Dans le secret /
Jérôme Ferrari. - Arles : Actes sud,
2007. - 185 p. ; 22 cm.
ISBN
978-2-7427-6554-6
|
9ème
édition du Prix du Livre Insulaire : Ouessant 2007 |
livre en
compétition |
NOTE
DE L'ÉDITEUR :
Il y a bien longtemps que, toutes les nuits, Antoine, la quarantaine,
se défait de son costume d'époux et de
père de
famille modèles pour succomber, dans le bar dont il est
propriétaire en Corse, à la tentation de l'alcool
et,
bien souvent, du sexe — au plus loin de l'amour.
Prononcée
par sa femme,
« l'immaculée »
Lucille, au beau milieu
d'une étreinte conjugale à laquelle il l'a
forcée,
une phrase énigmatique va, un matin, faire exploser tout
l'hypocrite dispositif sur lequel repose son existence, et le
contraindre à un impossible examen de conscience. Dans son
désarroi, Antoine se tourne alors vers Paul, son
frère
cadet, qui vit, clochardisé, dans la maison de village
familiale
où il s'est retiré après avoir
naufragé
lors d'une expérience parisienne
calamiteuse …
Frères
de sang et désormais frères en
désastre, tous deux s'interrogent, chacun à sa
façon, sur la nature du destin qui leur a
été fait
— peut-être par la « maladie
insulaire » qui enfièvre les puissances
de la
mémoire, substituant le délire de ses images
à la
prise en compte des catastrophes bien réelles qui, au
présent, menacent …
Sur les
murs que la filiation érige entre les êtres, sur
la toxicité des obsessions qui s'entretiennent sous le
dangereux
gouvernement de l'esprit d'un lieu — l'île aux
sombres
secrets enfouis dans la splendeur des paysages —, sur la
rémanence du sacré et les tentations du
mysticisme, sur
l'impossible choix entre sexualité païenne et
vénération amoureuse, sur les noces, enfin,
à
jamais contrariées, entre l'esprit de l'homme et le monde
qu'il
habite, Jérôme Ferrari propose, avec ce roman
ardent et
rebelle, une variation somptueuse.
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EXTRAIT |
Lucille
Poli a deux ans de plus que lui. Pendant l'adolescence, ces deux
années ont représenté une distance
infranchissable, celle qui sépare
irrémédiablement
l'impossible du réel — Lucille passait sur la
place de la
fontaine, altièrement cambrée et souple, avec sa
chevelure mate et des amies qui riaient avec elle dans la nuit
d'août, et elles condescendaient à peine
à saluer
le groupe d'Antoine. En tripotant des filles près du
cimetière, quand il découvrait chaque jour des
bizarreries anatomiques à mille lieues de ses fantasmes
ignorants, il pensait souvent à Lucille, non pas pour
l'imaginer
à la place de la fille qui haletait contre lui et
écartait les jambes en détournant le regard
pendant qu'il
tentait de visualiser ce que touchait et meurtrissait sa main, mais
pour fuir partiellement cette étreinte et laisser errer la
plus
belle partie de lui-même dans un monde où les
filles rient
chastement dans la nuit d'août, se cambrent avec arrogance,
ont
de merveilleux entrejambes de poupée lisses et propres et ne
portent pas d'appareil dentaire. Il n'est jamais venu à
l'idée d'Antoine de faire des avances à Lucille.
Qu'elle
soit issue d'une famille de notables qui a employé et
exploité ses propres aïeux ne le gêne
pas. Mais elle
lui paraît définitivement trop lointaine, d'une
nature
radicalement différente, gardienne d'un trésor
sans
commune mesure avec ce qu'il peut espérer des filles et
qu'il
recherche d'ailleurs activement. Elle est splendide, mais d'une
splendeur impalpable de métaphore.
☐ p. 67
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Dans
le secret », Arles : Actes sud (Babel, 1022),
2010
|
- « Varitétés de la
mort », Ajaccio : Albiana, 2001
- « Aleph zéro »,
Ajaccio : Albiana, 2002
- « Balco
atlantico », Arles : Actes sud, 2008
- « Un
dieu un animal », Arles : Actes sud, 2009
- « Où
j'ai laissé mon âme », Arles : Actes sud, 2010
- « Fozzano »,
in Une enfance corse,
textes recueillis par Jean-Pierre Castellani et Leïla Sebbar,
Saint Pourçain-sur-Sioule : Bleu autour, 2010
- « Le sermon sur la chute de Rome », Arles : Actes sud, 2012
- «
Le principe », Arles : Actes sud, 2015
- «
Il se passe quelque chose », Paris :
Flammarion, 2017
- « À
son image »,
Arles : Actes sud, 2018
- « Les mondes possibles de Jérôme Ferrari » entretiens
sur l'écriture avec Pascaline David, Namur : Diagonale, Arles : Actes
sud, 2020
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- Marcu
Biancarelli, « Prighjuneri =
Prisonnier » éd. bilingue trad.
du corse par Jérôme Ferrari, Ajaccio :
Albiana, 2000
- Marcu
Biancarelli, « San Ghjuvanni in Patmos =
Saint Jean à Patmos »
éd. bilingue trad. du corse par l'auteur,
Jérôme
Ferrari et Didier Rey, Ajaccio : Albiana, 2001
- Marcu
Biancarelli, « 51 Pegasi, astre virtuel »
trad. du corse par Jérôme Ferrari,
Ajaccio : Albiana, 2004
- Marcu
Biancarelli, « Extrême
méridien » trad. du corse par
Bernard
Biancarelli, Paul Desanti, Jérôme Ferrari et
l'auteur,
Ajaccio : Albiana, 2008
- Marcu
Biancarelli, « Murtoriu,
ballade des innocents » trad. du
corse par Jérôme Ferrari, Marc-Olivier
Ferrari et Jean-François Rosecchi, Ajaccio :
Albiana, 2012
|
- Sarah
Burnautzki et Cornelia Ruhe (dir.), « Chutes,
ruptures et philosophie :
les romans de Jérôme Ferrari »,
Paris : Classiques Garnier (Rencontres,
334), 2018
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mise-à-jour : 30 janvier 2020 |
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