EXTRAIT

Elle était née une nuit d'un six janvier. Elle s'appelait Syamiz. Une négresse droite semblable à ces cocotiers au garde-à-vous sur les flancs du morne à Cabris au temps où la misère ne poussait pas encore les hommes à raser nos montagnes. Belle. Mince. Pas difforme comme ces femmes aux fesses énormes qui secouent tels des sacs de malanga sur le dos des bourriques qu'on mène au marché. Un cocotier, je te dis ! Avec de ces seins ! Des fusils pointés vers ton cœur. Deux petites mangues vertes ! Et des jambes, Pirus ! Des couleuvres ! Tu n'avais qu'à la regarder marcher dans la plaine pour que tu aies envie que ces couleuvres s'enroulent autour de tes reins pendant que tu visites sa fleur, que tu lui fasses perdre ses esprits. Des yeux Pirus ! Je ne peux dormir sans rêver à ses yeux. Des chelèn de Dieu. Plus beau que le bleu de la mer de Montrouis. Parfois, on pouvait y voir fuser des météores. Certains disaient qu'elle était Erzulie. Quand on la voyait passer, Pirus, on pouvait sentir la plaine retenir son souffle. Le fleuve cessait de couler, muet de saisissement. Le vent s'arrêtait, tournoyait autour d'elle, incapable de continuer sa course, captivé par sa beauté. Le Monde, Pirus, n'était pas seulement stupéfait devant Syamiz. Il en était pétrifié. ☐ p. 169