Saint-John
Perse : l'imagination créatrice / Colette Camelin.
-
Paris : Hermann, 2007. - 181 p. ;
24 cm. -
(Savoir : Lettres).
ISBN
2-7056-6617-0
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J'ai
vu sourire aux feux du large la grande chose
fériée : la
Mer en fête de nos songes, comme une Pâque d'herbe
verte et
comme fête que l'on fête,
Toute
la Mer en fête des confins, …
☐
Amers |
«
Mon œuvre tout entière (…) a toujours
évolué hors du lieu et du
temps » a dit et
redit Saint-John Perse, précisant à l'attention
de Pierre
Mazars : « gardez
votre emprise au sol et
bâtissez (…) une œuvre hors du temps,
hors du
lieu » 1.
Libre d'attaches circonstantielles trop étroites, le
poème ne se déploie pourtant pas dans
l'abstraction.
L'enquête
de Colette Camelin sur l'imagination à
l'œuvre dans la poésie de Saint-John Perse
éprouve
l'écart entre une impérieuse volonté
de
présence au monde — « gardez
votre emprise au sol » —
et le rejet d'une adhésion sans réserve
à
l'éphémère de la vie
sociale ; elle
éclaire la tension entre ces deux aspirations et
désigne
une voie : « L'imagination
disperse les bornes
frontalières, ouvre à des vies lointaines dans le
temps
et l'espace (…). Les conquérants d'Anabase, les conquistadores de Vents, (…) les navigateurs
d'Amers,
tous sont des figures du poète, contemplant en imagination
la
diversité infinie des civilisations présentes et
passées »
(pp. 94-95).
Que cet élan ait
à voir avec les tribulations de qui est
né dans la « corbeille
antillaise » et
mort face aux îles de la côte varoise 2,
est indéniable — si l'on n'omet l'aspiration
évoquée dans une lettre à Gabriel
Frizeau, « vers
ces " pays " où nous ne cessons jamais de
vivre …
Îles ! » 3
qui assigne un sens à la vie et à
l'œuvre ici inextricablement mêlées.
La tension qui anime la
poésie de Saint-John Perse s'exprime
avec la plus vive acuité dans le rythme — que
Colette
Camelin examine au dernier chapitre de son étude,
« L'imagination comme processus
poétique » : sous chaque
illustration et
derrière chaque commentaire s'entend le roulement
obstiné
de la vague océane. L'auteur en avait pleine conscience,
parlant
de « ses
allitérations, ses assonances et ses incantations
(astreintes
parfois au rythme de la vague) » 4 ;
Julien Gracq lui en fit grief — « toujours la
même cantilène
océanique » 5.
Mais Colette Camelin souligne l'accord de la forme au propos qu'elle
porte : « il
s'agit d'accorder le rythme du poème à celui du
vent, des
pluies, de la mer et à celui du désir
humain » (p. 159).
Saint-John Perse n'aurait pas
renié cette connivence. La biographie autorisée qui
ouvre les Œuvres
complètes évoque les ascendants du
poète qui, «
tenant géographiquement l'Atlantique pour un
" continent " plus que pour une
" mer ", y virent
plus un " habitat " qu'un environnement » —
et, « à
la question : " D'où êtes-vous,
de quel
pays ? " ils n'eussent point
répondu : " De
telle ou telle île ", mais :
" D'Atlantique. " Un Saint-Leger Leger naissait
d'Atlantique
comme on naît d'Europe ou d'Amérique. Il y
reconnaîtrait toujours le masque de son
destin. » 6
1. |
Interview publiée dans le Figaro littéraire
du 5 novembre 1960, reprise dans les Œuvres
complètes, Paris : Gallimard (La
Pléiade), 1989 (p. 576) |
2. |
Il
faudrait encore citer les nombreuses îles qui jonchent
l'aventure
terrestre et littéraire de Saint-John Perse :
îles de
la « mer intérieure »
du Japon, Hawaii,
Samoa, Fidji, Seven Hundred Acre Island où il
rédige Vents,
Key West, Sanibel et Captiva en Floride, Saint Thomas et Saint John
(U.S. Virgin islands), Bahamas, Monhegan, Tobago, Nevis, Terre-Neuve,
Anticosti dans le golfe du Saint-Laurent, la Terre-de-Feu, la Barbade,
Cumberland island, Elbe, Capria, Monte Cristo, la Grenade, les
îles Eoliennes, l'île Milliau résidence
d'Aristide
Briand face à Trébeurden … |
3. |
Lettre du 7 février 1909, in Œuvres
complètes (p. 740) |
4. |
Lettre du 9 septembre 1941 à Archibald
MacLeish, in Œuvres
complètes (p. 548) |
5. |
« En lisant en
écrivant », Paris :
José Corti, 1988 |
6. |
Œuvres
complètes, p. XL |
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SOMMAIRE |
Introduction
- L'éveil
de l'imagination
- L'imagination
et le souffle vital
- L'imagination
créatrice et la science
- “ Cet
infini encore dans l'humain ”
- Imaginer
l'histoire humaine
- L'imagination
comme processus poétique
Conclusion
L'honneur
de l'homme est de créer non des ailleurs imaginaires, des
mondes
artificiels, mais des poèmes qui accompagnent et
entraînent la course de l'humanité
“ sur son
angle ” vers des œuvres à venir
où
brillera “ l'étincelle du
génie ” :
L'aventure
est immense et nous y pourvoirons. C'est là le fait de
l'homme. (Sécheresse,
OC,
p. 1400)
☐
p. 172
Bibliographie |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- Colette
Camelin, « Éclat des
contraires : la poétique de Saint-John
Perse », Paris : CNRS éd., 1998
- Colette
Camelin et Joëlle Gardes-Tamine, « La
rhétorique profonde de Saint-John
Perse », Paris : Honoré
Champion, 2002
- Colette
Camelin, Joëlle Gardes-Tamine (dir.), Catherine Mayaux,
Renée Ventresque (et al.), « Saint-John
Perse sans masque : lecture philosophique de
l'œuvre », Poitiers : Maison des
sciences de l'homme et de la société (La
Licorne), 2002 ; Rennes : Presses universitaires de
Rennes, 2006
- Colette
Camelin et Catherine Mayaux, « Saint-John Perse »,
Paris, Roma : Memini (Bibliographie des écrivains
français, 26), 2003
- Colette
Camelin et Joëlle Gardes-Tamine,
« Saint-John Perse, Vents, Chronique, Chant pour un
Equinoxe », Neuilly : Atlande,
2006
- Colette
Camelin (éd.), « Exotisme et
altérité : Segalen
et la Polynésie », Paris :
Honoré Champion (Cahiers Victor Segalen, 2), 2015
|
- Saint-John Perse, « Œuvres
complètes », Paris : Gallimard (La
Pléiade), 1972, 1982
- Saint-John Perse, « Images à Crusoé », in Éloges [suivi de] La Gloire des rois, Anabase, Exil, Paris : Gallimard (Poésie, 14), 1967
- Saint-John
Perse, « Croisière
aux îles Eoliennes (Aspara) 13-31 juillet 1967
», Paris : Gallimard (Cahiers Saint-John
Perse, 8-9), 1987
|
- André
Claverie, Samia Kassab-Charfi, Jean
Bernabé et Raphaël Confiant,
« Saint-John
Perse ou la
créolité
marginalisée »,
Schoelcher : CRILLASH (Archipélies, 1), 2010
- Laurent
Fels, « Saint-John
Perse : Images à Crusoé »,
Paris : Le Manuscrit, 2005
- Mary Gallagher, « La
créolité de Saint-John Perse »,
Paris : Gallimard (Cahiers
Saint-John Perse, 14), 1998
- Samia
Kassab-Charfi et Loïc Céry (éd.),
« Saint-John
Perse : Atlantique et Méditerranée »
actes du colloque organisé à
l'université de Tunis
en avril 2004, Paris : L'Harmattan (La nouvelle Anabase, 3),
2007
- Henriette
Levillain, « Une lecture de Vents de Saint-John
Perse »,
Paris : Gallimard (Cahiers
Saint-John Perse, 18), 2006
- Renaud
Meltz, « Alexis
Léger dit Saint-John Perse »,
Paris : Flammarion, 2008
- Renée
Ventresque, « La
" Pléiade " de Saint-John
Perse : la poésie contre l'histoire »,
Paris : Classiques Garnier (Etudes
de littérature des XXe
et XXIe
sièckes, 15), 2011
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mise-à-jour : 25 octobre 2022 |
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