La vie sans fards / Maryse
Condé. - Paris : JC Lattès, 2012. -
333 p. ; 21 cm.
ISBN
978-2-7096-3685-8
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MARYSE
CONDÉ
: La Vie
sans fards
répond à une double ambition. D'abord je me suis
toujours
demandé pourquoi toute tentative de se raconter aboutissait
à un fatras de demi-vérités. Trop
souvent les
autobiographies et les mémoires deviennent des constructions
de
fantaisie. Il semble que l'être humain soit tellement
désireux de se peindre une existence différente
de celle
qu'il a vécue, qu'il l'embellit, souvent malgré
lui. Il
faut donc considérer La
Vie sans fards comme une tentative de parler vrai, de
rejeter les mythes et les idéalisations flatteuses et
faciles.
C'est
aussi une tentative de décrire la naissance d'une vocation
mystérieuse qui est celle de l'écrivain. Est-ce
vraiment
un métier ? Y gagne-t-on sa vie ? Pourquoi
inventer
des existences, pourquoi inventer des personnages sans rapport direct
avec la réalité ? Une existence ne
pèse-t-elle pas d'un poids déjà trop
lourd sur les
épaules de celui ou celle qui la subit ?
La Vie sans fards
est peut-être le plus universel de mes livres. J'emploie ce
mot
universel à dessein bien qu'il déplaise fortement
à certains. En dépit du contexte
très
précis et des références locales, il
ne s'agit pas
seulement d'une Guadeloupéenne tentant de
découvrir son
identité en Afrique. Il s'agit d'abord et avant tout d'une
femme
aux prises avec les difficultés de la vie. Elle est
confrontée à ce choix capital et toujours
actuel :
être mère ou exister pour soi seule.
Je pense que La Vie sans fards
est surtout la réflexion d'un être humain
cherchant
à se réaliser pleinement. Mon premier roman
s'intitulait En
attendant le bonheur : Heremakhonon, ce livre
affirme : il finira par arriver.
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JOËL
DES ROSIERS
: […]
Que
nul (…) ne rentre dans ce livre s'il n'est
fasciné par la
beauté douloureuse des femmes noires, leurs amours
empoisonnées, leurs déliquescences, leurs
maternités impies, leurs hommes irresponsables, leurs
enfants
chétifs, s'il n'est disposé à entendre
l'impensable, à s'exposer aux ravages d'une
époque
politique honnie : celle des nationalismes postcoloniaux dont
Frantz Fanon esquissait naguère les mésaventures
dans Pour la
Révolution africaine.
→ lire
l'intégralité du compte-rendu de Joël
Des Rosiers sur le site Africultures [en ligne]
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MICHEL
HERLAND :
En plaçant d’entrée ce livre de
mémoires
sous l’invocation de Jean-Jacques Rousseau et de ses Confessions, Maryse
Condé (née en 1937) annonce la couleur. Loin de
vouloir
dresser pour la postérité une statue à
sa gloire,
elle livrera aux lecteurs le récit “ sans
fards ” de ses années de jeunesse. Ce
livre devrait
passionner, au-delà des admirateurs de l’auteure
de Ségou
(publié en 1984), les Africains, sans parler de tous les
Européens ou Antillais qui, comme elle, ont
laissé une
part d’eux-mêmes sur “ le
continent ”.
[…]
→ lire
l'intégralité du compte-rendu de Michel Herland
sur le blog de Mondes
Francophones [en ligne]
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EXTRAIT |
“ Vivre ou
écrire, il faut choisir. ”
☐
Jean-Paul
Sartre
Pourquoi faut-il que toute tentative de se raconter aboutisse
à un fatras de demi-vérités ?
Pourquoi
faut-il que les autobiographies ou les mémoires deviennent
trop
souvent des édifices de fantaisie d'où
l'expression de la
simple vérité s'estompe, puis
disparaît ?
Pourquoi l'être humain est-il tellement désireux
de se
peindre une existence aussi différente de celle qu'il a
vécue ?
(…)
Paraphrasant
donc Jean-Jacques Rousseau dans Les
Confessions, je déclare aujourd'hui que je veux montrer à mes
semblables une femme dans toute la vérité de la
nature et cette femme sera moi.
(…)
Je
ne parlerai pas de ma vie actuelle, sans grands drames, si ce n'est
l'approche à pas sournois de la vieillesse puis de la
maladie,
événements sans originalité qui, j'en
suis
sûre, n'intéresseraient personne. Je tenterai
plutôt
de cerner la place considérable qu'a occupée
l'Afrique
dans mon existence et dans mon imaginaire. Qu'est-ce que j'y
cherchais ? Je ne le sais toujours pas avec exactitude. En fin
de
compte, je me demande si à propos de l'Afrique, je ne
pourrais
reprendre à mon compte presque sans les modifier les paroles
du
héros de Marcel Proust dans Un amour de Swann :
« Dire
que j'ai gâché des années de ma vie,
que j'ai voulu
mourir, que j'ai eu mon plus grand amour pour une femme qui ne me
plaisait pas, qui n'était pas mon genre. »
☐
pp. 9-16
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Histoire
de la femme cannibale », Paris : Gallimard
(Folio, 4221), 2005
|
- « La parole des femmes : essai sur
des romancières des Antilles de langue française »,
Paris : L'Harmattan, 1979
- « Le cœur à rire et
à pleurer », Paris :
Robert Laffont, 1999
- « Célanire
cou-coupé », Paris :
Robert Laffont, 2000
- « La planète Orbis »,
Pointe-à-Pitre : Éd. Jasor , 2002
- « Histoire de la femme cannibale »,
Paris : Mercure de France, 2003
- « Victoire,
les saveurs et les mots », Paris :
Gallimard (Folio, 4731), 2008
- « En attendant la
montée des eaux »,
Paris : JC Lattès, 2010
- « Le
fabuleux et triste destin d'Ivan et Ivana »,
Paris : JC Lattès, 2017
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Sur le site « île en
île » : dossier Maryse Condé |
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mise-à-jour : 15
octobre 2018 |
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