Variétés
de la mort / Jérôme Ferrari. - Ajaccio :
Albiana, 2001. - 195 p. ; 22 cm.
ISBN 2-905124-92-X
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Gardons-nous de dire que la mort serait
opposée à la vie.
La vie n'est qu'une variété de la mort, une
variété fort rare.
Friedrich
Nietzsche,
« Aphorisme 109, Mise en garde »,
Le Gai Savoir.
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Jérôme Ferrari illustre avec rigueur, au fil de neuf
nouvelles, le propos nietzschéen.
Dans Concepts
opératoires, le texte qui ouvre le recueil,
l'auteur évoque, non sans une forte dose
d'auto-dérision, son objet et sa
méthode : « la Corse
n'est pas du tout un cas particulier mais un merveilleux laboratoire
d'expérimentation de l'universel […]
vacuité et répétition y sont si
manifestes qu'il est inévitable de les affronter en pleine
lumière ».
Docteur en philosophie né à Fozzano,
le village qui a inspiré la rédaction de Colomba,
Jérôme Ferrari improvise dans une autre nouvelle
(intitulée Colomba, comme il se doit)
une variation burlesque sur le thème de Mérimée 1.
1. |
La revue Méditerranéennes
(n° 12, été 2001)
présente une traduction anglaise de cette nouvelle. |
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NOTE
DE L'ÉDITEUR :
Sept nouvelles qui s'entrelacent autour des vies sans gloire de nos
contemporains. Le théâtre ?
L'île et ses habitants qui vivent leur vie comme on construit
sa mort. Sans concession mais avec un humour acide rare, à
la dimension du propos.
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EXTRAIT |
Trajan était hypnotisé par
cette histoire de sœur qui pousse un frère amolli
par la vie française à venger leur
père assassiné. Une bonne partie des Grimaldi
avait péri dans le labyrinthe d'une
incompréhensible vendetta à la fin du XIXe
siècle et ce banal épisode familial n'avait
jamais provoqué en lui qu'un vague
dégoût du sang et un incommensurable ennui. Il
comprit subitement que son analyse était aveugle et que lui,
Trajan Grimaldi, n'avait pas su comprendre le souffle tragique,
l'incroyable beauté lyrique qui animait ces monotones
étripages rituels. Ainsi, tous ces morts étaient
dignes d'accéder au rang de héros de roman, (et
quel roman, mon Dieu !) et lui-même, Trajan, croyait
sentir sur ses épaules le souffle ténu de la
gloire que ses ancêtres défigurés lui
avaient déléguée. Il était
le seul, le dernier Grimaldi, et c'était à lui
que revenait, dans la mollesse de ce monde sans tragédie,
l'incroyable honneur de recréer un destin digne d'eux tous.
Il sortit de la bibliothèque, alla
trouver sa mère qui agonisait tranquillement dans une
chambre du cinquième étage, et lui
déclara fermement « Mère, je
crois qu'il est temps que je me marie ». La vieille
ouvrit les yeux, bondit hors de son lit de mort, s'habilla et affirma
avec toute l'énergie d'une race qui va survivre :
« Mon petit, j'aurai donc attendu trente-cinq ans
pour t'entendre prononcer une parole sensée. J'en suis
heureuse. Je m'occupe de tout. »
☐ Colomba,
pp. 85-86
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Variétés
de la mort », Arles : Actes sud,
2013, 2014
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- « Aleph zéro »,
Ajaccio : Albiana, 2002
- « Dans le secret »,
Arles : Actes sud, 2007
- « Balco
atlantico », Arles : Actes sud, 2008
- « Un
dieu un animal », Arles : Actes sud, 2009
- « Où
j'ai laissé mon âme », Arles : Actes sud, 2010
- « Fozzano »,
in Une enfance corse,
textes recueillis par Jean-Pierre Castellani et Leïla Sebbar,
Saint Pourçain-sur-Sioule : Bleu autour, 2010
- « Le sermon sur la chute de Rome », Arles : Actes sud, 2012
- «
Le principe », Arles : Actes sud, 2015
- «
Il se passe quelque chose », Paris :
Flammarion, 2017
- « À
son image »,
Arles : Actes sud, 2018
- « Les
mondes possibles de Jérôme Ferrari » entretiens
sur l'écriture avec Pascaline David, Namur : Diagonale,
Arles : Actes sud, 2020
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- Marcu
Biancarelli, « Prighjuneri =
Prisonnier » éd. bilingue trad.
du corse par Jérôme Ferrari, Ajaccio :
Albiana, 2000
- Marcu
Biancarelli, « San Ghjuvanni in Patmos =
Saint Jean à Patmos »
éd. bilingue trad. du corse par l'auteur,
Jérôme
Ferrari et Didier Rey, Ajaccio : Albiana, 2001
- Marcu
Biancarelli, « 51 Pegasi, astre virtuel »
trad. du corse par Jérôme Ferrari,
Ajaccio : Albiana, 2004
- Marcu
Biancarelli, « Extrême
méridien » trad. du corse par
Bernard
Biancarelli, Paul Desanti, Jérôme Ferrari et
l'auteur,
Ajaccio : Albiana, 2008
- Marcu
Biancarelli, « Murtoriu,
ballade des innocents » trad. du
corse par Jérôme Ferrari, Marc-Olivier
Ferrari et Jean-François Rosecchi, Ajaccio :
Albiana, 2012
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- Sarah
Burnautzki et Cornelia Ruhe (dir.), « Chutes,
ruptures et
philosophie : les romans de Jérôme
Ferrari », Paris : Classiques Garnier (Rencontres,
334), 2018
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mise-à-jour : 30 janvier 2020 |
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