Le sang et la mer / Gary Victor. - La Roque d'Anthéron : Vents d'ailleurs, 2010. - 181 p. ; 23 cm. ISBN 978-2-911412-73-8
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Gary
Victor a participé
au Salon du Livre Insulaire d'Ouessant
en 2002 et en 2004.
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| La nuit où tu navigues n'aura-t-elle point son île, son rivage ?
Saint-John Perse, cité en épigraphe p. 9 |
Comme
on peut l'être du jardin d'Eden, Hérodiane et son
frère Estevèl ont été chassés du
tranquille port de pêche où ils ont passé leur
enfance par un politicien qui convoitait les biens de leur
famille. Le père puis la mère n'ayant pas survécu
longtemps à la spoliation, Hérodiane et Estevèl se
sont résignés à gagner Port-au-Prince où
avec les maigres économies sauvées par leur mère
ils ont trouvé un abri à Paradi, sinistre bidonville lancé à l'assaut d'une colline abrupte qui domine la capitale — « ville immense, tentaculaire, bouffeuse d'espoir et de dignité » (p. 72).
Dans
ce récit qui marque un net infléchissement
— un durcissement — par rapport à ses
précédents romans, Gary Victor met en lumière les
conditions de vie de tous les déracinés qui, en nombre
croissant, croient pouvoir trouver à Port-au-Prince les
ressources qui font défaut ailleurs. Cruelle, la
déception est à la hauteur des espoirs ; tout
particulièrement pour Hérodiane que sa beauté
expose aux plus viles convoitises et qui va éprouver la
persistance de rapports de classes hérités d'une histoire
mal engagée : « le peu de temps que j'avais
passé à la capitale m'avait permis de découvrir
que le sommet de la pyramide sociale n'avait rien à voir avec le
mythe de la première république noire du
monde » (p. 82).
Hérodiane, un temps,
s'accroche au rêve utopique d'une vie meilleure ; mais la
cupidité, la haine et la bêtise sont sans limite, et les
secrètes affinités d'Estevèl avec le monde d'Agwe,
le dieu de la mer, ne permettront pas d'échapper au malheur.
Ultime remède au désespoir qui règne à Paradi, la
lecture où se réfugie Hérodiane fait écho
à l'écriture — gage de survie des romanciers
et poètes qui partagent jour après jour la
résistance d'un peuple entraîné à survivre au bord
du gouffre.
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EXTRAIT |
Je gravis l'escalier dans un état second, le paquet sous
mon bras, brûlant et lourd comme si je portais les
péchés de l'enfer. Ma cheville me faisait mal. À
cette heure, une longue file de gens montaient le sentier reptilien,
pareils à des damnés dans un autre univers où le
ciel serait le lieu d'expiation de toutes les fautes. Ceux qui
descendaient, ils étaient moins nombreux, rasaient presque la
paroi qui laissait entrevoir la nature friable du sol de la montagne.
Ils faisaient attention à ne pas frôler les autres qui
venaient en sens contraire, un mauvais croisement, un contact hasardeux
pouvant provoquer des chutes en cascade qui nourriraient de corps
déchiquetés l'escalier serpent. J'eus à peine un
salut de la main pour madame Dulciné qui, assise sur un muret de
sa demeure, donnait à manger à un enfant squelettique,
visiblement sous-alimenté et malade, que je voyais pour la
première fois. J'atteignis notre logis, ouvris
fébrilement la porte pour aller me laisser tomber, en sueur, sur
le lit. J'avais le souffle court, non pas à cause de l'escalade,
l'habitude avait fortifié mes poumons, mais à cause de
mon impatience à prendre connaissance du contenu du paquet. Je
le défis avec précaution, prévoyant d'utiliser le
papier pour rendre le présent s'il ne me plaisait pas. Je
découvris avec étonnement, puis avec ravissement deux
livres neufs d'un auteur qui m'intriguait : Amour, colère et folie et La Danse sur le volcan de Marie Chauvet.
☐ p. 78 |
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COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE | - « Sonson Pipirit, Profil d'un homme du peuple », Port-au-Prince : Éd. Deschamps, 1988
- « Clair de
Manbo », Port-au-Prince : Éd. Deschamps, 1990 ;
La Roque d'Anthéron : Vents d'Ailleurs, 2007
- « La
piste des sortilèges », Port-au-Prince :
Éd. Henri Deschamps, 1996 ; Châteauneuf-le-Rouge :
Vents d'Ailleurs, 2002
- « La
chorale de sang », Port-au-Prince : Éd.
Mémoire, 2000
- « Le
diable dans un thé à la citronelle »,
Port-au-Prince : Imprimeur II, 2000 ; La Roque d'Anthéron :
Vents d'Ailleurs, 2005
- « Le
cercle des époux fidèles », Port-au-Prince :
Imprimeur II, 2002
- « À
l'angle des rues parallèles », Châteauneuf-le-Rouge :
Vents d'Ailleurs, 2003 — Prix du Livre Insulaire
(cat. Fiction), Ouessant, 2003
- « Je
sais quand Dieu vient se promener dans mon jardin »,
La Roque d'Anthéron : Vents d'Ailleurs, 2004 — Prix RFO, 2004
- « Les
cloches de La Brésilienne », La Roque d'Anthéron,
2006 — 23e Prix littéraire des Caraïbes, décerné par l'Association des écrivains de langue française
- « Le programmeur », in Nouvelles d'Haïti, textes choisis et présentés par Pierre Astier, Paris : Magellan & Cie (Miniatures), 2007
- « L'essayage », in Une journée haïtienne,
textes réunis et présentés par Thomas C. Spear,
Montréal : Mémoire d'encrier ; Paris :
Présence africaine, 2007
- « Banal oubli », La Roque d'Anthéron : Vents d'ailleurs, 2008
- « Saison de porcs », Montréal : Mémoire d'encrier, 2009
- « Maudite éducation », Paris : Philippe Rey, 2012
- « Quand le jour cède à la nuit », La Roque d'Anthéron : Vents d'ailleurs, 2012
| | Sur le site « île en île » : dossier Gary Victor |
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mise-à-jour : 30 décembre 2013 |
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