigué avec Alain Colas et Eric Tabarly, et a participé à de nombreuses aventures sous-marines. Il a ainsi plongé à 2400 mètres sous la surface à bord de la soucoupe Cyana. Réalisateur, il a tourné des reportages pour « Cinq colonnes à la Une » et « Les coulisses de l'exploit », et une série avec Antoine, « Rêves océaniques ». Menant en parallèle une carrière d'auteur, il a publié de nombreux ouvrages, dont Les plus belles aventures de plongée aux éditions Glénat.

EXTRAIT

Il n'y a pas si longtemps, quand un chalutier rentrait de la pêche en Bretagne, dans le Finistère ou dans le Morbihan, il était souvent mené par un Kerloc'h, un Le Barf, un Quéméré. S'il s'alignait sur Armen et ses trois éclats blancs, sur la Jument et ses trois éclats rouges ou sur les Roches-Douvres, ou, face au redoutable passage du Fromveur, sur Kéréon, ou encore le Créac'h à Ouessant, il y avait toutes les chances pour qu'un de ces phares soit « gardienné » par un autre Kerloc'h, un autre Le Barf, un autre Quéméré. À moins que les deux hommes, le pêcheur et le gardien ne soient des Kerfriden. Et quand c'était Kerloc'h sur un bateau et Kerfriden au phare, c'était la même parenté ou la même famille : celle des gens de mer. Qu'ils soient plantés à la pointe du Raz, au bout du monde, en Corse, qu'ils soient gardiennés par des hommes ou des femmes, tous les feux demanderont toujours le même dévouement. Est-ce qu'un ordinateur gère l'abnégation ? ☐ pp. 213-214