Le cœur à
rire et à pleurer : contes vrais de mon enfance /
Maryse Condé. - Paris : Robert Laffont, 1999. -
135 p. ; 22 cm.
ISBN 2-221-08860-3
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NOTE
DE L'ÉDITEUR :
Dans la Guadeloupe des années cinquante, on tient son rang
en se gardant de parler créole ; on
méprise plus noir et moins instruit que soi. Les conventions
priment les sentiments : on ne cède pas aux larmes
devant le cadavre d'un être cher ; on cache,
infamie, un divorce dans la famille.
Contre des parents qui
semblent soudés surtout par le mensonge, contre une
mère aussi dure avec les autres qu'avec elle-même,
contre un père timoré, la petite Maryse prend le
chemin de la rébellion. L'insoumission, la franchise
assassine, l'esprit critique forgent son caractère. La fuite
dans un monde imaginaire, la soif de connaissance, les rêves
d'autonomie et de liberté la guident vers son destin
d'écrivain.
Mais peu à peu la
mémoire adoucit les contours, les épreuves de la
vie appellent l'indulgence, la nostalgie de l'âme
caraïbe restitue certains bonheurs d'enfance.
Et Maryse se souvient alors de
cet instant qui lui redonna l'amour des siens, de cette ultime nuit
où « roulée en boule contre
son flanc, dans son odeur d'âge et d'arnica, dans sa
chaleur », elle retrouva sa mère en la
perdant.
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LEAH
D. HEWITT
: Les contes du Cœur
à rire et à pleurer illustrent la
position inconfortable de la bourgeoisie antillaise à
travers les dilemmes personnels de Maryse, dilemmes dont le
résultat fut le refus de Condé, devenue
écrivaine, de promouvoir une idéologie “ noiriste ”,
ou de témoigner une admiration et une reconnaissance
quelconque à la littérature et à la
culture française.
[…]
L'un des tours les plus
ironiques qu'a pris l'existence nous est raconté dans le
chapitre “ Chemin
d'école ”. En France, où la
jeune Maryse suivait des cours, un professeur de français
communiste lui demande de faire une exposé sur un livre
antillais, autrement dit de partager sa culture antillaise avec ses
camarades de classe, de se comporter comme sujet doté d'une
certaine connaissance et d'une culture
“ authentique ” (et par
conséquent d'un certain pouvoir). Cette requête
jette cependant Maryse dans la confusion, car elle ne connaît
rien de la jeune littérature de son pays. Avec l'aide de son
frère, elle choisit de lire et de préparer La rue
Case-Nègres de Joseph Zobel. Pour
Maryse, qui finit par aimer cet ouvrage sur un petit garçon
pauvre, José, que l'éducation sauve de la
plantation de canne à sucre, “ toute
cette histoire était parfaitement exotique et
surréaliste ”. Pour la petite bourgeoise
qu'elle est l'exposé s'accompagne d'abord d'un sentiment de
culpabilité et d'aliénation, car il a si peu de
lien avec sa propre expérience de la Guadeloupe, bien
qu'elle la présente comme sa
culture : “ J'étais devenue
Josélita, sœur ou cousine de mon
héros ”. Ce qui rend cette vignette
remarquable c'est le tour paradoxal qu'elle finit par prendre lorsque
plus tard l'adulte examine les répercussions qui ont
duré jusqu'à ce jour :
“ Aujourd'hui, tout me porte à croire que
ce que j'ai appelé plus tard un peu pompeusement
" mon engagement politique " est né de ce
moment-là, de mon identification forcée au
malheureux José. (...) La lecture de Joseph Zobel, plus que
des discours théoriques, m'a ouvert les
yeux ”. Il serait difficile de trouver une
défense plus éloquente de la
littérature et de son pouvoir à faire
naître un engagement.
☐
« Vérité
des fictions autobiographiques », in Madeleine
Cottenet-Hage et Lydie Moudilenko (dir.), Maryse
Condé, une nomade inconvenante,
pp. 164-166
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Le
cœur à rire et à pleurer :
contes vrais de mon enfance », Paris :
Pocket (10883), 2001
- « Le
cœur à rire et à pleurer :
contes vrais de mon enfance », Paris :
Didier (Mondes en VF), 2013
|
- « La parole des femmes : essai sur
des romancières des Antilles de langue française »,
Paris : L'Harmattan, 1979
- « Célanire
cou-coupé », Paris :
Robert Laffont , 2000
- « La planète Orbis »,
Pointe-à-Pitre : Éd. Jasor, 2002
- « Histoire de la femme cannibale »,
Paris : Mercure de France, 2003
- « Victoire,
les saveurs et les mots », Paris :
Gallimard (Folio, 4731), 2008
- « En attendant la
montée des eaux »,
Paris : JC Lattès, 2010
- « La vie sans fards »,
Paris : JC Lattès, 2012
- « Le
fabuleux et triste destin d'Ivan et Ivana »,
Paris : JC Lattès, 2017
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Sur le site « île en
île » : dossier Maryse Condé |
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mise-à-jour : 15
octobre 2018 |
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