Thomas More

L'Utopie, ou le Traité de la meilleure forme de gouvernement

Flammarion - GF, 460

Paris, 1987
bibliothèque insulaire

       

utopies insulaires
L'Utopie, ou le traité de la meilleure forme de gouvernement / Thomas More ; trad. de Marie Delcourt ; présentation et notes par Simone Goyard-Fabre. - Paris : Flammarion, 1987. - 248 p. ; 18 cm. - (GF, 460).
ISBN 2
-08-070460-5
NOTE DE L'ÉDITEUR : En 1516, dans une Angleterre malade, Thomas More conçoit son rêve humaniste : l'île d'Utopie,
une communauté civile régie par “ la meilleure forme de gouvernement ”. Éducation du peuple, entraide, tolérance religieuse … il formule avec méthode les principes et les lois de cette cité nouvelle. Mais, loin de constituer une évasion vers un ailleurs idéal, cette Utopie est avant tout une réflexion sur les fondements éthiques et politiques d'une société juste et heureuse. De ce récit de l'île de Nulle-Part est né un genre littéraire et philosophique, un horizon vers lequel regarde encore l'humanité pour construire le progrès.
       
Garnier-Flammarion propose la traduction établie par Marie Delcourt à partir de la troisième édition de l'œuvre de Thomas More (Bâle, mars 1518), texte publié initialement par la Renaissance du Livre en 1966, réédité par Droz en 1983.
NICOLE MORGAN : […]

Thomas More était condamné à l’humour et comme il en avait beaucoup, son texte est léger, drôle, parsemé de jeux de mots grecs et latins. Son héros s’appelle Hythlodée : le diseur de balivernes en Grec. Tout un programme qui rassure. À la barbe du roi et des princes de robes ou d’épées, et au plus grand plaisir de la bourgeoisie bourgeonnante, il décrit un lieu bien géré mais si fantasque qu’on ne s’aperçoit pas que s’il était bien géré c’est qu’il n’était pas sous l’autorité de Dieu, ni du roi.


[…]

« Le saint, la mégère et le truand : de l'Utopie libérale de Thomas More à la dystopie néolibérale de Donald Trump en passant par l'hystérie d'Ayn Rand », Encyclopédie de l'Agora, août 2016 [en ligne]
MARION ROUSSET : Anvers, 1515. Envoyé dans les Flandres pour s’occuper d’affaires commerciales, l’Anglais Thomas More, avocat des marchands de Londres, profite de cet exil pour coucher sur le papier un projet qu’il mûrit depuis plusieurs années. Dans ce comptoir de vente des épices venues des colonies portugaises, il imagine un récit de voyage vers Utopia, une île inconnue où chacun est l’égal de l’autre : tous les citoyens vivent sans propriété privée ni argent dans un bonheur parfait. De retour dans la capitale britannique, il y ajoute un premier volet qui critique l’Angleterre de Henry VIII.

[…] Thomas More est un humaniste proche de penseurs comme Pierre Gilles, Guillaume Budé et surtout Erasme, qui a publié cinq ans plus tôt Eloge de la folie. « Je crois avoir loué la folie d’une manière qui n’est pas tout à fait folle », écrit Erasme. Les deux hommes se mettent d’accord pour que Thomas More écrive un éloge de la ­sagesse qui soit le pendant de l’éloge de la folie d’Erasme. Mais une sagesse pas tout à fait sage, rassemblée dans un trait de génie sous le nom d’Utopia.

Avant Thomas More, jamais personne n’a utilisé ce terme. Il joue volontairement de l’ambiguïté d’un mot qui évoque à la fois un lieu qui n’existe nulle part (« ou-topos ») et un lieu de félicité (« eu-topos »). Cette invention sémantique dont on connaît la postérité ne doit rien au hasard : alors que le Moyen Age chrétien ne pouvait concevoir d’au-delà que céleste, les penseurs de la Renaissance s’autorisent à projeter un paradis terrestre peuplé d’êtres humains. L’île d’Utopia est le premier du genre.

[…]

« La mère de toutes les chimères », Le Monde - supplément Idées, Samedi 29 Juillet 2017
UTOPIA ET LA GÉOGRAPHIE DU XVIe SIÈCLE

« Est-ce par ma faute, par la vôtre, par celle de Raphaël [Hythlodée] lui-même ? je ne saurais le dire. Nous avons en effet négligé de lui demander, et il n'a pas pensé à nous dire, dans quelle partie du nouveau monde Utopie est située. Je donnerais beaucoup pour racheter cet oubli, car j'ai quelque honte à ignorer dans quelle mer se trouve l'île au sujet de laquelle j'ai tant à dire. » L'Utopie, préface, pp. 76-77

Plus loin (au Livre Premier), Thomas More laisse entendre que l'île se situe au-delà de l'équateur, une fois quittés les excès climatiques qui rendent les lieux impropres à la civilisation ; là au contraire, « le ciel est moins impitoyable, le sol se couvre d'une douce verdure, les êtres vivants sont moins farouches. Enfin, apparaissent des peuples, des villes, des bourgs, des relations continuelles, par terre et par mer, entre voisins et même entre pays très éloignés » — Livre premier, p. 88.

Mais l'énigme n'est pas levée ; en effet, Raphaël Hythlodée, le découvreur d'Utopia a beaucoup navigué, contournant l'Amérique pour atteindre Ceylan, puis la côte occidentale de l'Inde, avant de rejoindre l'Europe, quelques années avant Magellan ! On ne sait donc rien du lieu précis où est ancrée Utopia ; pourtant l'île est, sans conteste, inscrite dans la géographie de son époque.

UTOPIA ET LE MONDE EXTÉRIEUR

L'insularité d'Utopia est artificielle : par décision du roi-fondateur Utopus, les habitants ont creusé un isthme, séparant leur terre du continent (début du second livre). Mais relations et échanges ne sont pas rompus avec les terres voisines, au contraire. L'île vassalise les contrées environnantes par tous moyens à sa convenance, y compris les pires à nos yeux ; elle se garde ainsi des dangers d'une trop grande proximité et pallie le risque d'un éventuel manque de ressources. 

Dans le domaine des idées et des connaissances, Utopia est ouverte aux apports extérieurs ; Raphaël Hythlodée et ses compagnons sont accueillis sans réticence, comme l'ont été longtemps avant eux des naufragés romains et égyptiens, dont les Utopiens ont su exploiter et valoriser les acquis.

L'île d'Utopia est un bastion sévèrement gardé, apte à fonctionner en autarcie mais qui, dans la limite de besoins strictement définis, s'autorise une politique résolument prédatrice.
COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
Le texte original de Thomas More a fait l'objet de quatre éditions en latin : Louvain (1516), Paris (1517) et Bâle (troisième édition en mars 1518, quatrième éd. en novembre 1518).
  • « L'Utopie » trad. de l'anglais par Victor Stouvenel, Paris : Librio (Philosophie), 2018
  • « L'Utopie » trad. de l'anglais par Victor Stouvenel, revue et corrigée par Marcelle Bottigelli, Bruxelles : Aden, 2016
  • « L'Utopie » trad. du latin par Jean Le Blond (1550), revue par Barthélémy Aneau (1559), révisée et modernisée par Guillaume Navaud, Paris : Gallimard (Folio classique, 5413), 2012
  • Paul-Augustin Deproost, Charles-Henri Nyns et Christophe Vielle (dir.), « Chemins d'utopie : Thomas More à Louvain, 1516-2016 », Louvain-la-Neuve : Presses universitaires de Louvain, 2015
  • Nicole Morgan, « Le sixième continent : l'Utopie de Thomas More, nouvel espace épistémologique », Paris : Vrin (De Pétrarque à Descartes, 59)), 1995

mise-à-jour : 25 février 2020

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