Histoire de la femme cannibale
/ Maryse Condé. - Paris : Mercure de France, 2003.
- 316 p. ; 21 cm.
ISBN 2-7152-2326-9
|
|
— Est-ce que vous n'allez pas
retourner chez vous ?
— Chez moi ? Si seulement je savais
où c'est.
Oui, le hasard m'a fait naître en Guadeloupe. Mais, dans ma
famille, personne ne veut de moi. À part cela, j'ai
vécu en France. Un homme m'a emmenée aux
États-Unis, puis ramenée en Afrique pour m'y
larguer à présent, lui aussi, au Cap. Ah,
j'oubliais, j'ai aussi vécu au Japon. Cela fait une belle
charade, pas vrai ? Non, mon seul pays, c'était
Stephen. Là où il est, je reste. |
NOTE DE L'ÉDITEUR :
La disparition de Stephen, assassiné dans
une rue du Cap, est le dernier coup du sort pour Rosélie
Thibaudin … Un drame qui la frappe de plein fouet,
mettant un terme brutal à vingt ans d'un bonheur apparemment
tranquille. En effet, exilée,
étrangère dans tous les pays, Rosélie
cumule toutes les
« tares » : elle a
quitté son île pour « l'Afrique
marâtre » et a formé un couple
mixte avec un Blanc « même pas
métropolitain ». Dans une Afrique du Sud
berceau de tous les racismes, Rosélie devra
réapprendre à vivre seule.
|
MARIE
ALSTADT :
Jeune peintre d'origine guadeloupéenne, Rosélie a
quitté son île pour suivre son premier amour, un
Jamaïcain, en Afrique du Sud. Sur cette terre de tous les
racismes elle sera abandonnée par lui, mais elle y
rencontrera un Blanc, prénommé Stephen et
spécialiste de Keats à l'université du
Cap. Bravant les affres de la vie de couple mixte, ces
deux-là couleront pendant vingt ans le parfait amour. Mais
Rosélie, faible et noyée dans une mare de
tourments intimes, manque d'aplomb. Elle ne sait guère se
défendre des Blancs qui lui contestent le droit d'exister,
ni des Noirs qui lui reprochent de trahir la race. Quand Stephen vient
à disparaître, mystérieusement
assassiné dans une rue, Rosélie se retrouve
seule, sans béquilles. Elle a la cinquantaine, mais semble
à peine sortie de l'enfance.
L' « invisible woman »,
sans rôle ni conformité, a passé sa vie
à se laisser porter au gré de l'amour,
à se perdre dans l'autre. C'est le moment ou jamais de
grandir, de s'adonner à sa passion : la peinture.
Là seulement s'éveillent ses instincts profonds,
ceux de la femme cannibale …
☐ Lire,
juin 2003 [en
ligne]
|
EXTRAIT |
Olu aborda un sujet qui lui tenait à
cœur : la décadence de la
littérature des Noirs sud-africains. D'aucuns attribuaient
ce silence à la fin de l'apartheid qui les privait de la
matière de leurs livres. Lui était d'un autre
avis. Les écrivains sud-africains persistaient à
faire fi de leurs langues maternelles, dénommées
à tort langues nationales puisque
précisément les nations les
méprisaient. Or qu'est-ce qu'une langue
maternelle ? Celle qui exprime un surcroît de sens,
celle qui exprime l'intimité intime, celle qui dit
l'indicible, quoi ! Si elle savait combien de
chefs-d'œuvres étaient annuellement produits au
Nigeria dans les langues maternelles !
— Le problème n'est-il pas le
même chez vous entre le créole et le
français ? interrogea-t-il. Les
véritables chefs-d'œuvres ne sont-ils pas
écrits en créole ?
Rosélie, qui ne connaissait de la
littérature antillaise que Pluie et vent sur
Télumée Miracle, lu par hasard une
saison d'hivernage trop pluvieux, ignorait ces débats. Sans
transition, Olu s'enquit des nouvelles d'Aimé
Césaire. Il avait eu la joie de le rencontrer du temps de
son exil dans la Caraïbe.
☐
p. 155
|
|
COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Histoire
de la femme cannibale », Paris : Gallimard
(Folio, 4221), 2005
|
- « La parole des femmes : essai sur
des romancières des Antilles de langue française »,
Paris : L'Harmattan, 1979
- « Le coeur à rire et
à pleurer », Paris :
Robert Laffont, 1999
- « Célanire
cou-coupé », Paris :
Robert Laffont, 2000
- « La planète Orbis »,
Pointe-à-Pitre : Éd. Jasor , 2002
- « Victoire,
les saveurs et les mots », Paris :
Gallimard (Folio, 4731), 2008
- « En attendant la
montée des eaux »,
Paris : JC Lattès, 2010
- « La vie sans fards »,
Paris : JC Lattès, 2012
- « Le
fabuleux et triste destin d'Ivan et Ivana »,
Paris : JC Lattès, 2017
|
- Madeleine
Cottet-Hage et Lydie Moudileno (dir.), « Maryse Condé, une nomade
inconvenante », Matoury
(Guyane) : Ibis Rouge, 2002
- Paola
Ghinelli,
« Entretien avec Maryse
Condé », in Archipels
littéraires, Montréal :
Mémoire d'encrier, 2005
- Bénédicte
Boisseron, « Maryse Condé's Histoire de la femme cannibale :
coming out in the French Antilles », in Creole
renegades : rhetoric of betrayal and guilt in the Caribbean
diaspora, Gainesville :
University press of Florida, 2014
|
Sur le site « île en
île » : dossier Maryse Condé |
|
|
mise-à-jour : 15
octobre 2018 |
|
|
|
|