La vie de Joséphin
le fou / Ananda Devi. - Paris : Gallimard, 2003. -
87 p. ; 21 cm. - (Continents noirs).
ISBN 2-07-070334-7
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Ananda Devi a
présidé le jury du 3e Prix du Livre Insulaire
d'Ouessant. |
NOTE DE L'ÉDITEUR : On
le dit monstre, on le dit mythe. On le dit légende sortie
des
sources volcaniques de l'île, esprit mauvais hantant les
cavernes
de roche. On l'appelle le pêcheur nu, l'homme anguille.
Joséphin le fou.
Il
est tout cela. Il est aussi l'enfant perdu que seule la mer accueille,
et qui apprend, avec ses créatures, la cruauté
minérale des grands fonds.
Il
est celui qui tente de capturer, dans le regard de deux petites filles,
la goutte de paradis qui y tremble.
Il
est celui qui détruit par innocence meurtrière.
Il
est, tout simplement, Joséphin.
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DOMINIQUE
BONA :
[…] C'est une histoire de terre que raconte Ananda Devi, ou
plutôt une histoire de terre et d'eau, de sable et de sel.
Une île, un océan, et au-dessus, en effet, ce ciel
d'un bleu intense, vide sidéral et qui ne promet rien, en
tout cas pas le bonheur éternel, aux personnages de cette
brève aventure : un homme, à demi-fou,
à demi-sauvage, ou qui passe pour tel aux yeux des habitants
de l'île, et deux fillettes, deux nymphettes, corps de femme
et cœur d'enfant.
[…]
La Vie de Joséphin
le fou
évoque tout un monde en moins de cent pages.
Poétique et secret, écrit comme dans un souffle,
il renoue avec la littérature des origines : les
mots y ont un sens très pur, des sonorités qui
font jaillir le sens, l'histoire tout entière est contenue
dans un art d'écrire aussi épuré
qu'inspiré.
[…]
☐
Le Figaro littéraire,
17 avril 2003
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EXTRAIT |
Trop longtemps, j'ai vécu loin des
hommes. Je sais plus comment faire.
Je suis sorti, j'ai plongé dans l'eau
à la bouche de la cave pour me retrouver dans la mer et les
laisser se calmer et me calmer aussi. Nager longuement, puissamment,
grandes brasses, grands coups de jambes pour bien labourer la mer, elle
se plaint pas, elle, elle a pas peur de moi, elle sait qui je suis,
elle me connaît, Joséphin qui ferait de mal
à personne, Joséphin aux mains qui donnent, aux
mains larges pour porter tellement de choses, porter les gros mulets
blessés hors du chemin des requins, et porter les petites
filles qui menacent d'être fracassées hors du
chemin de la vie, les porter toute ma vie, s'il le faut, sur mes
épaules, s'il le faut, serais prêt à le
faire, mais pourquoi elles peuvent pas comprendre tout ce qui en moi
est offert est donné est prêt à se
couper en deux pour elles prêt à se taillader les
tendons et les chevilles et les poignets, tout ce qu'elles voudraient
de moi, j'offrirais. Au bas, des fleurs de corail s'ouvrent rien que
pour moi, des algues s'agitent comme de grandes dames pleines d'envie,
ils ont tous envie de moi, même les anguilles qui ce
jour-là se sont glissées partout pour m'explorer
et qui m'ont pas fait mal, pourtant elles auraient pu, elles auraient
pu me mordre et me laisser tout saignant dans la boue et me manger bout
par bout mais elles l'ont pas fait, elles ont senti mon odeur, elles
ont respiré la mer en moi sur mon haleine sur ma langue et
elles sont devenues mes amies, je les tue juste pour manger pour
devenir un peu comme elles un peu elles, même les
murènes et les requins si dangereux, ils me sentent, ils
respirent ma présence et ils ont pas peur de moi et j'ai pas
peur d'eux, on se respecte, nu ou pas, on est pareil, enfants du
même corps, enfants de la même mer.
☐ pp. 58-59
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « La fin des pierres et des
âges », Rose Hill
(Maurice) : Éd. de l'Océan Indien, 1992
- « Le voile de Draupadi »,
Paris : L'Harmattan, 1993
- « Moi,
l'interdite », Paris : Dapper,
2000
- « Pagli »,
Paris : Gallimard (Continent noir), 2001
- « Soupir »,
Paris : Gallimard (Continent noir), 2002
- « Le long désir »,
Paris : Gallimard (Continent noir), 2003
- « Eve de ses décombres »,
Paris : Gallimard (Collection blanche), 2006
- « Indian tango », Paris : Gallimard (Collection blanche),
2007 ; Gallimard
(Folio, 4854), 2009
- « L'ambassadeur triste »,
Paris : Gallimard, 2015
- « Chiens noirs »
ill. de Jean-Marc Lacaze, Le Tampon, Antananarivo : Dodo vole,
2017
|
- « Trois
notes », in Jean-Luc Raharimanana
(éd.), Identités,
langues et imaginaires dans l'océan Indien,
Interculturel Francophonies, n° 4,
nov.-déc. 2003 (pp. 81-84)
- « État
de rage », in Nul n'est une
île : Solidarité Haïti
collectif sous la dir. de Rodney Saint-Éloi et Stanley
Péan, Montréal : Mémoire
d'encrier, 2004 (pp. 55-61)
- « Le
Val du retour », in Terra Kerguelensis Incognita
collectif illustré par
Catherine Bayle, Matoury (Guyane) : Ibis rouge, 2005
(pp. 33-39)
- « Bleu glace », in Nouvelles de l'île
Maurice présentées par
Pierre Astier, Paris : Magellan & Cie (Miniatures),
2007
- « Les prisonniers », in Escales en mer indienne, Paris : Riveneuve (Riveneuve continents, 10), 2009
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mise-à-jour : 15 janvier 2020 |
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