L'ambassadeur triste / Ananda
Devi. - Paris : Gallimard, 2015. - 192 p. ;
21 cm.
ISBN
978-2-07-014796-0
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Ananda Devi a
présidé le jury du 3e Prix du Livre Insulaire
d'Ouessant. |
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… sans
cette folie qui l'avait prise ce matin, c'est tout ce qu'elle aurait
vécu ici, la
lisière
de la réalité, et cela lui aurait suffi ?
☐
À l'aventure, p. 40 |
Dans la nouvelle qui ouvre le recueil, l'ambassadeur aux Indes d'un
pays de fjords et de
lave figée
rêve de son monde perdu et se laisse submerger par la
nostalgie : « Ce qu'il voyait ici, dans cet
autre
monde, c'était la poussière des hommes, et non
les hommes
eux-mêmes. C'était la couleur de la terre et non
l'histoire qu'elle racontait » (pp. 9-10).
Partout,
Ananda Devi révèle les frontières,
artificielles
ou bien réelles, qui isolent ses personnages du monde et de
la
vie — frontières tangibles
dressées par un
ordre social inflexible, frontières intimes crées
par la
peur, les habitudes, le conformisme.
Dans cet
univers
oppressé oppressant, les échappées
sont rares et
fragiles : Hélène connaît une journée solaire
qui fait espérer que l'éveil éruptif
de la déesse
durera plus qu'un instant ; ailleurs l'aventure,
née d'une rencontre hautement improbable, ouvre une
brèche : « Autre chose avait
survécu
à ce périple dans l'inconnu. Quelque chose
était
né … »
(p. 43).
Mais plus
souvent la lueur ne tremble qu'un court instant avant d'être
soufflée. Et quand la vie paraît suivre son
cours, ne serait-ce pas au prix du mensonge ?
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LYCÉE
FRANÇAIS DE DELHI :
(…)
Ananda
Devi est révoltée contre les règles et
les
interdictions, elle combat tout ce qui empêche de
découvrir, d'avancer et elle s'interroge sur la
quête de
soi : avons-nous une voie tracée,
imposée ?
Vivons-nous notre vie jusqu'au bout ou sommes-nous
emprisonnés
par notre société ? Sommes-nous
arrêtés
par les barrières qu'elle impose et qui nous rendent
certaines
choses impossibles ?
Sa
première nouvelle,
primée lorsqu'elle avait 15 ans, histoire d'une jeune fille
qui
doit abandonner ses rêves, soulève la question de
l'origine de son inspiration. Elle nomme alors Victor Hugo et Les Misérables
qu'elle aime pour la densité de l'histoire, mais aussi
Rimbaud
et Baudelaire pour la poésie et l'utilisation du langage. Le
concours auquel elle a participé lui a permis de
découvrir le genre de la nouvelle, notamment celles de
Maupassant et de Virginia Woolf. Cette dernière s'imaginait
les
histoires des personnes qu'elle rencontrait lors de ses voyages. C'est
là l'origine des nouvelles pour Ananda Devi :
décrire un moment de la vie de quelqu'un. Elle en a
d'ailleurs
imaginé une lors du festival de Jaipur, inspirée
par un
ambassadeur qui passait ses journées au
festival …
C'est de ses interrogations sur cet homme que naîtra
peut-être L'Ambassadeur
Triste ?
Vient
ensuite la question de la mer, très présente dans
ses
romans. Présence due à son enfance sur
l'île
Maurice. Petite île isolée, dont les habitants
sont
emprisonnés au milieu de la mer qui les retient mais qui est
également ce qui les relie aux continents.
(…)
☐
Pétronille (1ère L), janvier 2014 :
compte-rendu d'une rencontre avec Ananda Devi
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EXTRAIT |
Nous étions encore jeunes, Ehmet et moi.
Là-bas,
à Rarzha, près de la mer, nous avions une jolie
maison,
légère et aérée. Nous
n'étions ni
riches, ni pauvres. Comme tous les entre-deux, nous ne pouvions nous en
contenter. L'appel de la France était présent en
nous
tous au village depuis toujours. Peut-être parce que nous
faisions face à la Méditerranée, nous
regardions
vers l'ailleurs et notre cœur saignait d'envie. Les
côtes
invisibles de ces pays rêvés nous emplissaient
d'un besoin
qui se manifestait dès que nous esquissions nos premiers pas
dans le sable et que la houle s'avançait comme pour nous
dire viens. Viens,
là-bas tu connaîtras la splendeur des grands pays,
de ces
lieux de cocagne où l'argent se cueille comme des fruits sur
des
arbres d'or. Bien sûr, nous savions que la plupart de nos
compatriotes y menaient des vies stériles et serviles, qu'il
n'existait pas plus d'arbres d'or là-bas que chez nous, mais
c'était comme une maladie, une terrible contagion qui se
répandait, nous atteignait, nous terrassait. Nous ne
pouvions
faire autrement que de préparer le départ. Nous
étions un peuple en partance et rien ne retenait nos pieds,
hormis ces murs rehaussés de barbelés
qu'étaient
devenues les frontières entre les mondes.
☐
L'orchidée,
pp. 140-141 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « La fin des pierres et des
âges », Rose Hill
(Maurice) : Éd. de l'Océan Indien, 1992
- « Le voile de Draupadi »,
Paris : L'Harmattan, 1993
- « Moi, l'interdite »,
Paris : Dapper, 2000
- « Pagli »,
Paris : Gallimard (Continent noir), 2001
- « Soupir »,
Paris : Gallimard (Continent noir), 2002
- « La vie de Joséphin
le fou », Paris : Gallimard
(Continent noir), 2003
- « Le long désir »,
Paris : Gallimard (Continent noir), 2003
- « Eve de ses décombres »,
Paris : Gallimard (Collection blanche), 2006
- « Indian tango », Paris : Gallimard (Collection blanche),
2007 ; Gallimard
(Folio, 4854), 2009
- « Chiens noirs »
ill. de Jean-Marc Lacaze, Le Tampon, Antananarivo : Dodo vole,
2017
- « Ceux
du large - Afloat - Bann nwaye » trad. en anglais et en
créole mauricien par l'auteur, Paris : Bruno Doucey
(L'Autre langue), 2017
|
- « Trois
notes », in Jean-Luc Raharimanana
(éd.), Identités,
langues et imaginaires dans l'océan Indien,
Interculturel Francophonies, n° 4,
nov.-déc. 2003 (pp. 81-84)
- « État
de rage », in Nul n'est une
île : Solidarité Haïti
collectif sous la dir. de Rodney Saint-Éloi et Stanley
Péan, Montréal : Mémoire
d'encrier, 2004 (pp. 55-61)
- « Le
Val du retour », in Terra Kerguelensis Incognita
collectif illustré par
Catherine Bayle, Matoury (Guyane) : Ibis rouge, 2005
(pp. 33-39)
- « Bleu glace », in Nouvelles de l'île
Maurice présentées par
Pierre Astier, Paris : Magellan & Cie (Miniatures),
2007
- « Les prisonniers », in Escales en mer indienne, Paris : Riveneuve (Riveneuve continents, 10), 2009
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mise-à-jour
: 5 mars 2020 |
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