Utopie et civilisations /
Gilles Lapouge. - Genève : Librairie Weber, 1973. -
251 p. : ill. ; 24 cm. - (Terra
universalis).
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Deux grands motifs se
déploient, se conjuguent ou s'opposent, au fil de cette
ambitieuse histoire de la pensée utopiste :
l'île et la ville (la cité) ; mais jamais
Gilles Lapouge ne tente d'éclairer leurs ressorts
respectifs, ni la dynamique qui préside à leur
rencontre, qu'elle soit placée sous le signe de la fusion ou
de l'antagonisme.
Le modèle de la
cité s'impose aux premières étapes de
ce long parcours ; aucune solution de continuité ne
s'interpose entre le geste urbaniste d'Hippodamos et le projet
politique qui fonde la République de
Platon. L'Atlantide,
au contraire, introduit la figure de l'île,
associée à l'idée d'une
altérité radicale qui, de fait, occulte la
spécificité insulaire. Plus encore que
l'éloignement, c'est l'appartenance à un monde
étranger où brillent à profusion les
splendeurs d'un orient intrinsèquement barbare qui est
soulignée ; Platon accentue cette mise à
distance en reléguant sa fable dans un passé
quasi-mythique : « Atlantis a
existé neuf mille années plus
tôt ».
Quand, aux XVIe
et XVIIe siècles, Thomas More puis Bacon et Campanella renouent le fil
de la projection utopiste, ils associent étroitement, cette
fois, les deux motifs, citadin et insulaire : « La
Renaissance va d'abord reloger l'utopie dans ses vraies
résidences […]. Thomas More reprend les croquis
de Platon, il y gribouille quelques nouveaux plans. Christophe Colomb
va l'y aider ». Thomas More ne permet pas
de situer géographiquement l'île d'Utopia,
Bacon jette Bensalem en plein Pacifique et
Campanella implante la Cité du Soleil au
centre de Taprobane (Sri Lanka) : depuis l'essor des grandes
découvertes ultra-marines, ces mondes lointains suscitent
plus de convoitise que d'inquiétude ; et le repli
insulaire semble n'être qu'un artifice formel
destiné à accentuer la discontinuité
vis-à-vis du reste du monde.
Jusqu'au début du XXe
siècle, l'utopie persistera à investir les
îles, lieux d'élection d'une
régénération possible de
l'humanité … mais toujours au prix d'une
confrontation brutale, et aux effets inéluctables, avec le
milieu — chaos à ordonner, territoire
vierge à aménager, no man's land à
urbaniser : « Pas d'autre
solution que de violer la nature. On introduit en elle un ordre qu'elle
ne renferme pas ». Sur toutes les mers, et
sur tous les tons, l'aventure utopique ne cesse d'illustrer
l'incapacité de l'homme à s'amender autrement
qu'en flêtrissant l'objet d'une quête jamais
élucidée.
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SOMMAIRE |
L'Antiquité
- Les
échiquiers d'Hippodamos
- La
ville des oiseaux
- Au
matin de l'histoire
- La
république des fourmis
- Dans
la mer atlantide
Le
Moyen Âge
- Le
retour du sacré
- La
roue de fortune
- La
cité de Dieu
- Dans
la paix des monastères
- Off
limits
- Le
château des dames de coeur
- Tours,
fous et cavaliers
- Les
blasons de la mort
- Une
société de fer
- Sur
les miroirs de la mer
- La
cité automatique
- La
lumière d'Hésiode
- Vers
l'étoile absinthe
- La
nef des fous
Renaissance
et dix-septième
siècle
- Renaissance,
Faust, Colomb, Paracelse
- Le
mat au roi furieux
- Les
poussins d'Utope Ier
- Rabelais
gendre d'Utope
- La
cité du soleil
- Aux
feux du cristal
- Chez
les Indiens de l'âge d'or
- Des
villes comme un songe
- L'autre
monde
- Le
petit siècle
- Les
pirates du souverain bien
- Le
prince des contre-utopistes
- Linné,
bibliothécaire de Babel
- Le
coup de force de Buffon
- Dans
les yeux morts des automates
Dix-neuvième
siècle
- L'abominable
utopie
- Marx
millénariste ?
- La
maison du désir
- Des
utopistes tristes
- Des
bergeries aux samouraïs
- Le
grand inquisiteur de la liberté
Conclusion
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- Gilles
Lapouge, « Utopie et civilisations »,
Paris : Flammarion (Champs, 48), 1978 ; Albin Michel
(Bibliothèque des idées), 1991
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- Gilles
Lapouge, « Pirates, boucaniers,
flibustiers », Paris :
Éd. du Chêne, 2002
- Gilles
Lapouge, « Des
îles pour utopies » in Jean-Pierre
Castelain (dir.), Îles
réelles, îles rêvées,
Ethnologie française,
n° 2006/3, juillet-septembre 2006
- Gilles
Lapouge, « Atlas des paradis
perdus », Paris : Arthaud, 2017
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mise-à-jour : 3 août 2020 |
Voyageur, écrivain et journaliste,
Gilles
Lapouge né en 1923 est mort à Paris le
31 juillet 2020 |
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