Sophiste, Politique,
Philèbe, Timée, Critias / Platon ;
éd. établie par Emile Chambry. - Paris :
Flammarion, 1991. - 511 p. ; 18 cm. - (GF,
203).
ISBN 2-08-07203-3
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GÉOGRAPHIE DE L'ATLANTIDE
L'île
Atlantide, “ devant ce détroit que vous
appelez les colonnes
d'Héraclès ” — Critias, dont Platon transcrit les propos, assure tenir l'information
de Solon, sage et poète, à qui elle aurait
été transmise par un prêtre
égyptien, ultime dépositaire d'une
histoire plusieurs fois millénaire.
Mais,
volontairement ou non, l'auteur brouille les pistes au point que nul ne
sait plus où retrouver l'Atlantide : à
proximité des côtes africaines, aux approches du
continent américain, près du cercle polaire ou,
plus simplement, dans le bassin
méditerranéen ; cette île
de partout et de nulle part, fait bien figure d'utopie. |
L'ATLANTIDE ET LE MONDE EXTÉRIEUR
Platon
invite à chercher l'Atlantide hors du
périmètre, connu et rassurant, du monde
grec : l'île peut être perçue
comme une métaphore du monde “ barbare ” et de la menace qu'il
fait peser sur la civilisation.
Au
terme d'une longe période de
prospérité calme, les Atlantes ont entrepris
d'asservir “ tous les peuples
en-deçà du
détroit ”. S'en suit une guerre que gagne
la coalition menée par Athènes, puis un
cataclysme qui anéantit l'Atlantide.
Une
illustration, non sans équivoque, des relations du monde
grec avec son environnement, du centre avec la
périphérie. |
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EXTRAIT |
Telle
était la formidable puissance qui existait alors en cette
contrée [l'Atlantide], et que le dieu assembla et tourna
contre notre pays, pour la raison que voici. Pendant de nombreuses
générations, tant que la nature du dieu se fit
sentir suffisamment en eux, ils obéirent aux lois et
restèrent attachés au principe divin auquel ils
étaient apparentés. Ils n'avaient que des
pensées vraies et grandes en tout point, et ils se
comportaient avec douceur et sagesse en face de tous les hasards de la
vie et à l'égard les uns des autres. Aussi,
n'ayant d'attention qu'à la vertu, faisaient-ils peu de cas
de leurs biens et supportaient-ils aisément le fardeau
qu'était pour eux la masse de leur or et de leurs autres
possessions. Ils n'étaient pas enivrés par les
plaisirs de la richesse et, toujours maîtres
d'eux-mêmes, ils ne s'écartaient pas de leur
devoir. Tempérants comme ils étaient, ils
voyaient nettement que tous ces biens aussi s'accroissaient par
l'affection mutuelle unie à la vertu, et que, si on s'y
attache et les honore, ils périssent eux-mêmes et
la vertu avec eux. Tant qu'ils raisonnèrent ainsi et
gardèrent leur nature divine, ils virent croître
tous les biens dont j'ai parlé. Mais quand la portion divine
qui était en eux s'altéra par son
fréquent mélange avec un
élément mortel considérable et que le
caractère humain prédomina, incapables
dès lors de supporter la prospérité,
ils se conduisirent indécemment, et à ceux qui
savent voir, ils apparurent laids, parce qu'ils perdaient les plus
beaux de leurs biens les plus précieux, tandis que ceux qui
ne savent pas discerner ce qu'est la vraie vie heureuse les trouvaient
justement alors parfaitement beaux et heureux, tout infectés
qu'ils étaient d'injustes convoitises et de l'orgueil de
dominer. Alors le dieu des dieux, Zeus, qui règne suivant
les lois et qui peut discerner ces sortes de choses, s'apercevant du
malheureux état d'une race qui avait
été vertueuse, résolut de les
châtier pour les rendre plus modérés et
plus sages. A cet effet, il réunit tous les dieux dans leur
demeure, la plus précieuse, celle qui, située au
centre de tout l'univers, voit tout ce qui participe à la
génération, et, les ayant rassemblés,
il leur dit : … [le
manuscrit de Platon finit sur ces mots.]
☐
Critias,
pp. 492-493
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Timée,
Critias » trad., introduction et notes par Luc
Brisson avec la coll. de Michel Patillon, Paris : Flammarion
(GF, 618), 2017
- Œuvres
complètes de
Platon, tome X, « Timée,
Critias »
texte établi et traduit par Albert Rivaud, Paris :
Les
Belles lettres (Collection des universités
françaises),
2002
- « L'Atlantide :
Critias, et prologue du Timée » trad.,
introduction et notes de Jean-François Pradeau,
Paris : Les Belles lettres (Classiques en poche, 8), 1997
- « Le
politique, Philèbe, Timée, Critias »,
éd. et trad. par Auguste Diès et Albert Rivaud,
Paris : Gallimard (Tel, 213), 1992
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- Olivier Boura (éd.), « Les Atlantides : généalogie d'un mythe », Paris : Arléa, 1993
- René
Treuil, « Le mythe de
l'Atlantide », Paris : CNRS
éditions (Biblis, 21), 2012
- Pierre
Vidal-Naquet, « L'Atlantide :
petite histoire d'un mythe platonicien »,
Paris : Seuil (Points-essais, 566), 2007
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mise-à-jour : 31 octobre 2019 |
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