Murtoriu,
ballade des innocents / Marc Biancarelli ; trad. du corse par
Jérôme Ferrari, Marc-Olivier Ferrari et
Jean-François Rosecchi. - Arles : Actes sud, 2012.
-
269 p. ; 22 cm.
ISBN
978-2-330-01012-6
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| En
langue corse, le mot murtoriu
revêt le double sens de
« glas » et
d' « avis de
décès ».
Quant
au mot baddata,
il n'a pas tout à fait le sens que l'on donne aujourd'hui en
français au mot
« ballade ». Une baddata,
c'est littéralement, un chant
funèbre …
☐ Note de l'auteur,
p. 6 |
Le
roman de Marc Biancarelli montre la mort à
l'œuvre. Mort
d'un monde ou, plus précisément, terme d'un ordre
ancien
— pas l'âge d'or, mais l'âge du pain
comme l'appelait Pasolini (p. 54). Après la
saignée de la Grande Guerre, ce pourrait n'être
qu'un
épisode rude mais inéluctable dans la marche du
progrès ou dans l'affrontement, non moins rude non moins
inéluctable, entre centre et
périphérie ;
mais un sens et des valeurs sont en jeu.Or
Marc-Antoine, Trajan,
Mansuetu ne sont pas résignés et s'obstinent
à
résister quand tous ou presque, autour d'eux, ont
oublié
d'où ils viennent et tentent de
composer avec les effets du tourisme industrialisé qui
pervertit
la tradition d'accueil, de la spéculation qui
démembre et
dénature la terre et de politiques (nationalisme des
dominants,
nationalisme des
dominés) tombées “ sous la
coupe de
conservateurs abrutis ” (p. 39).Quelques
pages
lumineuses suspendent brièvement, ici et là, ce
procès-verbal d'une agonie à l'issue trop
prévisible. Amitié. Evasion dans la montagne.
Pêche. Chasse. Souvenirs précieux dans l'exil
où
s'achève le récit ; de quoi trouver “ la
force de rester debout ” (p. 266) et
maintenir
l'espoir, contre toute raison. |
INCIPIT |
Les
Sarconi. Vingt-trois maisons si je regarde depuis ma terrasse, un peu
plus si je monte sur la Presa, le gros rocher qui nous sert de
belvédère. Un petit village blotti dans sa
coquille,
asphyxié entre les pins et les châtaigniers. Mille
mètres d'altitude. Du belvédère, je
vois les cimes
de la crête, les toits de deux ou trois maisons du Rutaghju
et,
juste en dessous, la descente vers la plaine, les limites de la
région, nous, on dit « les
Terres »,
au-delà, il y a la mer, les îlots et la Sardaigne
où je vois parfois briller les lumières des
villes et les
phares des voitures, quand le ciel nocturne est bien
dégagé. Quand il fait chaud, on ne voit plus rien
à l'horizon, rien qu'une espèce de brume trouble,
une
clarté, comme le signe qu'il y a là une
frontière.
Je ne passe pas mon temps, je le reconnais, à arpenter la
forêt pour vivre ma vie d'ermite des montagnes. Je suis un
ermite
sans en être un. Un homme de la campagne par hasard. Ou parce
que
l'Histoire prend plaisir à refermer les courbes du temps et
à entremêler malicieusement les destins, le destin
des
uns, celui des autres, et le mien au milieu. Je passe le plus clair de
mon temps à la maison, à taper sur le clavier de
mon
ordinateur, essayant d'écrirer quelque chose, ou
à
rêver devant les flammes du foyer parce que j'ai
renoncé
à écrire. Je m'appelle Marc-Antoine Cianfarini,
libraire
de mon état, et poète raté
à mes heures. Je
devrais également dire libraire raté, mais chaque
chose
en son temps.
☐ pp. 7-8 |
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ÉLÉMENTS
BIBLIOGRAPHIQUES |
- « Murtoriu,
o A baddata di Mansuetu », Ajaccio :
Albiana, 2009
- « Murtoriu,
ballade des innocents », Arles : Actes sud
(Babel, 1292), 2015
|
- « Viaghju
in Vivaldia », Corte : Le Signet, 1999
- « Prighjuneri / Prisonnier »
nouvelles traduites du corse par Jérôme Ferrari,
Ajaccio : Albiana, 2000 — Prix du
Livre Insulaire, catégorie fiction, Ouessant 2001
- « San Ghjuvanni in Patmos / Saint
Jean à Patmos » [nuvelli /
nouvelles], Albiana, Ajaccio, 2001 — Prix
du Livre Insulaire, catégorie fiction, Ouessant 2002
- « Parichji
dimonia », Ajaccio : Albiana, 2002
- « 51
Pegasi, astru virtuali », Ajaccio :
Albiana, 2003
- « 51 Pegasi, astre virtuel »,
Ajaccio : Albiana, 2004
- « Stremu
miridianu », Ajaccio : Albiana, 2007
- « Extrême
méridien », Ajaccio : Albiana,
2008
- « Vae
victis, et autres tirs collatéraux »,
Calvi : Materia scritta, 2010
- « Cosmographie :
chroniques littéraires, 2009-2010 /
Cusmugrafia :
cronichi literarii, 2009-2010 » trad. française
par
Olivier Jehasse, Alata : Colonna, 2011
- « Orphelins
de Dieu », Arles : Actes sud, 2014
- « Massacre des innocents »,
Arles : Actes sud, 2018
|
- « Le
poulpe, la langouste et la murène », in Ici
la Corse / Corsica calling, Mediterraneans /
Méditerranéennes, n° 12,
août 2001
- « La
Presqu'île des Pas Perdus », in Terra Kerguelensis Incognita collectif
illustré par Catherine Bayle, Matoury (Guyane) :
Ibis rouge, 2005
- «
Natio Borgo Selvagio », in Nouvelles
de Corse, textes choisis et
présentés par Pierre Astier, Paris :
Magellan (Miniatures), 2008
|
- Kevin Petroni, « L'adieu aux
aspirations nationales : crise des formes de vie dans la
littérature corsophone », Paris : Classiques Garnier
(Études de littérature des XXe et XXIe siècles,
90), 2020
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mise-à-jour : 2 octobre 2021 |
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