La chambre noire de
Longwood : le voyage à
Sainte-Hélène / Jean-Paul Kauffmann. -
Paris : La Table ronde, 1997. -
351 p.-[8] p. de pl. ; 21 cm.
ISBN 2-7103-0772-3
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Enrichi à son corps
défendant d'une expérience intime de la
réclusion, Jean-Paul Kauffmann évoque avec
justesse la captivité de Napoléon à
Sainte-Hélène. Son livre ne prend pas parti,
évite l'anecdote, ne théorise pas.
Ce récit du voyage
à Sainte-Hélène peut se lire
comme une longue, lente, réflexion qui met en jeu la
présence-emprise d'un lieu des plus isolés, et
l'absence-nostalgie du monde extérieur. Mais la vie
quotidienne à Longwood noue et dénoue les
tensions, brouillant les oppositions les mieux tranchées.
Juxtaposant ses propres
observations à celles des témoins de
l'époque, des visiteurs-pélerins d'hier et
d'aujourd'hui, à celles également des insulaires,
Jean-Paul Kauffmann construit patiemment l'image d'une utopie,
irrémédiablement écartelée
entre paradis et enfer — entre enfer et
paradis … à l'image de l'enfermement de
l'île ou de la condition humaine.
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EXTRAITS |
- Un air
buté, massif, hostile à toute présence
venant de la mer. Le plafond de nuages qui stagne au-dessus de
l'île aggrave cette immobilité et cette lourdeur
un peu obtuse. Comme une vapeur malsaine, le ciel bas, couleur
d'étain, oppresse l'île-forteresse. (p. 27)
- Sur le
bateau qui fait route vers Sainte-Hélène,
Napoléon demande un jour à Las Cases :
« Que pourrons-nous faire dans ce lieu
perdu ? » « Sire, nous
vivrons du passé. » (p. 46)
- L'ennui.
Gourgaud emploie sans cesse le mot dans son journal. Selon Las Cases,
ce qui consume le plateau désolé et la
maison-labyrinthe est un mal mystérieux. Contre cette
langueur et ce vide, la violence des éléments
paraît curieusement désarmée. Le secret
de Longwood réside peut-être dans le rapport de
cette tristesse infinie avec l'inquiétante puissance du
site. (p. 71)
- Pauvre
royaume de l'absence ! L'imagination, ce miroir ardent qui
déforme et enflamme les figures du passé, a fait
ici des ravages. L'imagination … A lire les
récits des compagnons, on voit bien qu'il s'agit d'une
tentative désespérée pour
réunir ce qui est à jamais disloqué.
Dans cette atmosphère de décomposition tropicale,
il importe de se battre contre l'anéantissement. (p. 88)
- L'air et
le ciel isolent et confinent aussi sûrement qu'une cellule.
« Je hais ce Longwood, ce vento agro »,
maugrée l'Empereur. Curieusement, lorsqu'il se plaint du
climat, il se sert de sa langue natale — les
souvenirs de son médecin O'Meara
sont truffés de mots italiens. Il appelle
Sainte-Hélène l'isola maladetta.
(pp. 141-142)
- — Sainte-Hélène,
c'est vrai, n'est pas gaie. Nous attendons avec impatience
l'appareillage du bateau. Mais, vous savez, nous avons
découvert des coins qui sont de véritables
paradis terrestres.
— Des paradis terrestres, ici !
— Mais oui … Ils se trouvent surtout dans
la partie occidentale de l'île. Je crois savoir que ces
paysages étaient inconnus de votre Empereur. Il refusait de
les visiter. C'était un drôle de prisonnier, ah
oui ! Par orgueil il s'est enfermé volontairement
dans sa bicoque. (p. 164)
- L'anticyclone
de Sainte-Hélène, aussi insaisissable que celui
des Açores, marque la physionomie du rocher. Tous les
paysages cohabitent sans qu'un caractère parvienne
à s'imposer. (pp. 289-290)
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
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- « La
chambre noire de Longwood : le voyage à
Sainte-Hélène », Paris :
Gallimard (Folio,
3083), 1998
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- François
Antonmarchi, « Les derniers moments de
Napoléon : 1819-1821 »,
Paris : Buchet-Chastel, 1975
- Octave
Aubry, « Sainte
Hélène »,
Paris : Flammarion, 1935
- Général
Bertrand, « Cahiers de
Sainte-Hélène »,
Paris : Albin Michel, Sulliver, 1949-1959
- David
Chanteranne, « L'insulaire :
les neufs vies de Napoléon »,
Paris : Éd. du Cerf, 2015
- Michel
Dancoisne-Martineau, « Je suis le gardien du tombeau
vide », Paris : Flammarion, 2017
- Bruno
Fuligni, « Tour du monde des terres
françaises
oubliées », Paris : Ed. du
Trésor, 2014
- Paul
Ganière, « Napoléon
à Sainte-Hélène »,
Paris : Perrin, 1957-1961
- Général
Gourgaud, « Journal de
Sainte-Hélène, 1815-1818 »,
Paris : Flammarion, 1944-1947
- Emmanuel de
Las Cases, « Le mémorial de
Sainte-Hélène »,
Paris : Seuil (Points), 1999 ; Gallimard (La
Pléiade), 2001
- Louis
Marchand, « Mémoires de Marchand, premier
valet de chambre et exécuteur testamentaire de
l'empereur » éd. par Jean Bourguignon,
Paris : Tallandier, 2003
- Gilbert
Martineau, « La vie quotidienne à
Sainte-Hélène au temps de
Napoléon », Paris : Hachette,
1970 ; Tallandier, 2005
- Gilbert
Martineau, « Napoléon à
Sainte-Hélène »,
Paris : Tallandier, 1981
- Albine de
Montholon, « Souvenirs de
Sainte-Hélène, 1815-1816 »
publiés par le comte Fleury, Paris : Emile Paul,
1901
- Albine de
Montholon, « Journal secret d'Albine de Montholon,
maîtresse de Napoléon à
Sainte-Hélène »
présenté et commenté par
François de Candé-Montholon, Paris :
Albin Michel, 2002
- Général
de Montholon, « Récits de la
captivité de l'empereur Napoléon à
Sainte-Hélène »,
Paris : Paulin, 1847
- Barry E.
O'Meara, « Napoléon
dans l'exil », Paris : Fondation
Napoléon, 1993
- Jean Sgard,
« Sainte-Hélène, petite île »
in Françoise Létoublon (éd.), Impressions d'îles,
Toulouse : Presses universitaires du Mirail, 1996
- Jean Tulard
(éd.), « Napoléon à
Sainte-Hélène » textes choisis
de Las Cases, Montholon, Gourgaud et Bertrand, Paris : Robert
Laffont (Bouquins), 1981
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mise-à-jour : 20
mai 2019 |
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