La
« Pléiade » de
Saint-John Perse : la
Poésie contre l'Histoire / Renée Ventresque. -
Paris : Classiques Garnier, 2011. - 442 p. :
ill.,
facsim. ; 24 cm. - (Etudes de littérature
des XXe
et XXIe
siècles, 15).
ISBN
978-2-8124-0224-1
|
|
Allez,
c'est une belle histoire qui s'organise là
[…].
☐
Éloges, IX
— cité p. 334 |
Le 20 avril 1965, au Palazzo
Vecchio de Florence, Saint-John Perse prononce le discours inaugural du
VIIe
Centenaire de Dante. Il y salue le créateur
« d'une
œuvre, en poésie, d'un aussi haut vouloir et
d'aussi haute
conception » 1
et, comme en s'inscrivant dans une filiation, édicte ce qui
semble une leçon :
« d'où l'exigence, en
art, d'une œuvre
réelle et pleine, qui ne craigne pas la notion
d' " œuvre ", et d'œuvre
" œuvrée ", dans sa
totalité, impliquant
d'autant plus d'assistance du souffle, et de force organique,
d'élévation de ton et de vision,
au-delà de
l'écrit, pour la conduite finale du thème
à sa
libre échéance » 2.
Une
« œuvre … œuvrée,
dans sa totalité » — comment
mieux qualifier le recueil des Œuvres
Complètes du poète,
publié en 1972 dans la collection la Pléiade de
Gallimard ? De la Biographie
en ouverture à la Table [des
matières], tout a été soigneusement
pesé en
vue de l'édification d'un monument voué
à
l'immuable, fruits de choix mûrement concertés,
d'innombrables amendements, d'omissions
délibérées, de subtils
agencements :
« l'auteur … ne s'est pas
contenté de tout
diriger. Comme le Poète mis en scène dans Amers, il
a " pris charge de l'écrit ",
" s'est offert
à rédiger le texte et la
notice … ",
" y ayant seul vocation ". Plus
concrètement, il a
décidé de l'architecture de l'ouvrage,
conçu une
biographie, mis sur pied l'apparat critique ; il a
également retouché ou imaginé une
partie de sa
correspondance, organisé la bibliographie et la table des
matières. Il a même choisi son masque
sculpté par
un artiste hongrois pour la couverture du volume » 3.
L'étude de
Renée Ventresque explore les coulisses
de cette création sans précédent,
éclaire
les ressorts mis en œuvre et la visée qui
constamment
l'inspire et la sous-tend. On y trouve nombre
d'éléments
pour conforter le soupçon d'un dédoublement de
personnalité — opposant le
poète au
diplomate en prise avec les affaires du monde —,
mais
l'enquête porte au-delà d'une
dénonciation déjà largement
exposée et
documentée par ailleurs. Les différentes
composantes des Œuvres
complètes
sont méthodiquement confrontées à
leurs sources,
aux circonstances de leur création, aux échos
consécutifs à leur première parution
et aux
rencontres — littéraires (Auden, Claudel,
Conrad,
Gide, Jammes, Segalen, Tagore,
Valéry, …) ou
politiques (Berthelot, Blum, Briand, De Gaulle, Hammarskjöld,
Kennedy, …) — qui ont
marqué voire
infléchi le parcours de l'auteur.
Cette mise
en perspective donne la mesure d'une œuvre toujours en
quête d'accomplissement ; la
réécriture,
avec ses fréquents excès, est gage de
fidélité plus que de trahison.
Fidélité au
temps de l'enfance en Guadeloupe — le futur
poète y
« reçoit, à huit ans, son
premier cheval, sa
première barque, et sa première lunette
astronomique » 4.
Dix ans plus tard, quand n'en finit pas de commencer ce qui sera
vécu à la manière d'un
irrémédiable
exil, il relate d'un ton égal la rencontre
à Orthez de Paul Claudel « qui lui offre
un exemplaire de son Ode :
Les Muses »,
et celle « en haute montagne désertique,
d'un oiseau
solitaire qu'il ne devait plus jamais revoir, mais dont le souvenir ne
pourra s'effacer de sa mémoire » 5.
Ainsi s'exprime, au fil des pages de ces Œuvres
complètes
recomposées, la recherche de cohérence et
d'harmonie, des
sentiments éprouvés, à l'aube d'une
vie, sur une
rive exposée au flux perpétuel de la mer. Cette
présence habitera avec intensité chaque instant
de la vie
de l'exilé voué
« à ce double mouvement, d'un arrachement
premier,
puis d'un retour, à l'être, pour la
réintégration de l'unité
perdue » 6.
1. |
Saint-John Perse, «
Discours de Florence
», in Œuvres
complètes, Paris : Gallimard (La
Pléiade), 1972, p. 450 |
2. |
Saint-John Perse, ibid.,
p. 453,
cité par Renée Ventresque, p. 415 |
3. |
Renée
Ventresque, Avant-propos, p. 14 |
4. |
Saint-John Perse,
« Biographie », in Œuvres
complètes, Paris : Gallimard (La
Pléiade), 1972, p. XI,
cité par Renée Ventresque, p. 130 |
5. |
Saint-John Perse, ibid.,
p. XIII,
cité par Renée Ventresque, p. 142 |
6. |
Saint-John Perse, «
Discours de Florence », ibid., p. 453 |
|
SOMMAIRE |
Avant-propos
PREMIERE PARTIE
LA
« PLEIADE » EN CHANTIER
Introduction
Un rêve de « Gaston »
Cette longue et patiente entreprise
Edition et création
- D'un
plan l'autre
- Les
rogatons d'Alexis Leger
- Les
fruits du long souci
Annexe
- Documents I
à VIII
- Fac-similés
des états du plan de la
« Pléiade »
DEUXIEME PARTIE
LA VIE COMME UN POEME
Introduction
Ecrire sa « biographie »
- Cette
« Pléiade » doit
être homogène
- La
Légende dorée de Saint-Leger Leger alias Alexis Leger alias Saint-John
Perse
- Italies
Inventer
sa correspondance
- La
chute du Cygne d'Orthez
- Le
procès de l'orientalisme
- Préludes
aux « Lettres d'Asie »
TROISIEME PARTIE
LES ENJEUX LITTERAIRES ET
IDEOLOGIQUES DES « LETTRES
D'ASIE »
Introduction
Cinq ans à la Chine ou comment fabriquer sa
différence
- Ni
Claudel ni Segalen
- L'ellipse
et le bond
Dans
les steppes de l'Asie centrale
Un Occidental en Chine
- Le
sixième sens
d'« Alexis »
- Je
suis homme d'Occident et n'ai jamais fumé l'opium
- Toutes
sortes d'hommes dans leurs voies et façons
Saint-John
Perse conteur. L'enlèvement au sérail
QUATRIEME PARTIE
POESIE ET POLITIQUE
Introduction
La confection des « Témoignages
politiques »
Briand, un avatar du « Prince »
- Ils
s'entendirent dès qu'ils se regardèrent
- Et
d'une seule houle très prospère
- Amitié
du Prince
Le
« Poète » contre
l'« Usurpateur » (De Gaulle)
- Je
ne suis pas M. de Chateaubriand et je n'ai pas affaire à
Napoléon
- Puisque
tous les droits sont trahis
- Et
j'ajoute à ma lyre une corde d'airain
CINQUIEME PARTIE
AUTOPORTRAIT
Introduction
Un cœur qui bat américain
- Vents, un message
« américain » pour le
Vieux Monde
- Amère
Amérique
Réponses
à des actes d'accusation
- Le
« Poète » dans la
mêlée
- Paulhan
le « justicier » et
« Perse » l'ingrat
Mésintelligences
- Le
fantôme de Maurras
- Un
Celte en Méditerranée
Conclusion
Bibliographie
Index nominum |
|
COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- Saint-John
Perse, « Œuvres
complètes », Paris : Gallimard
(La Pléiade), 1972, 1982
- Saint-John Perse, « Images à Crusoé », in Éloges [suivi de] La Gloire des rois, Anabase, Exil, Paris : Gallimard (Poésie, 14), 1967
- Saint-John
Perse, « Croisière
aux îles Eoliennes (Aspara) 13-31 juillet 1967
», Paris : Gallimard (Cahiers Saint-John
Perse, 8-9), 1987
|
- Renée
Ventresque, « Les Antilles de Saint-John
Perse :
itinéraire intellectuel d'un
poète »,
Paris : L'Harmattan (Critiques
littéraires), 1993
- Renée
Ventresque, « Le songe antillais de Saint-John
Perse », Paris : L'Harmattan (Critiques littéraires), 1995
- Renée
Ventresque, « La méditation de Gauguin
dans les
premiers poèmes de Saint-John Perse », in
Riccardo
Pineri (dir.), Paul Gauguin :
héritage et confrontations, actes
du colloque organisé par l'Université de la
Polynésie française (mars 2003),
Papeete : Le Motu,
2003
- Renée
Ventresque,
« Saint-John Perse dans sa
bibliothèque »,
Paris : Honoré Champion (Littérature de notre
siècle, 31),
2007
|
- Colette
Camelin, « Saint-John
Perse : l'imagination créatrice »,
Paris : Hermann, 2007
- Colette
Camelin et Catherine Mayaux, « Saint-John Perse »,
Paris, Roma : Memini (Bibliographie des écrivains
français, 26), 2003
- André
Claverie, Samia Kassab-Charfi, Jean
Bernabé et Raphaël Confiant,
« Saint-John Perse ou la
créolité
marginalisée », Schoelcher : CRILLASH (Archipélies, 1), 2010
- Laurent
Fels, « Saint-John
Perse : Images à Crusoé »,
Paris : Le Manuscrit, 2005
- Mary
Gallagher, « La
créolité de Saint-John Perse »,
Paris : Gallimard (Cahiers Saint-John Perse, 14), 1998
- Samia
Kassab-Charfi et Loïc Céry (éd.),
« Saint-John
Perse : Atlantique et Méditerranée »
actes du colloque organisé à
l'université de Tunis
en avril 2004, Paris : L'Harmattan (La nouvelle Anabase, 3),
2007
- Henriette
Levillain, « Une lecture de Vents de Saint-John
Perse », Paris : Gallimard
(Cahiers Saint-John Perse, 18), 2006
- Renaud Meltz,
« Alexis
Léger dit Saint-John Perse »,
Paris : Flammarion, 2008
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mise-à-jour : 25 octobre 2022 |
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