Maudite éducation / Gary Victor. - Paris : Philippe Rey, 2012. - 286 p. ; 19 cm. ISBN 978-2-84876-213-5
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Gary
Victor a participé
au Salon du Livre Insulaire d'Ouessant
en 2002 et en 2004.
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Roman d'apprentissage, comme le suggère le titre ? Maudite éducation
relate le parcours de Carl Vausier confronté à la
découverte de la famille, de la sexualité et de l'amour,
d'une passion — la littérature — et d'un
métier — le journalisme —, de la vie
sociale et de la politique. Mais le roman ne se laisse pas enfermer
dans une formule ; il est riche de strates habilement
imbriquées et brasse une large diversité de tons :
narration et poésie, réalisme et onirisme, fiction et
chronique sociale, humour et charge politique. L'effet de miroitement
qui naît de cette multiplicité de visées et de
registres est rigoureusement contrôlé — c'est
l'atout majeur d'un roman où Gary Victor met en résonance son projet littéraire et son parcours de vie.
Au
cœur du roman un banal constat hante Carl Vausier : entre
l'hôpital où est mort son père et le Palais
national, la distance est dérisoire, trois cent trente-trois mètres !
Rien. Un monde. De cette mesure, où l'infime et l'infini
semblent se fondre, naît l'énergie qui soutient la vie de
Carl Vausier, qui soutient également son ambition
littéraire, et qui l'empêche de sombrer quand le grand
amour se dérobe puis succombe au terme d'abjectes et
douloureuses péripéties où se reflète le
désordre du temps.
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EXTRAIT |
Trois cent trente-trois mètres ! J'ai un début de vertige.
Je me déplace tel un funambule sur une corde tendue au-dessus du
vide. À trois cent trente-trois mètres du bureau du chef
de l'État, des femmes accouchent à même le sol, des
gens meurent par manque de soins les plus élémentaires
pendant que ceux qui sont déjà morts ne peuvent se
prétendre à l'abri des mauvaises surprises. La morgue
empeste souvent, surtout que les employés n'hésitent pas
à se mettre en grève pour des réclamations souvent
justifiées, même si un être humain ne devrait jamais
respirer pareille pestilence.
Chaque
fois que je me retrouve dans une impasse de ma vie, chaque fois que
cette terre risque de m'engloutir dans ses mythes et ses impostures, je
vais mesurer la distance entre les bâtiments de cet hôpital
et le Palais national. Cela me ramène à la mémoire
les circonstances de la mort de mon père. Cela ravive mon
ressentiment pour ce pays. Pas pour ce pays qui m'a vu naître.
Cette terre, elle n'y est pour rien. On l'a abreuvée de sang.
Mais pour cette société de menteurs et de flibustiers qui
se drapent depuis deux siècles dans des radotages
stériles sur la fondation d'une nation, d'un État qui a
condamné dès le départ des centaines de milliers
d'êtres humains aux conditions de vie les plus abjectes.
Je
n'ai aucune fierté d'être Haïtien. Mais je voudrais
bien me battre pour l'être, pour que mes enfants le soient aussi.
C'est ce que je fais avec mes mots, les récits que je
développe dans mes nouvelles, dans mes romans. Mais j'ai
toujours l'impression que ma plume n'arrivera jamais à
m'immerger complètement dans l'encre de cette
réalité souillée pour la restituer telle qu'elle
est. Toute souffrance racontée, toute souillure décrite,
n'est qu'une tentative de représentation figée, tandis
que la réalité qu'on veut saisir cavale à fond de
train, sans dévier de la trajectoire que les croque-morts lui
ont assignée.
☐ pp. 208-210 |
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COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE | - « Sonson Pipirit, Profil d'un homme du peuple », Port-au-Prince : Éd. Deschamps, 1988
- « Clair de
Manbo », Port-au-Prince : Éd. Deschamps, 1990 ;
La Roque d'Anthéron : Vents d'Ailleurs, 2007
- « La
piste des sortilèges », Port-au-Prince :
Éd. Henri Deschamps, 1996 ; Châteauneuf-le-Rouge :
Vents d'Ailleurs, 2002
- « La
chorale de sang », Port-au-Prince : Éd.
Mémoire, 2000
- « Le
diable dans un thé à la citronelle »,
Port-au-Prince : Imprimeur II, 2000 ; La Roque d'Anthéron :
Vents d'Ailleurs, 2005
- « Le
cercle des époux fidèles », Port-au-Prince :
Imprimeur II, 2002
- « À
l'angle des rues parallèles », Châteauneuf-le-Rouge :
Vents d'Ailleurs, 2003 — Prix du Livre Insulaire
(cat. Fiction), Ouessant, 2003
- « Je
sais quand Dieu vient se promener dans mon jardin »,
La Roque d'Anthéron : Vents d'Ailleurs, 2004 — Prix RFO, 2004
- « Les
cloches de La Brésilienne », La Roque d'Anthéron,
2006 — 23e Prix littéraire des Caraïbes, décerné par l'Association des écrivains de langue française
- « Le programmeur », in Nouvelles d'Haïti, textes choisis et présentés par Pierre Astier, Paris : Magellan & Cie (Miniatures), 2007
- « L'essayage », in Une journée haïtienne,
textes réunis et présentés par Thomas C. Spear,
Montréal : Mémoire d'encrier ; Paris :
Présence africaine, 2007
- « Banal oubli », La Roque d'Anthéron : Vents d'ailleurs, 2008
- « Saison de porcs », Montréal : Mémoire d'encrier, 2009
- « Le sang et la mer », La Roque d'Anthéron : Vents d'ailleurs, 2010
- « Quand le jour cède à la nuit », La Roque d'Anthéron : Vents d'ailleurs, 2012
| | Sur le site « île en île » : dossier Gary Victor |
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mise-à-jour : 10 mai 2017 |
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