10ème édition du Prix du
Livre Insulaire (Ouessant 2008)
ouvrage en compétition |
Le ruban de la
fille du pape, fantaisie historique / Patrice Louis. - Matoury
(Guyane) : Ibis rouge, 2008. - 109 p. ;
22 cm.
ISBN
978-2-84450-332-9
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NOTE
DE L'ÉDITEUR
: Une reconstitution et une reconstruction composent ce
livre.
La première partie se veut aussi
fidèle que possible
à la réalité. La seconde
relève de
l’imagination.
En tombant sur un texte dans un magasin loin de
Paris, le chef de file
d’un mouvement intellectuel planétaire voit
s’enrichir sa vision du monde tandis que le cours de la vie
de
l’auteur va en être bouleversé,
entraînant des
conséquences qu’aucun des deux ne mesure.
Tel est bien l’enjeu de la
découverte d’Aimé
Césaire par André Breton.
L’épisode,
célébrissime, n’a jamais
été
raconté qu’en quelques lignes 1 :
un
jour de 1941, sur la route de New York, le fondateur du
surréalisme découvre par hasard en Martinique la
revue 2
qu’Aimé Césaire a
lancée avec des proches, à Fort-de-France. A sa
lecture,
il éprouve un choc inédit et demande à
rencontrer
l’auteur. Les deux hommes se voient dès le
lendemain et
deux cours, le littéraire d’un professeur de
lycée
et le sociétal de son île en seront durablement,
profondément redéfinis. Par Breton,
subjugué,
Césaire entre triomphalement dans l’histoire des
lettres,
qui, elle aussi, en sera modifiée.
Voilà les faits.
Et si les événements
s’étaient passés
autrement ? Et si l’Histoire était
devenue
folle ? La suite, forcément inattendue, est dans
cette
« fantaisie historique ».
1. |
Par
André Breton lui-même, dans
« Martinique
charmeuse de serpents — Un Grand
poète noir »,
texte destiné à servir de préface
à
l'édition bilingue du Cahier d'un retour au
Pays natal (New
York : Brentano's, 1947),
pré-publié dans le
numéro 11 de
« Tropiques » en mai 1944. |
2. |
« Tropiques » :
le premier numéro a été
publié en avril
1941, le dernier (n° 13-14) en 1945. La collection
complète a été
rééditée en
fac-similé par les éditions Jean-Michel Place en 1994. |
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EXTRAIT |
Enfin
libre de se déplacer dans Fort-de-France, Breton se jette
dans
les rues avec avidité. Sur la Savane, il s'attarde « devant
la statue bleutée de Joséphine de Beauharnais,
perdue
entre les hauts fûts de cocotiers ». Il
flâne au marché aux poissons où
s'amoncellent, « gorgées
de roses rouges et roses, les conques de lambis dans lesquelles
fût sonnée la révolte noire
très sanglante
de 1848 ». Il se
délecte à la vue de
chacune des jeunes filles de couleur dont il lui plaît de
penser,
après Baudelaire, que « même
quand elle marche on croirait qu'elle
danse … » Le
prisonnier goûte les joies du piéton.
Coincé
dans ce désœuvrement forcé, il entre
dans une mercerie de la rue Schœlcher avec l'idée
d'acheter un ruban pour sa fille. […]
La
mercière est seule dans son magasin. Elle ne montre pas sa
surprise de voir un colosse blanc devant ses articles qui attirent
plutôt d'insulaires dames. L'homme lui expose l'objet de sa
présence. Elle se tourne alors vers ses rouleaux de tissus
de
toutes couleurs.
Une
modeste revue est posée là. Rien d'incongru
à
cette présence. Faute d'une distribution professionnelle, de
points de presse, tout espace est bon et la vitrine d'une mercerie
n'est pas sans attrait. […]
Breton
prend la brochure machinalement — les mots
alignés attirent toujours ceux qui en vivent. Il ne fait pas
attention qu'une signature lui est un peu connue :
René
Ménil. Martiniquais marxiste et dans la mouvance du
surréalisme, c'est un pionnier de la réflexion
sur
l'identité et l'émancipation et il a
participé
à la revue Légitime
Défense en 1932,
à Paris. Revenu chez lui, il est de l'aventure de Tropiques.
Non,
Breton s'arrête à un autre texte sous une
signature inconnue : « Je
n'en crus pas mes yeux : ce qui était dit
là,
c'était ce qu'il fallait dire, non seulement du mieux, mais
du
plus haut qu'on pût le dire ! Toutes ces ombres
grimaçantes se déchiraient, se
dispersaient ; tous
ces mensonges, toutes ces dérisions tombaient en
loques :
ainsi la voix de l'homme n'était en rien brisée,
couverte, elle se redressait ici comme l'épi même
de la
lumière. Aimé
Césaire, c'était
le nom de celui qui parlait ».
Il tombe
en transes et s'ouvre de son saisissement à la
mercière qu'il accompagne d'une demande pressante
à
rencontrer Césaire.
☐
pp. 33-34 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- Patrice
Louis, « 1902,
au jour le jour : la chronique officielle de la Catastrophe
racontée par les acteurs de l'époque »,
Matoury (Guyane) : Ibis Rouge, 2002
- Patrice
Louis, « L'enfer
à Saint-Pierre : dictionnaire de la catastrophe de
1902 », Matoury (Guyane) : Ibis
Rouge, 2002
- Patrice
Louis, « A, B, C...
ésaire, de A à Z »,
Matoury (Guyane) : Ibis Rouge, 2003
- Patrice
Louis,
« Conversations avec Aimé
Césaire »
entretiens réalisés à Fort-de-France
le 26
novembre 2002 et le 28 mars 2003, Paris : Arléa,
2007
|
- André
Breton, « Martinique, charmeuse de
serpents »
ill. par André Masson, Paris : Éd. du
Sagitaire, 1948
|
- Marijosé
Alie, « Entretiens
avec Aimé Césaire »,
Bordeaux : HC Éditions, 2021
- David
Alliot, « Aimé
Césaire, le nègre universel »,
Gollion (Suisse) : Infolio (Illico), 2008
- David
Alliot, « Le communisme est à
l'ordre du jour : Aimé
Césaire et le PCF »,
Paris : Pierre Guillaume de Roux, 2013
- Dominique
Berthet, « André Breton,
l'éloge de la
rencontre : Antilles, Amérique,
Océanie »,
Paris : HC éditions, 2008
- Pierre
Bouvier, « Aimé
Césaire, Frantz Fanon : portraits de
décolonisés », Paris
: Les Belles lettres, 2010
- Raphaël
Confiant, « Aimé
Césaire, une traversée paradoxale du
siècle », Paris :
Stock, 1993 ;
Paris : Écriture, 2006
- Romuald
Fonkoua, « Aimé
Césaire », Paris :
Perrin, 2010
- Jacques
Lacarrière, « Ce que je dois
à Aimé Césaire »
avec des dessins de Wifredo Lam, Paris : Bibliophane-Daniel
Radford, 2004
- Pierre
Laforgue, « Les
Armes miraculeuses d'Aimé Césaire
(essai et dossier) », Paris : Gallimard
(Foliothèque, 167), 2009
- Christian
Lapoussinnière (dir.), « Aimé
Césaire, une pensée pour le XXIe siècle »
actes du colloque organisé à l'occasion du 90ème
anniversaire d'Aimé Césaire (Fort-de-France,
24-26 juin 2003), Paris : Présence africaine, 2004
- André
Lucrèce, « Conversation avec ceux de
Tropiques », Paris : HC
Éditions, 2003
- Daniel
Maximin, « Césaire
& Lam, insolites bâtisseurs »,
Paris : HC Éditions, 2011
- Daniel
Maximin, « Aimé Césaire,
frère volcan », Paris : Seuil,
2013
- Roger
Toumson et Simonne Henry-Valmorre, « Aimé
Césaire, le nègre inconsolé »,
Châteauneuf-le-Rouge : Vents d'ailleurs, 2002
- Kora
Véron et Thomas A. Hale, « Les
écrits d'Aimé
Césaire : biobibliographie commentée
(1913-2008) » (2 vol.), Paris :
Honoré Champion (Poétiques et
esthétiques XXe-XXIe siècles), 2013
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mise-à-jour : 24 novembre 2021 |
Né à Paris en 1947, Patrice Louis est mort à Illiers-Combray le 17 novembre 2021. |
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