Quant à l'actuel consul, les jardins
sont l'affaire de sa vie. Il y puise son inspiration de peintre.
— Les fleurs des tropiques sont
éclatantes mais n'ont aucun parfum. Les roses font merveille
ici mais elles ne sentent rien. Seuls les lilas de Perse et le
gingembre embaument violemment. Ce sont les fleurs de Longwood qui
m'ont donné envie de peindre.
— Qui vous a appris ?
— Personne. Au
début, j'ai beaucoup tâtonné.
— Avant
Sainte-Hélène, vous n'aviez jamais
touché un pinceau ?
— Jamais. C'est
peut-être la peur de l'ennui qui m'a
forcé à peindre. Au bout de deux ans de
séjour à Longwood, je me suis dit qu'il me
fallait une occupation. C'est en travaillant dans les jardins
que l'idée m'est venue d'en représenter les
fleurs. Sans la peinture, je n'aurais pas pu tenir.
— Pourquoi ? C'est si
terrible de vivre ici ? fais-je un peu
hypocritement.
L'expression de son visage indique que je viens de franchir un domaine
sinon interdit, du moins privé, qui ne concerne
pas l'intrus que je suis. Avec une certaine dureté
et une pointe d'ironie dans la voix, il
s'exclame : « Qu'est-ce que vos
croyez ! Qui peut se croire prémuni contre l'ennui,
à Longwood ou ailleurs ?
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